déchets radioactifs
Question de :
M. Jean-Louis Dumont
Meuse (2e circonscription) - Socialiste
M. Jean-Louis Dumont attire l'attention de M. le ministre délégué à l'industrie sur la situation de la politique d'accompagnement en faveur de l'emploi et du développement économique, des travaux du laboratoire souterrain de recherche géologique de Bure, dans la Meuse, prévu par la loi n° 91-l381 du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs, dite loi Bataille. Les mesures d'accompagnement doivent être pérennisées jusqu'en 2006, date à laquelle le Parlement sera saisi, conformément à la loi suscitée. Et durant ce laps de temps, le laboratoire souterrain doit pouvoir fournir la preuve irréfutable de la faisabilité technique et économique, dans les conditions de fiabilité et de qualité requises, ainsi que les possibilités d'accessibilité et de reprise des déchets en conditions sûres. Il a déjà pu, par le passé, attirer l'attention du ministère de l'industrie et du ministère de l'aménagement du territoire sur la nécessité de mener un plan ambitieux en faveur de l'emploi et au bénéfice d'actions structurantes, et de trouver un dispositif qui permette de mutualiser et d'amplifier l'action menée par les acteurs de l'accompagnement économique, que sont AREVA, EDF, l'ANDRA ou la SODIE. Pour ce faire une vision globale et cohérente doit être développée pour éviter à l'avenir le saupoudrage de subventions et pour des investissements ne présentant pas un réel intérêt mesurable en terme d'emploi. Au regard du rapport établi par la préfecture de la Meuse, concernant le bilan du fonds d'accompagnement du laboratoire souterrain de recherche géologique de Bure, et plus particulièrement en tenant compte du fait que les opérations prioritairement soutenues devaient être celles ayant un impact sur l'activité économique en général, mesurable par l'augmentation des ressources fiscales générées et/ou d'emploi, il apparaît nécessaire de rappeler aux différents acteurs de la mise en oeuvre de l'accompagnement économique qu'afin de conserver une crédibilité à l'ensemble de la démarche, les engagements pris doivent impérativement être tenus, même en nécessitant une intervention économique plus soutenue des acteurs concernés.
Réponse en séance, et publiée le 19 octobre 2005
PERSPECTIVES DU LABORATOIRE SOUTERRAIN DE RECHERCHE GEOLOGIQUE DE BURE DANS LA MEUSE
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour exposer sa question, n° 1289, relative aux perspectives du laboratoire souterrain de recherche géologique de Bure dans la Meuse.M. Jean-Louis Dumont. Monsieur le ministre délégué à l'industrie, faut-il rappeler le contexte qui a présidé au forage et à la mise en place d'un laboratoire à Bure, dans le département de la Meuse, à la limite de la Haute-Marne ? Faut-il rappeler que la loi Bataille, que j'ai moi-même votée, été pratiquement adoptée à l'unanimité ? Faut-il rappeler la candidature de la Meuse pour accueillir ce laboratoire ?
Nous étions tous conscients que c'était une question de solidarité nationale et que nous devions mettre en oeuvre toutes les forces politiques et économiques du département. Nous avons dû résister à toutes celles et à tous ceux qui ne veulent pas entendre parler du nucléaire, y compris des déchets, d'ailleurs, qui commencent ici ou là à s'accumuler. La loi Bataille est une première, il faut la saluer comme telle !
Depuis, un rapport de la préfecture de la Meuse, dont vous avez été destinataire, monsieur le ministre, a livré non une évaluation, car il n'y en a pas eu, mais une analyse sur les fonds d'accompagnement et sur la conduite des missions qui avaient été confiées à telle ou telle entreprise. Faut-il rappeler la SODIE, qui fut un échec lamentable ? Faut-il rappeler EDF recyclant les fonds dans ses propres filiales en finançant diverses études, dont on dit qu'elles ont été signées par le préfet de la Meuse ? Cela n'a servi à rien ! Faut-il rappeler le mépris colonialiste qu'a manifesté l'ANDRA dans notre département ? Mais je fais confiance à son président, notre collègue François-Michel Gonnot, que je salue. Il va remettre de l'ordre au sein de l'ANDRA, qui va s'occuper de notre département et cela dans le respect des Meusiens. Vous devez, monsieur le ministre, en liaison avec le ministre de l'emploi et à travers les missions confiées à AREVA, à l'ANDRA et à EDF, favoriser l'emploi, aider les Meusiens porteurs de projets endogènes et favoriser le développement exogène.
