Question orale n° 1281 :
textile et habillement

12e Législature

Question de : M. Michel Raison
Haute-Saône (3e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Michel Raison appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur l'industrie textile européenne. Cette industrie, en particulier les entreprises et les salariés français, fait face à une concurrence internationale de plus en plus dure. L'Inde et la Chine en particulier sont des acteurs majeurs en forte croissance, qui concentrent aujourd'hui l'essentiel des investissements productifs et constituent des compétiteurs redoutables. Les effets de cette concurrence internationale sur le secteur textile sont encore accrus par la suppression, depuis le 1er janvier 2005, des quotas d'importation qui protégeaient l'Europe jusque-là. Depuis cette date, les exportations chinoises en Europe ont augmenté de 50 % au premier trimestre et, pour le seul mois de février, de 119 % en valeur et de 1 500 % en volume ! C'est pourquoi les États membres, dont la France, ont demandé que la politique commerciale de l'Union européenne ne se prive pas, vis-à-vis des importations massives de textiles et de vêtements chinoises, des instruments de défense autorisés par l'OMC (antidumping, antisubvention, clauses de sauvegarde). Depuis plusieurs semaines, le commissaire européen Mandelson travaille en ce sens et la mobilisation générale des européens a déjà permis d'obtenir quelques avancées consenties par la Chine. Par ailleurs, l'aboutissement rapide d'une zone de libre échange « Paneuromed » réunissant l'Europe et les pays de la Méditerranée devrait être un facteur de stabilisation déterminant face à la concurrence asiatique. Toutefois, la forte période de turbulence que traverse notre industrie textile nationale entraîne des conséquences immédiates et le plus souvent irréversibles. Dans son département, plusieurs PMI de la filière textile ont déjà déposé le bilan et d'autres sont sur la même voie. En 2003, c'est la filature HGP de Saint-Loup-sur-Semouse qui a fermé ses portes. En 2005, ce sont les filatures Cousin de Demangevelle et la broderie Gircourt de Corbenay qui sont durement déstabilisées. Il souhaite l'interroger sur le plan d'urgence que l'État, avec le soutien des collectivités territoriales, met en oeuvre dans le département des Vosges pour accompagner les entreprises textiles et leurs salariés. Le ministre délégué aux relations du travail a d'ailleurs participé, le 6 avril dernier, à une réunion de travail avec le président du conseil général des Vosges, celui de la région Lorraine et le préfet de la région Lorraine. Différentes pistes ont été étudiées, avec des avancées concrètes, en particulier sur les mesures de chômage partiel dans les entreprises en difficulté. Dans ce cadre, le financement de l'État serait porté à neuf mois afin de favoriser la reconversion des salariés. En cas de licenciement, un congé de conversion d'une durée de quatre mois serait également financé par l'État avec le concours des collectivités locales. Ces congés de conversion seront suivis par la nouvelle convention de reclassement personnalisé. Les salariés bénéficieront d'un effort renforcé de formation avec le concours du département et de la région. Pour accélérer le retour à l'emploi, les entreprises qui recruteront d'anciens salariés du textile pourront bénéficier d'un contrat d'initiative emploi ainsi que d'une aide à l'embauche. En outre, les ASSEDIC se sont engagées à faire un effort particulier notamment en versant des aides à la mobilité pour favoriser le reclassement. De par sa proximité, ses caractéristiques géographiques et climatiques, le nord du département de la Haute-Saône partage avec les Vosges cette tradition industrielle textile. C'est pourquoi, compte de l'intérêt que représente ce plan d'urgence pour les entreprises de ce secteur et leurs salariés, il souhaite savoir si l'État accepterait qu'il soit étendu au département voisin de la Haute-Saône, sous réserve d'un engagement identique des collectivités territoriales. Enfin, de manière complémentaire, il souhaite l'interroger sur l'article 28 de la loi de finances pour l'année 2005. En effet, cette disposition prévoit que les redevables de la taxe professionnelle peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt pris en charge par l'État et égal à 1 000 euros par salarié employé depuis au moins un an dès lors que l'établissement employeur est situé « dans une zone dans lesquelles des restructurations industrielles en cours risquent d'altérer gravement la situation de l'emploi ». Si les entreprises du secteur de la fabrication de fibres artificielles ou synthétiques ne sont pas éligibles, celles du tissage, de la filature et de la confection pourraient bénéficier de cette mesure. C'est pourquoi, comme cela a été fait dernièrement dans le département des Vosges, il lui demande que soit plus particulièrement étudiée la situation industrielle des bassins d'emploi du département de la Haute-Saône afin de déterminer si une ou plusieurs zones sont susceptibles de correspondre à ce critère de l'article 28.

