Question orale n° 15 :
exonération

12e Législature

Question de : M. Jean-Marc Lefranc
Calvados (5e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Jean-Marc Lefranc appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur le problème des redressements opérés par les services fiscaux à l'égard des entreprises artisanales du bâtiment en matière d'exonération des entreprises nouvelles (CGI, article 44 sexies). Il lui demande quelles mesures il entend prendre pour éviter de pénaliser celles de ces entreprises qui réalisent une partie, souvent minoritaire, de leur activité en dehors des zones éligibles.

Réponse en séance, et publiée le 16 octobre 2002


RÉGIME FISCAL DES ENTREPRISES ARTISANALES EXERÇANT UNE PART DE LEUR ACTIVITÉ HORS ZONES DE REDYNAMISATION URBAINE
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Lefranc, pour exposer sa question, n° 15, relative au régime fiscal des entreprises artisanales exerçant une part de leur activité hors zones de redynamisation urbaine.
M. Jean-Marc Lefranc. Monsieur le président, je souhaite appeler l'attention de M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sur l'importance des redressements opérés par les services fiscaux à l'encontre des entreprises artisanales du bâtiment bénéficiant, conformément aux dispositions de l'article 44 sexies du code général des impôts, d'exonérations en tant qu'entreprises nouvelles.
Il m'a été exposé, monsieur le secrétaire d'Etat aux petites entreprises, le cas d'un refus d'exonération opposé à un jeune artisan couvreur qui a créé son affaire en 1997, au seul motif que certains travaux réalisés portaient sur l'entretien d'immeubles situés hors zone éligible, à une tentative de kilomètres de son siège social, pourtant implanté dans une zone de revitalisation rurale.
Je suis surpris de constater que l'administration fiscale soutient, d'une part, que les entreprises de bâtiment sont, par définition, non sédentaires et, d'autre part, que le régime de faveur de l'article 44 sexies imposerait la réalisation de la totalité des chantiers dans des zones éligibles définies par le législateur. Ainsi, il suffit donc, qu'une entreprise, alors même que l'ensemble de ses moyens humains et matériels sont implantés dans la zone éligible, et que toutes les autres conditions sont remplies, réalise un seul chantier hors zone pour être exclue du dispositif.
Une réponse ministérielle du 12 juillet 1999 reconnaît les entreprises de transport comme sédentaires, et j'en prends acte. Au regard de cette interprétation, il me paraît pour le moins inéquitable de considérer une entreprise artisanale de bâtiment comme non sédentaire. Elle ne saurait pas davantage être assimilée à une entreprise de travaux publics, et l'implantation réelle de l'activité, c'est-à-dire le lieu où est reçue la clientèle, où sont situés la direction et les moyens humains et matériels d'exploitation, doit l'emporter dans la mesure où la localisation des chantiers hors zone éligible reste très accessoire.
Il est en outre difficilement compréhensible d'exclure du dispositif des entreprises qui effectuent quelques chantiers en dehors des territoires ruraux de développement prioritaire tandis qu'on admet au régime de l'article 44 sexies des entreprises de télétravail, des entreprises livrant hors zone leurs produits ou services et, comme je l'ai déjà indiqué, des entreprises de transport.
Excepté le cas extrême où l'essentiel de l'activité est exercé hors zone, l'immense majorité des entreprises nouvelles du bâtiment concourent bien à l'objectif assigné au dispositif légal qui vise en outre à revitaliser des secteurs en difficulté. Etant principalement artisanales et répondant à un besoin local, ces entreprises ne sauraient être lourdement pénalisées par une implantation proche des secteurs non éligibles - souvent d'ailleurs situés dans le même département - et par la réalisation de quelques chantiers dans ces zones dites non prioritaires.
Elles seraient alors ipso facto écartées de travaux indispensables à leur pérennité, et notamment de l'entretien du patrimoine des organismes HLM ou autres, qui fait l'objet d'un appel d'offres global, lequel ne peut être différencié selon que les zones sont éligibles ou non. Je souligne d'ailleurs, pour conclure, que les travaux d'entretien concernent principalement les entreprises artisanales et n'intéressent guère les grandes entreprises.
