Question orale n° 1619 :
produits minéraux non métalliques

12e Législature

Question de : M. Jean-Claude Leroy
Pas-de-Calais (3e circonscription) - Socialiste

M. Jean-Claude Leroy attire l'attention de M. le ministre délégué à l'industrie sur les menaces qui pèsent sur l'industrie cimentière du fait de l'existence d'un projet de broyage de clinker importé, par la société Nord Broyage, sur un terrain situé sur le Port autonome de Dunkerque, afin de produire à terme 500 000 tonnes de ciment par an. Le respect des engagements de Kyoto est parfaitement louable mais pourrait cependant aboutir à un paradoxe environnemental dans le cadre d'une application restrictive pour l'industrie cimentière. Ce projet constitue une menace sur l'emploi et le tissu industriel de la région et porte également atteinte à la filière de traitement des déchets pour laquelle les cimenteries, et en particulier les usines Holcim de Lumbres et Dannes, sont des pôles essentiels. Aussi, il lui demande quelle est sa position sur ce sujet.

Réponse en séance, et publiée le 31 mai 2006

CONSEQUENCES DE L'APPLICATION DU PROTOCOLE DE KYOTO SUR L'INDUSTRIE CIMENTIERE
DU PAS-DE-CALAIS

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Leroy, pour exposer sa question, n° 1619, relative aux conséquences de l'application du protocole de Kyoto sur l'industrie cimentière du Pas-de-Calais.
M. Jean-Claude Leroy. Monsieur le ministre délégué à l'industrie, je souhaite appeler votre attention sur la situation de l'industrie cimentière et sur les préoccupations des professionnels du secteur.
La première concerne la nécessité d'obtenir des quotas d'émission de CO2 supplémentaires. Les quotas attribués à l'industrie cimentière pour la période 2005-2007 dans le cadre du plan national d'allocation de quotas 1 sont déjà dépassés, notamment en raison de l'essor qu'a connu ces dernières années le marché de la construction. Le taux de croissance moyen de la production de ciment en France s'est situé entre 3 % et 4 % de 1999 à 2005, et cette évolution se poursuit en 2006 puisque, fin avril, le marché avait augmenté de 7,4 % par rapport à la même période de 2005.
Selon les prévisions, le marché poursuivra dans les prochaines années sa progression avec un taux de croissance annuel moyen de plus de 3 %, ce qui permet d'anticiper une production de 26 millions de tonnes en 2010, année médiane du plan national d'allocation de quotas 2, soit une augmentation de 16 % par rapport à 2005. Cette production nécessite donc un niveau de quotas dans le PNAQ 2 de 17,2 millions de tonnes de CO2 par an.
Des quotas inférieurs à ce niveau engendreraient des importations de ciment en provenance de pays non soumis aux contraintes du protocole de Kyoto, ainsi que la fermeture de plusieurs usines nationales sur les trente-six que compte notre pays. Seraient ainsi détruits 1 000 à 2 000 emplois directs, ainsi que des dizaines de milliers d'emplois indirects. Il faut noter à ce sujet que les industries cimentières ont fait preuve d'un respect de plus en plus marqué de l'environnement et qu'elles ont diminué leurs émissions de CO2 de plus de 25 % pendant cette dernière décennie.
La seconde préoccupation des industriels, connexe à la précédente, concerne l'installation dans les ports autonomes de sites de broyage de clinker importé. Ceux-ci sont préjudiciables aux productions locales et mettent en péril l'industrie cimentière française. Leur importation massive serait très dommageable, voire fatale, pour la production locale. En outre, ces différents projets prévoient la production d'une catégorie de ciments fortement émettrice de gaz à effet de serre, ce qui est en complète contradiction avec les actions entreprises par l'industrie cimentière en faveur de l'environnement.
L'industrie cimentière française est donc aujourd'hui menacée. Or un pays a besoin d'une politique industrielle forte. Nous ne pouvons nous résoudre à ce que notre économie ne repose que sur le secteur des services alors que notre industrie peut être performante et compétitive.
Quelles sont, monsieur le ministre délégué, les décisions que vous compter prendre afin de pérenniser l'industrie cimentière française ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'industrie.
M. François Loos, ministre délégué à l'industrie. Nous souhaitons en effet, monsieur le député, une industrie forte et pérenne. Or le tissu industriel français est riche et diversifié, et la part de l'industrie dans le produit intérieur brut n'a pas diminué depuis vingt ans. La désindustrialisation est donc, chez nous, une idée fausse, comme vous le constatez vous-même dans le Pas-de-Calais.
Rappelons que le protocole de Kyoto tend à promouvoir des mesures propres à parer au risque de changement climatique. Son application doit être la plus large possible et, de fait, de nombreux pays - en dehors des États-Unis, il est vrai - l'ont ratifié. La mise en place de quotas de tonnes de droit d'émission de gaz à effet de serre a pour but de concentrer les investissements sur les sites les plus émetteurs. En effet, plutôt que de s'attaquer au faible pourcentage d'émissions générées par une usine performante, il vaut mieux consacrer de l'argent à réduire la grande quantité de tonnes de CO2 émise par une usine qui l'est moins. C'est en cela que le système des quotas est vertueux : pour un montant donné, il rend l'investissement le plus efficace possible.
Alors que nous préparons le prochain plan d'allocation des quotas sur la période 2008-2012, nous gardons naturellement à l'esprit les préoccupations du syndicat français des industries cimentières, dans le souci conjugué du maintien de l'effort de réduction des émissions - même si beaucoup a été fait en ce domaine, il faut le reconnaître - et de réalisme des hypothèses de croissance qui fondent les décisions d'allocation par secteur. Dans le système européen, nous avons intérêt à évaluer précisément les performances que peut réaliser l'industrie. En effet, les quotas doivent être suffisants pour permettre la fabrication sans imposer de coûts supplémentaires liés à l'achat de droits d'émission, mais ils ne doivent pas être trop élevés, car ce serait l'État qui devrait prendre en charge une éventuelle surévaluation. Le système n'est donc pas seulement vertueux pour les entreprises : il l'est aussi pour les États, qui payeraient une mauvaise prévision ou un laxisme dans la distribution des quotas.
C'est dans cet état d'esprit que nous préparons le prochain plan. Soyez assuré que nous serons attentifs à la situation de l'industrie cimentière.
Enfin, vous évoquez votre inquiétude quant aux conditions dans lesquelles s'exercerait la concurrence entre les cimentiers implantés dans votre région et les projets de fabrication à base de clinker importé, sur le port autonome de Dunkerque. Les projets connus à ce jour portent sur des capacités de production de 500 000 tonnes par an, à comparer à une consommation annuelle en région de 1,5 million de tonnes et une production locale de 1 million de tonnes.
Les conditions d'exercice de cette concurrence et d'examen de ces projets sont encadrées par des procédures très claires définies au code de l'environnement et au code de l'urbanisme. Elles sont en outre placées sous la responsabilité du préfet.
Il appartiendra donc aux porteurs du projet de démontrer qu'ils offrent toutes les garanties en termes de sûreté des installations et de capacité financière pour obtenir les autorisations nécessaires.

Données clés

Auteur : M. Jean-Claude Leroy

Type de question : Question orale

Rubrique : Industrie

Ministère interrogé : industrie

Ministère répondant : industrie

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 30 mai 2006

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