Réponse en séance, et publiée le 29 juin 2005

DIFFICULTES DE L'INDUSTRIE TEXTILE

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Raison, pour exposer sa question, n° 1281, relative aux difficultés de l'industrie textile.
M. Michel Raison. L'industrie textile européenne - et surtout les entreprises et les salariés français - fait face à une concurrence internationale de plus en plus dure. L'Inde et la Chine en particulier sont des acteurs majeurs en forte croissance, qui concentrent aujourd'hui l'essentiel des investissements productifs et constituent des compétiteurs redoutables. Les effets de cette concurrence internationale sur le secteur textile sont encore accrus par la suppression, depuis le 1er janvier 2005, des fameux quotas d'importation qui protégeaient encore un peu l'Europe jusque-là. La plupart des entreprises concernées ont tenté de se préparer à cette échéance mais, depuis cette date, les exportations chinoises en Europe ont augmenté de 50 % au premier trimestre et, pour le seul mois de février, de 119 % en valeur et de 1 500 % en volume !
C'est pourquoi les États membres, dont la France, ont demandé que l'Union européenne ne se prive pas, vis-à-vis des importations massives de textiles et de vêtements chinoises, des instruments de défense autorisés par l'OMC - mesures antidumping et antisubvention, clauses de sauvegarde, entre autres. Depuis que j'ai rédigé ma question, la situation a d'ailleurs un peu évolué.
Par ailleurs, l'aboutissement rapide d'une zone de libre-échange " Paneuromed ", réunissant l'Europe et les pays de la Méditerranée, devrait être un facteur de stabilisation déterminant face à la concurrence asiatique.
Toutefois, la forte période de turbulence que traverse notre industrie textile nationale a des conséquences immédiates et le plus souvent irréversibles. Elles seraient même très graves si nous devions perdre notre savoir-faire. Dans mon département, la Haute-Saône, entre 1999 et 2003, l'industrie textile a perdu un tiers de ses établissements et 17,4 % de ses emplois salariés. En 2003, la filature HGP de Saint-Loup-sur-Semouse a subi une liquidation et a fermé ses portes. Actuellement, la filature Cousin de Demangevelle - soixante salariés - est tenue à bout de bras par un propriétaire qui la dirige de main de maître, sans salaire, mais il ne pourra tenir encore très longtemps. Quant à la broderie Gircourt de Corbenay, qui était en dépôt de bilan au moment de la rédaction de la question, elle est aujourd'hui mise en liquidation.
Avec ma collègue Maryvonne Briot, députée de la Haute-Saône, dont la circonscription compte également un nombre important d'usines textiles, je souhaite interroger le Gouvernement sur le plan d'urgence que l'État, avec le soutien des collectivités territoriales de Lorraine, met en oeuvre dans le département des Vosges, pour accompagner les entreprises textiles et leurs salariés.
Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail, a d'ailleurs participé, le 6 avril dernier, à une réunion de travail avec le président du conseil général des Vosges, celui du conseil régional de Lorraine et le préfet de région. Différentes pistes ont été étudiées et des avancées concrètes ont été obtenues, en particulier sur les mesures de chômage partiel dans les entreprises en difficulté. Dans ce cadre, le financement de l'État serait porté à neuf mois, afin de favoriser la reconversion des salariés. En cas de licenciement, un congé de conversion d'une durée de quatre mois serait également financé par l'État avec le concours des collectivités locales. Ces congés de conversion seront suivis par la nouvelle convention de reclassement personnalisé. Les salariés bénéficieront d'un effort renforcé de formation avec le concours du département et de la région. J'insiste sur l'importance de cette formation pour des salariés qui, bien qu'excellents, après trente ans de maison, ne savent souvent se servir que de leurs propres machines.
Pour accélérer le retour à l'emploi, les entreprises qui recruteront d'anciens salariés du textile pourront bénéficier d'un contrat d'initiative emploi ainsi que d'une aide à l'embauche. En outre, les ASSEDIC se sont engagées à faire un effort particulier notamment en versant des aides à la mobilité pour favoriser le reclassement. De par sa proximité, ses caractéristiques géographiques et climatiques, le nord du département de la Haute-Saône partage avec les Vosges cette tradition industrielle textile. Pour les caractéristiques climatiques, je pense à l'hygrométrie, qui est à peine supérieure à la moyenne.
Mme la présidente. Nous allons tout savoir sur la Haute-Saône ! (Sourires.)
M. Michel Raison. En tout cas, que le climat est plus humide qu'à Besançon !
Sur notre territoire, se sont ainsi développées des activités de broderie et de dentelle, comme à Luxeuil, dont la renommée est toujours forte. À titre d'illustration, la Haute-Saône avait, en 2003, près de 55 % des établissements et 78 % des salariés du textile de Franche-Comté.
C'est pourquoi, compte tenu de l'intérêt que représente ce plan d'urgence pour les entreprises de ce secteur et pour leurs salariés, je voudrais que le Gouvernement se prononce sur la possibilité d'étendre ce plan au département voisin de la Haute-Saône, en concertation bien sûr avec le conseil régional et le conseil général, qui pourront s'inspirer de la démarche constructive engagée en Lorraine. Dans quelles conditions peut-on envisager une telle extension ?