Aussi vous saurais-je gré, monsieur le secrétaire d'Etat, de bien vouloir préciser votre position, d'une part, sur l'interprétation de la loi, qui me semble très restrictive, et, d'autre part, sur une proposition qui serait d'admettre que les entreprises artisanales concernées puissent réaliser hors zone éligible une partie - qui reste, bien évidemment, à déterminer - de leur chiffre d'affaires, sans perdre pour autant le bénéfice du régime de faveur accordé aux entreprises implantées dans les zones de revitalisation.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation.
M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Monsieur le député, permettez-moi tout d'abord d'excuser l'absence de M. Francis Mer, qui est retenu par des obligations, avant de vous transmettre les éléments de réponse qu'il souhaitait vous apporter, sachant tout l'intérêt que vous portez aux entreprises artisanales du bâtiment.
Comme vous le savez, les dispositions de l'article 44 sexies du code général des impôts accordent un allégement de l'impôt sur les bénéfices réalisés par les entreprises nouvelles qui sont implantées dans les zones dites d'aménagement du territoire. Ces dispositions, qui sont issues de la loi d'aménagement du territoire de 1995, dite « loi Pasqua », prévoient explicitement que non seulement le siège de l'entreprise, mais également les moyens d'exploitation, ainsi que l'ensemble de l'activité du bénéficiaire, doivent être situés dans une ou plusieurs zones établies au régime de faveur.
Je ne puis, par conséquent, que vous confirmer que cette condition résulte non pas d'une interprétation restrictive de la part de l'administration mais des termes mêmes de la loi, éclairés par les débats parlementaires qui se sont tenus lors de l'examen du texte, notamment à l'Assemblée nationale le 11 juillet 1994. En effet, compte tenu de la configuration des zones concernées, qui représentent, il faut le rappeler, deux tiers du territoire national et, dans certains cas, la quasi-totalité d'un département, toute autre condition d'implantation serait inadaptée à l'objectif recherché de revitalisation de territoires défavorisés sur le plan économique.
Par ailleurs, un assouplissement général ne manquerait pas d'entraîner de graves distorsions de concurrence au détriment des entreprises également nouvelles, donc fragiles, qui, n'étant pas implantées dans ces zones, ne bénéficient pas de l'aide fiscale. Cet argument n'est pas un argument de séance. En effet, les professionnels du bâtiment eux-mêmes avaient déjà exprimé des craintes quant aux risques de ce type que pouvait créer le régime des zones franches urbaines qui repose, compte tenu de l'étroitesse des zones et de leur petit nombre, sur une condition d'implantation plus souple que celle qui est applicable dans le cadre du régime des entreprises nouvelles.
Cela étant, je suis, comme vous le savez, pragmatique et je partage votre souci de ne pas pénaliser de façon disproportionnée les entreprises. C'est pourquoi j'ai demandé à mes services de faire preuve en la matière de discernement afin de tenir compte de la réalité économique, sans toutefois s'écarter des objectifs qui ont été fixés par le législateur. A cet effet, je leur ai demandé de me transmettre un bilan d'application du dispositif dont toutes les conséquences seront tirées.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Lefranc.
M. Jean-Marc Lefranc. Monsieur le président, je n'ai rien à ajouter, sinon que j'ai, bien évidemment, lu le décret de juin 2000. Je comprends parfaitement les arguments de M. le secrétaire d'Etat, mais soucieux, comme lui, de l'aménagement du territoire et sachant que les entreprises artisanales contribuent au développement économique, je ne peux que déplorer que l'on ne puisse pas prévoir quelques exceptions, en étudiant notamment la possibilité d'admettre qu'une part du chiffre d'affaires soit réalisé en dehors des zones éligibles.

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Données clés

Auteur : M. Jean-Marc Lefranc

Type de question : Question orale

Rubrique : Impôts et taxes

Ministère interrogé : économie

Ministère répondant : économie

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 14 octobre 2002

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