Actuellement, dans notre département, les détenteurs d'un projet, après avoir attendu trois mois pour obtenir un rendez-vous, doivent encore patienter pour recevoir une réponse. Nous avons des entreprises performantes, qui ne demandent qu'à se développer. C'est le moment opportun, monsieur le ministre, de faire de ce laboratoire de recherche un outil performant pour un éventuel entreposage en couche profonde, mais surtout de démontrer aux Meusiens que l'effort qu'ils ont accompli n'est pas vain.
J'avais interpellé à l'époque l'un de vos prédécesseurs, Christian Pierret, sur la nécessité de construire deux laboratoires. Mais d'autres départements - ou plus exactement d'autres parlementaires - n'ont pas eu ce même courage, monsieur le ministre, et ont refusé le projet.
L'ANDRA ne doit pas conserver ces fonds, mais au contraire valoriser la démarche courageuse et responsable du département de la Meuse.
Je vous demande sincèrement, au nom de tous les Meusiens, au nom de ceux qui ont pris leurs responsabilités, de tout mettre tout en oeuvre, non pas en instaurant un comité Théodule, mais en donnant des ordres précis, appuyés sur des évaluations régulières et des contrats d'objectifs. Si demain EDF est privatisée et que son capital est ouvert, qu'adviendra-t-il de cette mission ? Vous voyez bien qu'il y a urgence !
Enfin, je ne veux pas que l'on persiste à voir la Meuse comme cet hebdomadaire parisien, très intellectuel mais pas toujours responsable, qui titrait récemment : " Bure, son clocher, sa poubelle nucléaire ". À Bure, il n'y a pas de poubelle, mais un laboratoire de recherche. Le Parlement souverain, en 2006, décidera de la poursuite de la recherche. Si, au moment jugé opportun par les scientifiques, les techniciens et les hommes politiques, Bure doit devenir un site d'enfouissement en couche profonde, c'est au Parlement d'en décider, mais il s'agit d'un entreposage et non d'une poubelle !
Voyez comment on qualifie notre département ! Pour qui nous prend-on, nous qui sommes responsables et solidaires de la Nation ? Pour des ploucs ? Monsieur le ministre, après M. Devedjian, vous avez pris les rênes du ministère en charge de l'industrie. Pouvez-vous nous confirmer les objectifs du Gouvernement ? Nous comptons sur vous, vous qui avez été accueilli dans notre département, pour donner à la Meuse le souffle qu'elle mérite au niveau de l'emploi, du développement économique et de l'aménagement du territoire.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'industrie.
M. François Loos, ministre délégué à l'industrie. Monsieur le député, vous venez de montrer de quel souffle la Meuse sait faire preuve... Je suis naturellement conscient des responsabilités qui ont été prises par le Gouvernement et qui sont aujourd'hui aussi celles du Parlement.
Conformément à l'échéance fixée par la loi Bataille du 30 décembre 1991, le Gouvernement, au cours du premier semestre 2006, vous présentera un projet de loi. Ce texte, dont l'élaboration est en cours, ne pourra être finalisé que lorsque nous disposerons du résultat des recherches et des évaluations des experts - c'est le cas - mais également du bilan du débat public qui a été engagé, ainsi que du rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, qui nous a été remis. Lorsque tous ces éléments seront réunis, nous serons en mesure d'élaborer un projet de loi, que nous vous soumettrons au cours du premier semestre de l'année prochaine.
J'en viens à l'accompagnement économique, sur lequel vous avez insisté. Ce point sera traité dans le projet de loi de 2006, comme il l'a été dans la loi de 1991. Je vous rappelle que conformément aux dispositions de cette loi, chacun de ces deux départements que sont la Meuse et la Haute-Marne a reçu 9,2 millions d'euros par le biais de groupements d'intérêt public. Il s'agit d'une somme très importante !
Pour pérenniser et améliorer le dispositif d'accompagnement économique, dans l'hypothèse où le Parlement déciderait la poursuite des études et travaux dans ce secteur, mon prédécesseur avait demandé aux préfets des deux départements concernés, en liaison avec tous les acteurs concernés, de faire le bilan du dispositif en place et de proposer, le cas échéant, des mesures pour l'améliorer. Or, ce bilan est un peu insuffisant... ce n'est qu'un bilan !