Enfin, en complément, j'aimerais avoir une précision sur l'article 28 de la loi de finances pour l'année 2005. Cette disposition prévoit que les entreprises redevables de la taxe professionnelle peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt pris en charge par l'État et égal à mille euros par salarié employé depuis au moins un an, dès lors que l'établissement employeur est situé dans une zone où " des restructurations industrielles en cours risquent d'altérer gravement la situation de l'emploi ". Si les entreprises du secteur de la fabrication de fibres artificielles ou synthétiques ne sont pas éligibles, celles du tissage, de la filature et de la confection pourraient bénéficier de cette mesure. C'est pourquoi, comme cela a été fait dernièrement dans le département des Vosges, je demande que soit plus particulièrement étudiée la situation industrielle des bassins d'emploi du département de la Haute-Saône, afin de déterminer si une ou plusieurs zones sont susceptibles de correspondre à ce critère de l'article 28.
Quittant le textile, j'ajoute que, dans ma circonscription, une tréfilerie employant 400 personnes va déposer le bilan. C'est dire combien la situation est difficile dans ce bassin d'emploi au potentiel faible.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée au commerce extérieur.
Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur. Monsieur le député, vous appelez mon attention sur la situation difficile des entreprises du secteur textile et de l'habillement en Haute-Saône, où cette industrie représentait encore 7 % des emplois en 2002, contre 12 % en 1993. Celle-ci doit en effet faire face à des mutations importantes, mais je suis convaincue qu'elle a un avenir dans nos territoires. Le Gouvernement n'a d'ailleurs pas attendu la fin des quotas d'importation pour aider les entreprises et les salariés à s'adapter à cette mutation.
Au plan national, plusieurs mesures de politique industrielle ont été prises pour aider la filière à se tourner vers l'avenir en augmentant sa capacité à créer de la plus-value, en accélérant l'innovation. En effet, seuls la différenciation des produits et des services offerts et le renforcement de la valeur matérielle ou immatérielle des biens permettront aux industriels européens de se démarquer durablement des produits provenant des pays à faibles coûts salariaux.
Il est également essentiel que le commerce international s'exerce dans un cadre équilibré. L'accord textile et vêtements, qui régissait les échanges commerciaux de ce secteur entre l'Union Européenne et nos principaux partenaires, a expiré le 31 décembre 2004. Cette concurrence très vive s'exerce avec des niveaux de prix en forte réduction.
Devant ces difficultés, la France a demandé à la Commission, dès le début de l'année 2005, de surveiller très attentivement les chiffres des importations chinoises et d'agir pour éviter un brutal dérèglement du marché. Ces discussions ont abouti à un protocole d'accord signé le 10 juin 2005 entre l'Union européenne et la Chine, qui fixe pour dix catégories de produits des limites quantitatives aux importations jusqu'à la fin de l'année 2007.
Par ailleurs, vous demandez si une ou plusieurs zones d'emploi du département de la Haute-Saône sont susceptibles de bénéficier du crédit de taxe professionnelle défini par l'article 28 de la loi de finances pour 2005. Ce crédit d'impôt, plafonné à 100 000 euros, s'élève à 1 000 euros par salarié pour une durée de trois ans. Le décret n° 2005-488 du 18 mai 2005 a précisé les dates des références utilisées pour la détermination des vingt zones au sein desquelles ce régime est en vigueur. Au regard de ces critères, le bassin de la Haute-Saône ne figure malheureusement pas parmi les zones éligibles en 2005, qui ont été communiquées au mois de mai dernier. Je souhaite toutefois rappeler que la liste des zones concernées sera révisée chaque année par voie réglementaire jusqu'en 2009.
Enfin, vous demandez l'application au département de la Haute-Saône d'un programme spécifique de reclassement des salariés affectés par une restructuration dans le secteur textile ; vous citez, à ce titre, les mesures annoncées dans les Vosges par Gérard Larcher - et je ne suis pas sans savoir la proximité entre la Haute-Saône et les Vosges...
Le plan d'urgence mis en place dans ce département correspond à des mesures exceptionnelles, dans le cadre d'un cofinancement avec les collectivités locales, répondant à une situation particulière, compte tenu du poids du secteur textile et de l'ampleur des restructurations. À ce stade, le Gouvernement n'envisage pas de généraliser ce plan au niveau national, chaque bassin d'emploi ayant des caractéristiques propres nécessitant des réponses adaptées en matière de reconversion.
Toutefois, dans le cadre de ce plan, une mission a été confiée à M. Jean Pierre Aubert pour, d'une part, évaluer les dispositifs mobilisés sur le bassin vosgien et faire des propositions en matière de redéploiement industriel et, d'autre part, formuler des propositions pour étendre, dans un deuxième temps, le champ de cette mission à l'ensemble du territoire national. Les conclusions de cette étude sont attendues pour l'été, et le Gouvernement y prêtera une grande attention. Je ne manquerai pas de vous informer des résultats de ses réflexions.

Données clés

Auteur : M. Michel Raison

Type de question : Question orale

Rubrique : Industrie

Ministère interrogé : économie

Ministère répondant : économie

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 28 juin 2005

partager