Question orale n° 1566 :
ponts

12e Législature

Question de : M. Jean-Louis Dumont
Meuse (2e circonscription) - Socialiste

M. Jean-Louis Dumont attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, sur le besoin de reconstruction du pont qui relie, sur le fleuve Meuse, les communes de Regneville-sur-Meuse (55110) et de Samogneux (55100). Le pont fut détruit le 16 juin 1940 par l'armée française, isolant la commune de Regneville. De 1940 à 1956, les riverains durent avoir recours au service du bac, utilisé jadis. En 1956, un pont de type Pigeaud, à voie unique, fut mis à disposition et monté par les services de l'État. Cet ouvrage était précédemment installé à Verdun (pont Legay). Son inauguration eut lieu en septembre 1960 ! Actuellement, ce pont est toujours en usage. Il est étroit, et ne répond plus aux exigences de la circulation moderne et encore moins aux normes de sécurité actuelles. Même les engins agricoles sont frappés d'interdiction de passage, tout comme les transports scolaires. Se pose par ailleurs une difficulté d'ordre administrative en ce que ce pont n'a pas été réceptionné par les communes de Regneville et de Samogneux, qu'il n'apparaît pas dans les documents comptables des deux communes au titre de leur patrimoine et qu'aucune délibération n'est enregistrée. Enfin, les élus considèrent avec juste raison que son classement « ouvrage définitif » le 12 décembre 1956 est une erreur. En effet, les services de l'État sont dans l'incapacité de prouver que le pont a été dévolu aux communes suite à la reconstruction de 1956. De même, les services de l'Etat ne l'ont jamais entretenu depuis cette date. C'est pourquoi il doit être considéré comme un ouvrage semi-définitif. On peut donc considérer a minima que l'Etat, à défaut de reconstruire un ouvrage détruit par fait de guerre par l'armée française, est dans l'obligation de participer aux travaux de reconstruction d'un pont neuf. La rénovation, bien insuffisante, ne saurait répondre à l'urgence de la situation, y compris au plan de la sécurité. Le coût global de la reconstruction est estimé à 840 000  (HT). C'est sur cette base que doit s'exprimer la solidarité de l'État, en mémoire des sacrifices de la terre de Meuse pour la liberté de la nation, comme l'a reconnu le conseil général en actant publiquement la nécessaire solidarité des contribuables meusiens. Un plan de financement est proposé, dans lequel l'Etat est sollicité à hauteur de 230 000 , par le biais d'une dotation spécifique, qui ne vienne pas amputer les moyens dont dispose notre département rural. Cette demande, soutenue par les élus locaux, s'effectue dans la continuité du combat mené depuis de longues années par les maires des communes concernées et au terme duquel il va de soi qu'une absence d'effort de la part de l'Etat conduirait les communes à introduire un contentieux devant le Conseil d'Etat.

