inondations
Question de :
M. René Rouquet
Val-de-Marne (9e circonscription) - Socialiste
M. René Rouquet souhaite appeler tout particulièrement l'attention de Mme la ministre de l'écologie et du développement durable sur les inquiétudes de nombreux élus de la région Ile-de-France, quant aux moyens financiers qui seraient réellement attribués par le Gouvernement pour permettre aux collectivités concernées de prévenir, informer et lutter contre une éventuelle crue de la Seine dont l'ampleur pourrait être comparable à celle de 1910. Alors que des inondations de grande ampleur, aux conséquences souvent dramatiques pour les populations, viennent de frapper plusieurs départements français ces derniers mois, les médias ont récemment mis en lumière les conséquences d'une éventuelle crue de la Seine sur Paris et la région parisienne dont l'ampleur pourrait être comparable à celle de 1910. Lors de la rencontre organisée le 4 décembre, à l'initiative du préfet de police, Jean-Paul Proust et de la secrétaire générale de la zone de défense, Mme Michèle Merli, les élus de l'Ile-de-France se sont vus sensibiliser aux conséquences que pourrait avoir une telle catastrophe naturelle. A cette occasion, le législateur a préconisé l'élaboration d'un plan de prévention contre les risques d'inondation, à l'image des dispositifs déjà existants ou en cours d'élaboration, tels les PPRI dont se sont dotés certains départements, comme le Val-de-Marne en 1999-2000. Mais de nombreux projets, actuellement à l'étude, semblent voir leur validation ou leur début d'exécution suspendus à l'attribution de moyens financiers. Aussi, face à l'inquiétude de nombreux élus sur les répercussions catastrophiques que pourrait entraîner une nouvelle crue de la Seine pour notre région Ile-de-France si elle devait être comparable à celle de 1910, il souhaite l'interroger sur les moyens financiers que l'Etat entend réellement consentir pour faire face à ce problème.
Réponse en séance, et publiée le 26 février 2003
MOYENS FINANCIERS ATTRIBUÉS
À LA PRÉVENTION D'UNE CRUE DE LA SEINE
Mme la présidente. La parole est à M. René Rouquet, pour exposer sa question, n° 136, relative aux moyens financiers attribués à la prévention d'une crue de la Seine.
M. René Rouquet. Madame la ministre de l'écologie et du développement durable, au cours des derniers mois, des inondations aux conséquences dramatiques pour les populations ont frappé plusieurs départements français, après avoir causé des ravages dans les pays d'Europe centrale. Je souhaite appeler votre attention sur l'inquiétude suscitée voici quelques semaines par la campagne médiatique qui a mis en lumière l'éventualité d'une crue de la Seine, à Paris et en Ile-de-France, dont l'ampleur pourrait être comparable à celle des inondations de 1910.
Ces informations, confirmées par la rencontre organisée le 4 décembre à l'initiative du préfet de région, du préfet de police de Paris et de la secrétaire générale de la zone de défense de Paris, rencontre à laquelle j'ai moi-même participé aux côtés de 400 élus d'Ile-de-France, ont brusquement rappelé à chacun nos concitoyens et aux plus hautes autorités de l'Etat que le risque d'une crue de la Seine comparable à l'inondation centennale de 1910 était toujours présent.
Quels qu'aient pu être, depuis cette date, et notamment depuis 1924, les progrès de la prévention et de la protection, une telle inondation toucherait désormais 800 000 Franciliens et aurait un impact économique estimé à 10 milliards d'euros. Mais, au-delà des conséquences d'un drame de cette ampleur sur les transports, l'énergie, les transmissions et, de manière générale, sur l'organisation de l'activité humaine dans notre région capitale, je voudrais vous interroger plus particulièrement, madame la ministre, sur les moyens que vous envisagez pour éviter une telle catastrophe.
Lors de vos voeux à la presse, voici tout juste un mois, vous disiez de votre ministère qu'il est celui de la prévention, terme que vous avez vous-même défini comme « l'ensemble des mesures prises pour éviter un accident ». C'est sur le contenu de ces mesures que je souhaiterais vous entendre aujourd'hui, car il s'agit d'une inquiétude largement partagée par de nombreux élus d'Ile-de-France, eux-mêmes régulièrement interpellés par nos concitoyens. Je pense en particulier à mes collègues maires du Val-de-Marne, département particulièrement vulnérable aux inondations du fait de sa géographie. Regroupés au sein d'associations comme l'APPRIM 94 ou Seine-Amont Développement, tous s'interrogent à juste titre sur les moyens dégagés par l'Etat et les pouvoirs publics pour éviter une telle catastrophe à Paris et dans sa région.
Nous le savons, au-delà des règles d'aménagement et des plans de protection mis en place par le législateur, les collectivités locales restent encore démunies pour mettre en oeuvre les moyens permettant d'éviter une telle crue. Tous les spécialistes s'accordent à dire que la capacité totale des quatre lacs réservoirs existant sur l'Aube, la Marne, la Seine et l'Yonne, en amont de Paris, se révélerait insuffisante pour endiguer une crue du type de celle de 1910. Malgré l'efficacité du travail effectué depuis plus de cinquante ans au sein de l'Institution des grands lacs du bassin de la Seine, qui a pu, jusqu'à présent, limiter l'impact de certaines crues, de nouveaux ouvrages de régulation et de nouvelles zones d'expansion des crues sont aujourd'hui indispensables pour éviter des inondations exceptionnelles. Il est inacceptable que de tels travaux puissent être retardés, faute que l'on ait clairement désigné les acteurs chargés de les réaliser et dégagé les financements nécessaires, lesquels, à l'évidence, sont hors de portée des collectivités locales.
