Question orale n° 1586 :
dégâts des animaux

12e Législature

Question de : M. Jacques Remiller
Isère (8e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Jacques Remiller appelle l'attention de Mme la ministre de l'écologie et du développement durable sur les préoccupations des éleveurs isérois concernant la migration dans le département de loups italiens venant des Apenins. Il rappelle pour information qu'un loup peut parcourir plus de 80 kilomètres en une seule journée. Les animaux d'élevage ne craignent plus les loups, beaucoup ont perdu l'instinct de la peur et donc de la fuite face à l'animal. Pour les troupeaux de bovins, le loup ressemble à un chien qui peut donc s'approcher et dévorer sur place les jeunes veaux sans que les autres animaux ne bougent. Seules les vaches de race limousine savent encore se défendre contre les attaques du loup en se mettant en cercle et même en n'hésitant pas à charger le prédateur. Autrefois les troupeaux étaient petits et les éleveurs rentraient leurs bêtes tous les soirs, mais les méthodes d'élevage ont changé, et un éleveur ne peut matériellement pas regrouper quotidiennement ses 1 500 têtes de bétail. Le loup étant par ailleurs protégé par la convention de Washington qui interdit sa chasse, les éleveurs sont très démunis pour protéger leur cheptel. Aussi il souhaite connaître les mesures qu'il envisage de mettre en oeuvre afin de les rassurer et s'il est possible de baguer les loups afin de les suivre grâce au GPS et de pouvoir alerter les éleveurs dès qu'un loup approche de leurs troupeaux.>

