pièces et équipements
Question de :
M. Michel Liebgott
Moselle (10e circonscription) - Socialiste
M. Michel Liebgott attire l'attention de M. le ministre délégué à l'industrie à propos de la fermeture de l'entreprise GKN Driveline à Florange en Moselle. Depuis près de vingt-trois ans, l'usine GKN Driveline de Florange en Moselle produit des joints de transmission pour les plus grands constructeurs automobiles français et internationaux parmi lesquels notamment PSA, Ford et Renault. C'est malheureusement presque terminé ! La direction de ce groupe international britannique et ses actionnaires, des fonds de pension écossais pour l'essentiel, ont en effet décidé, sans la moindre concertation préalable, de fermer cette entreprise quand bien même elle n'est nullement en difficulté, bien au contraire. Ce sont de nouveau 220 emplois supprimés, 220 drames humains et familiaux et un bassin de vie, autrefois épicentre du Texas lorrain, qui se meurt. Ce fut Daewoo en 2002, c'est GKN aujourd'hui, ce sera ARCELOR et ses 1 100 emplois directs demain. Le groupe GKN a tenté par tous les moyens de masquer ce qu'il convient d'appeler une délocalisation de cette usine, par crainte des retombées médiatiques inévitables. Récemment pourtant, le gérant de la société reconnaissait que des pièces, jusque-là produites à Florange, allaient être maintenant fabriquées en Pologne. Un aveu dont personne ne doutait ! Une fois encore, le capital ne peut se résoudre à une rémunération raisonnable : c'est le toujours plus pour les dividendes, c'est le toujours pire pour les ressources humaines. Le cas de cette usine est malheureusement loin d'être isolé, l'actualité en témoigne pleinement. Alors, il lui demande s'il n'y a pas lieu, alors que le groupe britannique GKN affiche une progression de sa cotation boursière à Londres de près de 45 % depuis le début de l'année et que ses bénéfices après imposition ont doublé sur la même période, de revoir les dispositions de l'article 76 de la loi de cohésion sociale, ayant modifié l'article L. 321-17 du code du travail, ne prévoyant comme obligation légale pour l'entreprise qu'une participation à la revitalisation du bassin à un niveau minimal de deux fois la valeur du SMIC par emploi supprimé. Il lui demande également si les pouvoirs publics vont se contenter une fois de plus d'accompagner cette fermeture ou au contraire faire pression sur le groupe GKN pour qu'à défaut de revenir sur sa décision, il indemnise plus largement les 220 employés de cette usine, injustement licenciés, et en tout état de cause pas pour un motif économique valable.
Réponse en séance, et publiée le 19 octobre 2005
AVENIR DES SALARIES
DE L'ENTREPRISE GKN DRIVELINE
A FLORANGE, EN MOSELLE
M. Michel Liebgott. Madame la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, je souhaite attirer votre attention sur la situation de l'entreprise GKN Driveline, dont je rappelle qu'elle a dégagé des bénéfices cette année comme l'année dernière et qu'elle appartient à un groupe britannique lui-même très largement bénéficiaire, puisque sa cotation boursière a augmenté de 45 % depuis le début de l'année.
En dépit de ces résultats, la direction de ce groupe international a décidé, à la demande de ses actionnaires, notamment un fonds de pension écossais, de fermer cette unité de production française. Ce sont ainsi 220 emplois directs et de nombreux autres emplois indirects, que ce soit dans l'entreprise - entretien de l'usine et des espaces verts, restauration collective, pièces mécaniques - ou hors de celle-ci, qui seront supprimés dans une région déjà durement touchée par la fermeture de l'usine Daewoo en 2002 et par la suppression de 1 100 emplois directs par Arcelor d'ici à 2008-2009.
En outre, le groupe a agi de la manière la plus cynique qui soit, puisque, au cours des six premiers mois de l'année, les salariés ont été amenés à faire des heures supplémentaires, sans se douter que celles-ci étaient destinées à accumuler des stocks pour pouvoir fournir les clients dans la période séparant la fermeture de l'entreprise du transfert de la production en Pologne et en Ukraine notamment. C'est dire à quel point les salariés ont été trompés alors que, au cours des vingt-trois dernières années, ils n'avaient pas créé de syndicats, tout allant pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Hélas ! ce cynisme ne s'arrête pas à la fermeture de l'entreprise. En effet, aujourd'hui, les propositions du groupe sont dérisoires et fort éloignées de ce que demandent les salariés. Or cette fermeture n'ayant aucun motif économique valable, la moindre des choses serait de les indemniser correctement.
À cet égard, je souhaiterais savoir dans quelle mesure l'État entend accompagner la demande des salariés. Je constate que le préfet ne les reçoit qu'aujourd'hui, alors que le gérant, lui, a déjà été reçu et que la fermeture de l'entreprise a été annoncée avant l'été. Cette situation est purement et simplement scandaleuse, compte tenu de la manière dont les salariés ont été traités.
Par ailleurs, ne conviendrait-il pas de revoir l'article 76 de la loi de cohésion sociale, qui n'exige de l'entreprise, pour la revitalisation du bassin, qu'une participation équivalente à deux fois la valeur du SMIC par emploi supprimé, soit en l'occurrence 500 000 euros ? Comparée à la perte de taxe professionnelle pour les collectivités locales qui se monte, pour une seule année, à 650 000 euros, cette somme n'est qu'une goutte d'eau.