Réponse en séance, et publiée le 3 mai 2006

FINANCEMENT DE LA RECONSTRUCTION DU PONT
DE REGNEVILLE-SUR-MEUSE

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour exposer sa question, n° 1566, relative au financement de la reconstruction du pont de Régneville-sur-Meuse.
M. Jean-Louis Dumont. Après les catastrophes naturelles que vous avez évoquées, monsieur le ministre, ma question rappellera une autre catastrophe, celle de la guerre et d'une armée en déroute sur son propre territoire.
Je souhaite en effet vous interpeller sur le devenir du pont métallique provisoire de type Pigeaud qui relie les communes de Samogneux et de Regnéville, dans la Meuse. Bien que provisoire pour les Meusiens, cette travée a été classé par erreur ou omission comme définitive en 1956-1957, date à laquelle elle fut transférée de Verdun à l'endroit où elle se trouve encore.
Les années ont passé et l'état du pont devient critique. Il ne répond pas du tout, notamment, aux besoins de la circulation moderne - bus scolaires, engins agricoles, véhicules au tonnage important sont ainsi interdits de passage. Nous souhaitons donc qu'il soit reconstruit.
Mais il y a eu beaucoup de tergiversations du représentant de l'État qui, s'appuyant sur le procès-verbal de réception d'ailleurs non signé par les maires, a toujours considéré que ce pont détruit par l'armée française en 1940 ne pouvait être totalement reconstruit par l'État. Je vous rappelle que la loi de 1946 obligeait pourtant ce dernier à reconstruire à l'identique ce pont de béton réalisé en 1936.
Les élus du conseil régional et du conseil général, ainsi que les parlementaires - dont certains sénateurs qui ont plusieurs fois interpellé votre prédécesseur au cours de la législature -, qui se battent depuis des années pour la reconstruction du pont, ont défini ensemble un plan de financement. Ils n'accepteraient pas, bien entendu, que la préfecture de la Meuse se contente d'une modeste subvention pour remettre un peu de peinture sur la rouille. M. le ministre de l'intérieur nous a déjà accordé une subvention exceptionnelle, qui prouve l'intérêt que le Gouvernement porte à la reconstruction du pont.
Nous souhaitons aussi que vous invitiez la préfecture de la Meuse à affecter à cette reconstruction la subvention de 152 000 euros qu'elle envisageait. Les collectivités locales se mobiliseront, mais deux communes de 40 et 36 habitants ne peuvent assumer seules la dépense. C'est pourquoi, au-delà de ce que vous suggérerez au préfet, nous demandons que le taux réglementaire de 80 % puisse être officiellement dépassé - j'insiste sur ce point car, comme on le sait, les dépassements sont fréquents mais pas officiels ! Samogneux et Regnéville financeraient ainsi 5 % du coût de l'ouvrage, et les deux communautés de communes y contribueraient également.
Vous voyez, monsieur le ministre, que la demande est mesurée : nous ne sollicitons pas davantage de moyens que ceux que l'État a déjà consentis, à hauteur de 25 % du coût total. Nous demandons seulement un traitement administratif en urgence, qui permette enfin de relier efficacement les deux axes Nord-Sud de la Meuse, la D 123 et la D 964.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'aménagement du territoire.
M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Monsieur le député, le principe du financement par l'État du coût de reconstruction des ponts détruits par faits de guerre a été posé par la loi du 28 octobre 1946 relative aux dommages de guerre.
Le rapport relatif aux ponts détruits par faits de guerre et non encore reconstruits en ouvrages définitifs ainsi qu'à l'exécution du chapitre 67-50 du ministère de l'intérieur, remis au Parlement en janvier 2002, dresse une liste de 26 ponts, parmi lesquels 13 dont la reconstruction était jugée prioritaire au plan local.
À ce jour, les 13 ponts jugés prioritaires ont été reconstruits ou sont en voie de l'être : 4 228 971 euros ont été délégués en autorisations de programme en 2002 pour leur reconstruction.
Le pont reliant les communes de Regnéville-sur-Meuse et Samogneux ne figurait pas dans le recensement effectué au titre des ponts restant à reconstruire dans la Meuse. En effet, le rapport de la direction départementale de l'équipement daté du 22 décembre 1956 atteste qu'il a été reconstruit à titre définitif. Les travaux à effectuer sur ce pont ne relèvent donc plus de la compétence de l'État.
Enfin, l'article 73 de la loi de finances rectificative pour 2002 a supprimé le dispositif mis en oeuvre par la loi du 28 octobre 1946 sur les dommages de guerre. Ainsi, depuis le 1er janvier 2003, ce dispositif n'est plus applicable aux ponts détruits par faits de guerre.
Cependant, comme vous l'avez rappelé, la reconstruction du pont reliant Regnéville-sur-Meuse et Samogneux a fait l'objet d'une subvention exceptionnelle, au titre des travaux divers d'intérêt local, qui font désormais partie de la même action du programme " Concours spécifiques et administration " de la mission " Relations avec les collectivités territoriales " que les crédits de paiement affectés à la reconstruction des ponts détruits par faits de guerre.
Au-delà, l'intervention de l'État relève désormais du droit commun et peut bénéficier d'un financement au titre de la dotation globale d'équipement des communes. Celle-ci est attribuée par les préfets en fonction des catégories d'investissements prioritaires retenues par la commission départementale d'élus. Les services de la préfecture de la Meuse étudient actuellement à ce titre les modalités d'un accompagnement de la reconstruction du pont reliant Regnéville-sur-Meuse et Samogneux dans les meilleures conditions possibles, compte tenu des capacités financières limitées de ces deux communes.
Tels sont, monsieur le député, les éléments fournis par le ministère de l'intérieur. Je connais bien le problème du taux de subvention réglementaire de 80 %. Au-delà de la réponse que je vous donne aujourd'hui, j'examinerai personnellement ce dossier pour m'assurer que cette réglementation ne mette pas en difficulté les communes concernées. Si tel était le cas, je suis prêt à envisager, pour ce cas exceptionnel, une mesure dérogatoire.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.
M. Jean-Louis Dumont. Merci, monsieur le ministre, de prendre en compte la question que j'ai posée à propos du taux de subvention. Dans une situation semblable, la ville de Verdun avait obtenu une dérogation lorsque l'armée devint professionnelle et que des restructurations touchèrent la ville. C'est donc tout à fait possible, et légal.
Par ailleurs, s'agissant du statut du pont, je ne m'en tiendrai pas là. Une fois que la question du financement sera réglée, nous irons jusqu'au Conseil d'État, s'il le faut, pour clarifier ce statut. J'ai sous les yeux le rapport que le Gouvernement avait déposé suite à l'un de mes amendements, selon lequel ce pont était " définitif ". Mais un procès-verbal d'inspection détaillé, datant de 1972, fait état d'un pont " semi-définitif ". Dans ce dernier cas, sa reconstruction sera prise en charge à 100 % par l'État. En revanche, dans le premier cas, on mégote sur les kilos de rouille qu'il faudrait faire disparaître !

Données clés

Auteur : M. Jean-Louis Dumont

Type de question : Question orale

Rubrique : Voirie

Ministère interrogé : intérieur et aménagement du territoire

Ministère répondant : intérieur et aménagement du territoire

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 2 mai 2006

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