Réponse en séance, et publiée le 3 mai 2006

PRESENCE DU LOUP EN ISERE

M. le président. La parole est à M. Jacques Remiller, pour exposer sa question, n° 1586, relative à la présence du loup en Isère.
M. Jacques Remiller. Monsieur le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, je profite de votre présence pour vous remercier de votre implication dans le dossier des licenciements concernant la huitième circonscription de l'Isère, dont je suis le député. Kodak France s'installe. D'ailleurs, vous devez venir prochainement mettre en place un contrat de site.
M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Tout à fait !
M. Jacques Remiller. Ma question sur la présence du loup en Isère s'adresse à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable, mais elle pourrait aussi concerner le ministre de l'agriculture, Dominique Bussereau, qui fut interpellé par les responsables agricoles du département lors de sa venue au congrès national des producteurs de fruits à Roussillon.
Je pose cette question en tant qu'ancien membre de la commission d'enquête sur la présence du loup en France, présidée par M. Christian Estrosi, aujourd'hui ministre, et dont le rapporteur était M. Daniel Spagnou.
Les éleveurs isérois sont inquiets en raison de la migration dans notre département des loups italiens venant des Apennins. Je rappelle qu'un loup peut parcourir plus de quatre-vingts kilomètres en une seule journée.
Les animaux d'élevage ne craignent plus les loups. Beaucoup ont perdu l'instinct de la peur et donc de la fuite face à l'animal. Pour les troupeaux de bovins notamment, le loup ressemble à un chien. Il peut donc s'approcher et dévorer sur place les jeunes veaux sans que bougent les autres animaux.
L'année dernière, les cas ont été malheureusement nombreux.
Seules les vaches de race limousine savent encore se défendre contre les attaques du loup en se mettant en cercle et, même, en n'hésitant pas à charger le prédateur. Elles ont conservé leur instinct de défense.
Autrefois, les troupeaux étaient petits et les éleveurs rentraient leurs bêtes tous les soirs, mais les méthodes d'élevage ont changé, et un éleveur ne peut matériellement pas regrouper quotidiennement ses 1 500 têtes de bétail, où qu'il soit installé : Isère, Savoie, Haute-Savoie, Alpes-Maritimes, Alpes-de-Haute-Provence.
Le loup étant par ailleurs protégé par la convention de Washington qui interdit sa chasse, les éleveurs sont très démunis pour protéger leur cheptel. À l'aube de la saison, ils sont donc très inquiets. Je veux bien admettre qu'il faille protéger le loup, comme l'ours, encore que celui-ci soit relâché dans un concert de casseroles ou de tambour.
Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour les rassurer - je parle des éleveurs, dont je suis ce matin, à la tribune de l'Assemblée nationale, le porte-parole ? Peut-on imaginer, par exemple, monsieur le ministre, de baguer les loups afin de les suivre grâce au GPS et d'alerter les éleveurs dès qu'un loup approche de leurs troupeaux ? Existe-t-il d'autres solutions ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes.
M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Je vous prie tout d'abord, monsieur le député, d'excuser l'absence de Nelly Olin, qui aurait souhaité vous répondre personnellement, car ses convictions, vous le savez, sont fortes en la matière. Mais elle reçoit actuellement l'Assemblée des communautés de France au sujet du projet de loi sur l'eau qui sera examiné la semaine prochaine par la représentation nationale.
Comme vous le soulignez, le loup, qui n'était plus présent en France depuis de nombreuses années, a été de nouveau observé en 1992. Quand j'étais élève à l'école vétérinaire de Lyon, on m'apprenait qu'il s'agissait d'une espèce disparue, le dernier loup autochtone ayant été recensé dans le Haut-Poitou après la Seconde Guerre mondiale. Les écrits de vénerie sur le sujet sont nombreux, je pense en particulier à ceux du comte de Canteleu sur la biologie du loup en plaine qui diffère un peu de celle de l'Arc alpin. Comme c'était le sujet de ma thèse de doctorat, je m'autorise cette digression...
Le retour de l'espèce sur le territoire national résulte de son expansion naturelle en provenance d'Italie, où il a toujours été présent. Depuis 1992, le loup a progressivement colonisé l'arc alpin, gagnant également la Suisse. Les loups présentent en effet une mobilité importante, notamment les individus isolés, même si l'on a pu observer que certaines meutes étaient transfrontalières. Dès lors, une gestion concertée est nécessaire avec nos deux voisins, tant sur le plan scientifique qu'administratif. Des échanges très réguliers ont donc lieu entre les autorités des trois différents pays.
D'un point de vue réglementaire, le loup est une espèce protégée sur l'ensemble du territoire national en application du code de l'environnement, qui reprend la convention que vous avez rappelée et de l'arrêté ministériel du 17 avril 1981, modifié, fixant la liste des mammifères protégés sur le territoire métropolitain. Le cadre réglementaire national résulte de dispositions internationales et communautaires : respectivement la convention de Berne relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel en Europe, et la directive 92/43/CE du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages.