Enfin, je souhaiterais également que vous m'indiquiez - je l'ai demandé également au ministre de l'intérieur - quelles mesures compte prendre l'État pour se substituer aux fonds européens qui, malheureusement, ne seront certainement plus attribués à cette région dans l'avenir. Quel sera le contenu du futur contrat de plan, sachant que celui qui est en vigueur avait prévu l'octroi de crédits dits " après mine ", afin de conforter des mesures insuffisantes pour une région en pleine mutation qui subit encore des restructurations ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Monsieur le député, vous appelez l'attention du Gouvernement sur la cessation d'activité de GKN Driveline à Florange, en Moselle, entreprise qui emploie 220 salariés. Je peux vous assurer que le Gouvernement attache la plus grande importance à la situation de cette entreprise et de ses salariés et que nous mesurons toutes ses conséquences pour l'emploi en Moselle et, plus généralement, en région Lorraine.
Compte tenu de la baisse des commandes de la part des constructeurs automobiles, le groupe GKN, spécialisé dans les équipements pour l'industrie automobile, a prévu une perte de plus de 20 % de son chiffre d'affaires sur la période 2004-2007. Dans ces conditions, les dirigeants du groupe ont décidé de concentrer l'essentiel de l'activité française sur le site d'Arnage, dans la Sarthe, qui emploie environ 800 salariés aujourd'hui, pour - je cite le groupe - " une meilleure consolidation de l'emploi en France ".
Le transfert d'activité et d'équipements démarrera progressivement pour s'achever fin janvier 2006, et soixante et onze postes seront transférés de Florange à Amage. En sus de ces soixante et onze postes, GKN propose aux salariés de Florange dix-huit postes disponibles à Arnage et dix autres à Ribemont dans l'Aisne. Pour les salariés préférant retrouver un emploi en Lorraine, un relais emploi/mobilité est mis en place, accompagné d'aides facilitant la reprise d'emploi, comme le congé de reclassement, conformément aux obligations pesant sur les entreprises appartenant à un groupe de plus de 1 000 salariés.
Le comité d'entreprise de GKN Driveline Florange a été informé de ces évolutions dès le 29 juin 2005 et un accord de méthode a été signé le 12 juillet 2005 entre l'entreprise et ses syndicats, dans l'esprit de la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005. Le comité d'entreprise a toutefois décidé de saisir le tribunal de grande instance de Thionville en vue de l'annulation du plan de restructuration pour absence de motifs économiques et insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi.
Compte tenu de la situation de l'emploi en Moselle et des fortes préoccupations exprimées par les salariés de l'entreprise, j'ai demandé à mes services de porter la plus grande attention à ce dossier. Ils ont d'ores et déjà, dans leur rôle de médiateur social, rencontré à plusieurs reprises les dirigeants, ainsi que les salariés de l'entreprise. La question de la validité du plan de restructuration de GKN relève désormais des tribunaux. En tout état de cause, les services de l'État suivront avec vigilance le respect par l'entreprise GKN de ses obligations en matière de reclassement interne et externe à l'égard de ses salariés et des bassins d'emploi affectés par cette restructuration.
En ce qui concerne la revitalisation économique imposée par l'article L. 321-17 du code du travail et revue dans la loi de cohésion sociale, GKN a exprimé sa volonté d'y contribuer pleinement. Le montant de deux SMIC par salarié versé par l'entreprise au titre de la revitalisation n'est qu'un montant minimum fixé par la loi. Il sera bien évidemment tenu compte des moyens de cette entreprise dans l'appréciation portée par l'État sur le respect de ces obligations.
M. le président. La parole est à M. Michel Liebgott.
M. Michel Liebgott. Madame la ministre, avec tout le respect que je vous dois, je regrette que M. le ministre de l'industrie ne se soit pas déplacé pour une affaire aussi importante. Je regrette également qu'il n'ait pas répondu favorablement à notre demande de rendez-vous, puisque nous ne serons reçus que par un chef de service du ministère de l'industrie, le directeur des industries manufacturières. Enfin, comment ne pas être inquiet en constatant que votre réponse n'est autre que celle du gérant de l'entreprise, que nous avons vu négocier dans les pires conditions avec les salariés ?
La situation dans laquelle nous nous trouvons n'est en rien liée à une baisse des commandes des constructeurs automobiles, mais résulte simplement de la volonté du groupe GKN de produire à des prix inférieurs. Preuve en est que la production de l'usine d'Olesnica en Pologne est passée de 6 000 à 14 000 joints de transmission et que les tripodes, auparavant fabriqués à Florange, le sont désormais à Zrece, en Ukraine, et en beaucoup plus grand nombre, puisque l'on est passé de 11 000 à 22 000.
Il semble par ailleurs, et ce point méritera d'être éclairci, que certaines pièces fabriquées hors de France - notamment à Vigo, en Espagne - soient labellisées " Florange ", ce qui atteste indûment, aux yeux du constructeur, de la qualité du produit concerné.
Cela étant, j'ai bien entendu, madame la ministre, que le montant prévu de deux SMIC par salarié pour la revitalisation du bassin n'était qu'un minimum. Nous espérons que la somme versée ira bien au-delà de 500 000 euros et que le Gouvernement exigera de l'entreprise, dont la situation est florissante, qu'elle verse des indemnités supérieures au montant prévu dans la loi, et qui devraient être d'au moins 2 000 euros par mois. Les salariés de GKN ont été trompés pendant des années sur les intentions des dirigeants de leur entreprise. Il est normal qu'ils n'en fassent pas aujourd'hui encore davantage les frais.
Auteur : M. Michel Liebgott
Type de question : Question orale
Rubrique : Automobiles et cycles
Ministère interrogé : industrie
Ministère répondant : emploi, travail et insertion professionnelle des jeunes
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 18 octobre 2005