DOM : Réunion
Question de :
M. René-Paul Victoria
Réunion (1re circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. René-Paul Victoria appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales sur les problèmes particuliers des Réunionnais dans le domaine de la pêche et dans le domaine agricole. En effet, le développement de la pêche à La Réunion, dont le poids dans l'économie ne cesse d'augmenter, rivalise aujourd'hui avec le tourisme et la canne. La préoccupation de nombreux pêcheurs de cette région est de savoir quels sont les moyens dont ils pourraient disposer pour assurer la protection de cette zone de pêche, afin de permettre un développement économique durable. Par ailleurs, dans le domaine agricole, les problèmes de fret et de réglementation européenne entravent l'exportation des cultures fruitières. En période de pointe, il n'y a aucun moyen de répondre rapidement à la demande d'exportation de fruits. Enfin, en ce qui concerne l'économie cannière, les travaux de basculement de l'eau de l'Est vers l'Ouest ont été interrompus. Il souhaiterait savoir si le Gouvernement envisage d'apporter une aide substantielle à cette opération d'envergure, que la topologie de l'ile rend nécessaire et qui est indispensable à la survie de cette ressource.
Réponse en séance, et publiée le 5 février 2003
AIDE AU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE
DE LA RÉUNION
M. le président. La parole est à M. René-Paul Victoria, pour exposer sa question, n° 129, relative à l'aide au développement économique de la Réunion.
M. René-Paul Victoria. Monsieur le ministre de l'agriculture, j'ai eu l'occasion, à plusieurs reprises, tant au sein de la délégation européenne qu'au sein de la commission des affaires étrangères mais aussi dans cet hémicycle, d'intervenir pour préciser la position de la Réunion dans l'océan Indien. C'est une position essentielle pour la France et l'Europe dans cette zone en constant mouvement, mais cette situation géographique particulière engendre des problèmes particuliers inconnus des métropolitains, notamment dans le secteur agricole.
Ainsi, le développement de la pêche à la Réunion, dont le poids dans l'économie ne cesse d'augmenter, rivalise aujourd'hui avec le tourisme et la canne. Ma préoccupation, comme celle de nombreux pêcheurs de mon département, est de savoir quels sont les moyens d'assurer la protection de cette zone de pêche, afin de permettre à notre région de bénéficier d'un développement économique durable.
Par ailleurs, dans le domaine agricole, les problèmes de fret et de réglementation européenne entravent l'exportation des cultures fruitières. En période de pointe, il n'y a aucun moyen de répondre rapidement à la demande d'exportation de fruits, à cause de la sous-capacité du fret et du coût à l'export.
Enfin, en ce qui concerne l'économie cannière, il faudrait poursuivre les travaux de basculement de l'eau de l'Est vers l'Ouest. Or l'un des tunneliers est englouti sous des milliers de mètres cubes de terre, ce qui obère la poursuite de cette opération. Le Gouvernement peut-il envisager d'apporter une aide substantielle à cette opération d'envergure indispensable à la survie de cette ressource ?
M. le président. La parole est à ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.
M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Monsieur le député, vous venez d'évoquer un certain nombre de problèmes. Avec Mme Brigitte Girardin, ministre chargée de l'outre-mer, nous travaillons étroitement sur les questions qui concernent à la fois la pêche et l'agriculture dans votre département de la Réunion.
La pêche maritime, vous venez de le souligner, constitue aujourd'hui pour le département de la Réunion un axe majeur de son développement économique. Sa proximité des grandes pêcheries de thon et d'espadon de l'océan Indien ainsi que des zones de pêche des Terres australes et antarctiques françaises, pour la légine et la langouste, a permis, en plus de la flotte de petite pêche, le développement d'une flotte de pêche côtière et de pêche au large constituée de palangriers de surface pour le thon et l'espadon, et de palangriers spécialisés pour la légine, dont certaines unités, appartenant à la catégorie de la grande pêche, effectuent des marées de plusieurs mois. Près de 4 000 tonnes de poissons, pélagiques principalement, sont ainsi débarqués à la Réunion en plus des 6 500 tonnes de langoustes et légines australes. Ces dernières génèrent pour la Réunion des flux économiques directs de plus de 45 millions d'euros par an. Comme vous le savez, des mesures drastiques de protection de la ressource sont appliquées à travers un système de totaux admissibles de captures, TAC, et de quotas, qui sont fixés annuellement, après avis du Muséum national d'histoire naturelle, afin d'assurer la pérennité de ces espèces.