Il est donc interdit de procéder à la destruction ainsi qu'à la capture des loups, à moins qu'une dérogation ministérielle n'ait été octroyée. Elle est soumise à des conditions très précises : la dérogation ne doit pas nuire à l'état de conservation de l'espèce, des dégâts importants doivent avoir été constatés sur les troupeaux et aucune autre solution satisfaisante que la destruction ou la capture de loups ne peut être envisagée pour faire cesser les dommages.
Ces dispositions conditionnent la politique que conduisent conjointement le ministère de l'écologie et celui de l'agriculture, ce dernier étant plus spécifiquement chargé de la protection des activités pastorales confrontées à la prédation du loup. L'enjeu principal du dossier est d'assurer la compatibilité de l'espèce avec l'activité pastorale présente sur les mêmes territoires, le maintien de l'une conditionnant la préservation des autres. De l'acceptation du loup dépend, bien sûr, sa pérennité sur le territoire.
Dès le retour du loup constaté, de même que s'instaurait un suivi biologique de l'espèce, des modalités de protection des troupeaux se sont progressivement mises en place. Des efforts constants des deux ministères au cours des dernières années ont permis d'adapter le dispositif de protection des activités pastorales à l'expansion de l'espèce sur le territoire.
À l'heure actuelle, la protection des troupeaux est assurée par la mise en oeuvre d'une mesure particulière du plan de développement rural national, la mesure " T ", permettant aux éleveurs confrontés à la prédation du loup de s'équiper en moyens de protection. Les dépenses nécessaires sont couvertes par des financements publics et communautaires à hauteur de 80 %. Les moyens de protection consistent en un gardiennage des troupeaux, en l'utilisation de chiens de protection ainsi que de clôtures permettant de regrouper les bêtes.
L'État assure en outre un soutien technique humain grâce à la mise à disposition de techniciens pastoraux à même de conseiller les éleveurs en fonction des spécificités des conditions d'exploitation pastorale.
En 2005, 444 éleveurs ont bénéficié de cette mesure ; un budget de 2,4 millions d'euros y a été consacré et 3,6 millions d'euros sont inscrits au budget pour 2006. Les dégâts dus à la prédation du loup sont indemnisés par l'État : 1 million d'euros y a été consacré par le ministère de l'écologie et du développement durable en 2005.
Enfin, un dispositif particulier est mis en oeuvre depuis 2004, afin d'autoriser des prélèvements de loups lorsque la prédation demeure importante malgré les mesures de protection. Ce dispositif évolue également chaque année afin de permettre de mieux protéger les troupeaux.
Quant au suivi des loups par des colliers GPS, que vous proposez, monsieur le député, il est généralement pratiqué à des fins scientifiques et se heurte à des difficultés très importantes s'il s'agit de l'utiliser dans une optique de protection des troupeaux. En effet, outre le fait que l'équipement des animaux nécessite de les piéger - ce qui n'est pas une opération facile, à l'exception des louvarts, les anciens traités de vénerie l'attestent -, les loups sont très mobiles sur le territoire qu'ils occupent et il paraît très difficile de réagir suffisamment vite pour prévenir efficacement l'attaque.
Il est nécessaire de tenir compte des expériences acquises dans les autres pays et d'adapter à la France les mesures de protection des troupeaux appliquées ailleurs. À cet effet, des échanges ont lieu avec les pays où le loup est présent, en particulier avec les scientifiques du parc de Yellowstone aux États-Unis. Toute expérience étrangère tendant à montrer qu'un suivi efficace des loups dans l'optique de protection des troupeaux est possible, devrait pouvoir être testée en France. Mme Olin me charge de vous dire qu'elle est particulièrement favorable à l'expérimentation de dispositifs nouveaux résultant d'expériences étrangères.
Telle est la substance de la réponse qu'elle m'a chargé de vous transmettre, monsieur le député, et que j'ai agrémentée de commentaires personnels.
M. le président. La parole est à M. Jacques Remiller.
M. Jacques Remiller. Je vous remercie, monsieur le ministre, et je vous prie de remercier Mme Olin, avec laquelle je me suis déjà entretenu et je m'entretiendrai encore, d'autant qu'elle doit se rendre dans l'Isère.
C'est sur le vétérinaire que vous êtes que je compte pour l'été prochain, monsieur le ministre. Les éleveurs sont très inquiets, et, comme vous l'avez dit, l'activité pastorale est le gage de la survie d'une montagne digne de ce nom.
Vous avez repris les propositions de notre commission d'enquête. C'est mieux que rien, mais ce n'est pas suffisant, monsieur le ministre. Il existe, certes, une gestion concertée, mais je ne suis pas certain que tous les pays de l'Arc alpin aient la même approche du loup sur leur territoire. Les loups sont non seulement de plus en plus nombreux dans les départements alpins, mais ils descendent de plus en plus bas. Si l'on ne fait rien, on les rencontrera bientôt dans la plaine et il n'y aura plus d'éleveurs du tout, ni en montagne ni en plaine.

Données clés

Auteur : M. Jacques Remiller

Type de question : Question orale

Rubrique : Animaux

Ministère interrogé : écologie

Ministère répondant : écologie

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 2 mai 2006

partager