M. Jean-Louis Dumont. Tout à fait !
M. le ministre délégué à l'industrie. Il a donc été décidé, lors du CIADT du 12 juillet dernier, de créer un comité de haut niveau qui réunira, sous ma présidence, les dirigeants d'EDF, d'Areva, du CEA et de l'ANDRA, ainsi que quelques élus et les administrations concernées. Ce comité aura pour mission de faire des propositions afin d'améliorer le dispositif d'accompagnement économique, notamment sa gouvernance.
Vous m'interrogez sur les responsabilités de chacun en la matière : tous ces points doivent être réglés. Il est nécessaire d'identifier les projets économiques qui pourraient être développés, et à l'évidence il en existe quelques-uns.
L'accompagnement économique a été institué par la loi de 1991 pour témoigner de la reconnaissance de la Nation à l'égard des territoires qui acceptent de contribuer aux recherches sur un sujet d'importance nationale. Cet accompagnement est légitime, même s'il doit rester secondaire par rapport aux projets eux-mêmes. À ce titre, je rends hommage à la responsabilité et à la résolution des élus, qui fut remarquable. Ils ont compris qu'un tel enjeu national devait se traduire sur le plan local. Vous-même, monsieur le député, avez été exemplaire sur ce dossier et nous savons que votre motivation dépassait le cadre de l'accompagnement. Votre engagement est fondamental, l'accompagnement économique n'étant pour vous qu'un atout supplémentaire. Pour le Gouvernement, l'acceptation des projets passe d'abord par une bonne information du public sur la protection de la santé et de l'environnement.
Conscient de tous ces problèmes, le Gouvernement a mis en place le comité, qui sera chargé au plus haut niveau d'organiser la gouvernance de l'accompagnement et d'y répondre, et je suis persuadé que le Parlement, l'année prochaine, fera preuve de sagesse lors du débat sur le projet de loi que j'aurai l'honneur de lui présenter.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.
M. Jean-Louis Dumont. Vous l'avez compris, monsieur le président, mes chers collègues, vous aurez l'an prochain un rôle important à jouer. Mais vous ne pourrez le jouer que si toutes celles et tous ceux qui travaillent dans les entreprises, les administrations, et si les responsables politiques ont tenu leurs engagements. Il sera donc nécessaire de savoir ce qu'il en est.
Aujourd'hui, EDF parcourt nos campagnes et rassemble l'intercommunalité. Est-ce pour promouvoir l'emploi ? Pas du tout ! En réalité, elle ne cherche qu'à : " créer un climat propice à une meilleure acceptation dans les départements de la Haute-Marne et de la Meuse du site d'enfouissement de déchets ultimes du nucléaire à Bure ", selon un document que je tiens à votre disposition. Il est incroyable de lire cela alors que nous n'en sommes, selon la loi, qu'au stade du laboratoire, et que l'on a demandé à EDF de créer des emplois, notamment dans le secteur de la biomasse, pour lequel la Meuse dispose de plusieurs projets intéressants. Aujourd'hui, EDF tente maladroitement de placer certaines de ses filiales. Ce n'est pas ce qu'on lui demande ! Je connais bien EDF, ayant rédigé un rapport sur cette entreprise sous une autre mandature, et je peux vous dire qu'il suffirait d'un peu de volonté pour faire évoluer les choses.
Monsieur le ministre, vous êtes venu sur le terrain et avez démontré votre engagement. Faites passer ce message aux dirigeants d'Areva, d'EDF et de l'ANDRA afin que, autour de Bure, dans le département de la Meuse, des actions exemplaires soient entreprises pour nos populations, au bénéfice de l'emploi et de l'aménagement du territoire. Le président du conseil général qui, depuis hier soir, parcourt son département pour donner un souffle nouveau à cette politique d'aménagement a, bien au-delà de l'appui de sa famille politique, celui de tout son département. Une fois de plus, monsieur le ministre, c'est tout un département qui se lève au service de la France, mais qui entend en avoir les retombées.
Auteur : M. Jean-Louis Dumont
Type de question : Question orale
Rubrique : Déchets, pollution et nuisances
Ministère interrogé : industrie
Ministère répondant : industrie
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 18 octobre 2005