Madame la ministre, face aux inquiétudes croissantes concernant l'éventualité d'une crue de la Seine de grande ampleur en Ile-de-France, quels moyens financiers entendez-vous réellement mettre en oeuvre pour éviter, aujourd'hui, demain, ou après-demain, une nouvelle catastrophe ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le député, j'ai pris connaissance avec intérêt de votre question relative à l'inquiétude - que je partage - de nombreux élus de la région Ile-de-France quant aux moyens disponibles pour prévenir, informer et lutter dans l'hypothèse d'une crue de la Seine comparable à celle de 1910. Une telle crue est qualifiée par les experts de centennale, c'est-à-dire qu'elle a une chance sur cent de se produire chaque année. Nous nous rapprochons donc, statistiquement, de la date fatidique et il est vrai que les conséquences pourraient être très lourdes.
Vous l'avez rappelé, le coût des dommages potentiels a été évalué, au début des années 90, à 10 milliards d'euros. Nul doute que ce chiffre mériterait d'être majoré à l'heure actuelle. En tout cas, l'ampleur des dommages potentiels s'est considérablement accrue depuis 1910, du fait du développement considérable de l'urbanisation et des infrastructures dans les zones inondables en Ile-de-France, mais aussi du patrimoine que possède chaque ménage. On estime que les inondations causent aujourd'hui sept fois plus de dégâts qu'en 1910 dans une habitation privée.
Réduire la vulnérabilité des bâtiments et équipements situés en zone inondable est une nécessité majeure. Les efforts de prévention développés depuis plusieurs mois sous la direction du préfet de région de l'Ile-de-France visent notamment à sensibiliser et à informer la population, les entreprises et les élus sur ce phénomène, ses conséquences et les dispositions à prendre pour limiter les dommages.
L'Etat, quant à lui, a entrepris de réorganiser les mesures préventives dans le cadre d'un plan global de secours spécialisé, en cours d'élaboration. Tous les grands opérateurs de réseaux - EDF, France Télécom, RATP - ont été sollicités pour prendre les dispositions nécessaires pour diminuer les conséquences des crues à la fois durant la crue et après la décrue, notamment pour permettre le retour le plus rapide possible à un fonctionnement normal. La mise en oeuvre de ce plan bénéficiera des mesures engagées au niveau national pour réorganiser les services de prévision des crues - tâche que j'ai d'ores et déjà entreprise -, relancer la diffusion des atlas de zones inondables et inciter au développement de l'information sur les crues des communes, des propriétaires et des locataires.
L'élaboration et l'achèvement par les services de l'Etat des plans de prévention des risques, qui permettent, par des mesures d'urbanisme et des règles de construction de contenir et, si possible, de diminuer le niveau et le coût des dommages potentiels, est également un objectif majeur de ma politique qui concerne tout particulièrement les communes d'Ile-de-France, très en retard dans ce domaine.
Pour aider les collectivités d'Ile-de-France à mieux se protéger contre les crues des cours d'eau, des moyens financiers ont été inscrits dans le contrat de plan Etat-région pour financer des programmes de protection des lieux habités contre les inondations et de restauration de champs d'expansion des crues au cours de la période 2000-2006. Ces moyens sont loin d'avoir été complètement utilisés aujourd'hui.
Il est nécessaire de faire évoluer nos pratiques tant au niveau national qu'au niveau local pour mieux prendre en compte le risque dans nos décisions.
Je présenterai, la semaine prochaine, devant l'Assemblée nationale, un projet de loi relatif à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages visant précisément à améliorer les outils et les moyens à la disposition de l'Etat, des collectivités territoriales et des autres acteurs pour mettre en oeuvre conjointement une politique renforcée de prévention des risques.
Les collectivités ont, en effet, un rôle déterminant à jouer dans la prévention des risques, notamment dans le cadre de leur pouvoir de police ou de l'élaboration de leurs plans d'urbanisme. En tant que maître d'ouvrage, la conception et la gestion des bâtiments et des réseaux des collectivités locales doit également permettre de limiter les conséquences d'une crue.
Les travaux de protection continueront à bénéficier d'aides sur le budget du ministère de l'écologie et du développement durable. Ils sont utiles, même s'ils ne parviendront pas à supprimer les inondations en cas de crue très importante. Le développement de l'urbanisation devra privilégier les terrains non exposés aux risques. Dans les zones exposées, les bâtiments et infrastructures existants devront être adaptés pour mieux résister aux effets des crues.
En octobre, j'ai lancé un appel à projets pour susciter des plans de prévention des risques liés aux inondations, associant à l'échelle des bassins versants les efforts des collectivités et de l'Etat. Il s'agit d'engager des démarches exemplaires combinant dans des programmes globaux des actions de ralentissement des crues à l'amont des bassins et de restauration des capacités de stockage des zones d'expansion des crues, des actions d'information et de concertation avec l'ensemble des personnes concernées, et, enfin, des actions de réduction de la vulnérabilité et de protection.
Ces plans devront conduire les services de l'Etat, les collectivités locales et les riverains à réfléchir à une approche intégrée du développement et de la gestion du risque à l'échelle des bassins versants. De grands progrès peuvent être réalisés dans ce domaine.
Monsieur le député, je ne verrais que des avantages à ce que de telles propositions puissent être faites sur le bassin de la Seine à l'amont de l'agglomération parisienne. Bien entendu, je les examinerai avec la plus grande bienveillance.
Auteur : M. René Rouquet
Type de question : Question orale
Rubrique : Sécurité publique
Ministère interrogé : écologie
Ministère répondant : écologie
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 24 février 2003