Concernant la protection des zones de pêche, la France, dans le cadre de la réforme de la politique commune de la pêche, a demandé un traitement spécifique des départements d'outre-mer, visant notamment à introduire une restriction d'accès à la zone économique exclusive française, soit 200 milles des côtes, au large des DOM, en réservant tout ou partie de cette zone aux seuls navires français. Cette restriction d'accès, qui intéressait également le Portugal en raison de ses régions ultra-périphériques, n'a pu être traitée, faute de temps, au cours du conseil des ministres de décembre dernier, en partie aussi en raison de l'opposition de l'Espagne aux demandes française et portugaise. C'est cependant pour moi un point essentiel, et je compte m'assurer qu'il sera bien examiné au cours d'un prochain conseil, en tout cas avant le 1er juillet de cette année.
S'agissant des eaux des terres australes et antarctiques françaises, où la pêche illicite handicape gravement l'activité des navires français, le Gouvernement a pris les dispositions nécessaires pour installer aux Iles Kerguelen un dispositif de réception d'images satellites - système RADARSAT - qui, combiné aux détections des navires qui croisent sur zone, notamment ceux de la Marine nationale, devrait permettre d'arraisonner un nombre plus important de contrevenants. La mise en place de ce système représente un coût d'investissement de 2,65 millions d'euros pour la première année et de 2,3 millions d'euros par an pour les dépenses de fonctionnement. Ils permettra de connaître plus précisément l'activité de pêche illicite et optimisera les missions de contrôle des navires de la Marine nationale, tout en permettant des interventions ponctuelles sur renseignements. Le Gouvernement a engagé par ailleurs une action diplomatique de coopération avec l'Australie sur ce même sujet, ainsi qu'une action sur Maurice, principale base arrière des pêcheurs pirates.
Comme vous le voyez, monsieur le député, la lutte contre la pêche illicite représente un enjeu écologique, social, et également stratégique, puisqu'il s'agit de défendre la souveraineté française. Toutes ces actions n'ont d'autre but que d'assurer la pérennité du développement de la pêche à la Réunion.
Par ailleurs, vous m'interrogez sur les conditions de fret vers la métropole. Il existe déjà, comme vous le savez, des aides à l'exportation des marchandises vers la métropole, qu'elles soient communautaires ou nationales. L'appui à l'écoulement des produits représente 10 % de la production commercialisée. Je sais que cela n'est pas toujours suffisant pour faire face à la demande européenne. J'encourage donc les producteurs à rationaliser leurs envois dans le temps, afin d'optimiser l'utilisation des capacités existantes.
Pour l'avenir, la baisse du coût du transport est une priorité du Gouvernement en particulier pour des produits comme les fruits de contre-saison, pour lesquels la métropole constitue un excellent débouché. Ainsi, récemment, les ananas ont pu bénéficier d'aides spéciales de la Communauté européenne. Mes services sont prêts à examiner tout projet similaire, notamment pour ce qui concerne les plantations de verger comme les letchis ou les mangues José. En outre, les nouvelles règles du POSEIDOM de fin décembre 2002 prévoient de fortes incitations pour le secteur organisé au sens de l'OCM fruits et légumes. Ces nouvelles règles sont autant une chance qu'une contrainte, car elles aideront les producteurs dans leur effort d'organisation, essentiel pour l'amélioration des conditions de transport.
Enfin, les travaux de basculement de l'eau de l'est vers l'ouest du département ont été interrompus avant tout pour des raisons techniques, certains tunneliers ayant été arrêtés par des poches d'eau souterraines inattendues. Leur dégagement prendra certainement un peu de temps. En attendant, sachez que je suis particulièrement attentif à la place de la canne à sucre dans l'économie réunionnaise. Dans un contexte d'urbanisation intense et rapide et de développement du tourisme, la défense de la sole cannière est, en effet, un objectif essentiel de la politique agricole que j'entends mener dans le département. Ce secteur emploie 4 800 planteurs et presque autant d'employés permanents ou saisonniers. Leur défense, dans la politique départementale, nationale ou européenne, est une constante de l'action de Gouvernement. Le Premier ministre aura l'occasion de le réaffirmer à l'occasion de sa visite à la Réunion les 21 et 22 février prochains.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Victoria.
M. René-Paul Victoria. Monsieur le ministre, je vous remercie pour ces propos et surtout pour ces pistes de travail. Je pense que les Réunionnais sont rassurés et je crois, qu'à l'avenir, la Réunion devra jouer un rôle très important au nom de l'Europe et de la France, notamment pour la protection de l'espace maritime, dans la mesure où c'est aussi grâce à l'outre-mer que la France est une très grande puissance mondiale dans le domaine maritime.
Auteur : M. René-Paul Victoria
Type de question : Question orale
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : agriculture, alimentation et pêche
Ministère répondant : agriculture, alimentation et pêche
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 3 février 2003