Question orale n° 1658 :
sécurité des biens et des personnes

12e Législature

Question de : M. Jean-Claude Mignon
Seine-et-Marne (1re circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Jean-Claude Mignon appelle l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, sur la progression inquiétante de la délinquance des mineurs. Chaque jour, un peu partout en France, nous sommes confrontés à des actes délictueux, parfois d'une rare violence, dont des mineurs sont les acteurs principaux. Les établissements scolaires sont souvent les premiers concernés. L'exemple de cette enseignante de Porcheville, rouée de coups et filmée sous l'oeil bienveillant de plusieurs élèves, nous rappelle, une fois de plus que, pour certains, les barrières morales les plus élémentaires n'existent plus. Lui-même, dans sa circonscription, fait quotidiennement face à cette délinquance juvénile dont l'ampleur ne peut plus être négligée. Des caillassages de bus à Melun, l'agression d'un conducteur de bus par un collégien de quatorze ans, des journalistes du Parisien et de TFI agressés sont de bien tristes exemples de ce phénomène. Mais, ce florilège ne s'arrête pas à des actes d'individus isolés. Des bandes se forment, terrorisent la population et viennent menacer les policiers jusqu'aux abords des commissariats. Il en veut pour preuve les difficultés auxquelles sont confrontées les policiers du commissariat de Savigny-le-Temple. Avec un effectif de quarante agents, ce commissariat doit intervenir contre des bandes qui comptent parfois plusieurs dizaines d'individus et dont la majorité d'entre eux sont des mineurs. Il lui demande, par conséquent, quelles sont les initiatives prises pour combattre cette délinquance et répondre à l'attente des acteurs de la lutte contre l'insécurité, des élus et de l'ensemble des habitants.

Réponse en séance, et publiée le 7 juin 2006

PROGRESSION DE LA DELINQUANCE DES MINEURS

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Mignon, pour exposer sa question, n° 1658, relative à la progression de la délinquance des mineurs.
M. Jean-Claude Mignon. Monsieur le ministre délégué à l'aménagement du territoire, chaque jour, un peu partout en France, nous sommes confrontés à des actes délictueux, parfois d'une rare violence, dont des mineurs sont les acteurs principaux. Les établissements scolaires sont souvent les premiers concernés. L'exemple de cette enseignante de Porcheville, rouée de coups et filmée sous l'oeil bienveillant de plusieurs élèves, nous rappelle une fois de plus que, pour certains, les barrières morales les plus élémentaires n'existent plus.
Dans la première circonscription du département de Seine-et-Marne, dont je suis l'élu, nous sommes également, malheureusement, confrontés quotidiennement à cette délinquance juvénile, dont l'ampleur ne peut plus être négligée : des caillassages de bus à Melun, l'agression d'un conducteur de bus par un collégien de quatorze ans ou celles de journalistes du Parisien et de TF1, sont de bien tristes exemples de ce phénomène.
Mais ce florilège ne s'arrête pas à des actes d'individus isolés. Des bandes se forment, terrorisent la population et viennent menacer les policiers jusqu'aux abords des commissariats. J'en veux pour preuve les difficultés auxquelles sont confrontés les policiers du commissariat de Savigny-le-Temple, qui a ouvert ses portes en mars 2005 avec un effectif de vingt-trois fonctionnaires. Alors que ce commissariat subdivisionnaire couvre un secteur géographique pour lequel l'effectif nécessaire avait été évalué à soixante-treize agents, il comprenait, au 1er mai 2006, quarante-cinq fonctionnaires de police. Or, dans une correspondance qu'il m'avait adressée, le ministère de l'intérieur prévoyait de renforcer cet effectif d'une quarantaine de fonctionnaires au cours du premier semestre 2005. L'ajustement n'étant pas intervenu à cette hauteur, il manque encore vingt-huit policiers dans ce commissariat qui n'ouvre que de neuf heures à cinq heures du matin du lundi au vendredi, et de treize heures à cinq heures du matin le samedi, et qui est fermé les dimanches et jours fériés.
Le secteur de l'agglomération nouvelle de Sénart, et, en particulier, la commune de Savigny-le-Temple, est un des secteurs les plus difficiles du département de Seine-et-Marne en matière de délinquance et de violences urbaines. Or la progression démographique et le développement corrélatif de certains phénomènes de délinquance rendent difficiles un redéploiement des effectifs de police départementaux actuels pour renforcer ce commissariat, d'autant que pour déterminer l'effectif départemental on ne tient compte ni de ces phénomènes ni des mutations économiques et sociales profondes que connaît ce département qui couvre à lui tout seul plus de 50 % du territoire de la région Île-de-France. De plus, la forte baisse du quota des adjoints de sécurité affectés au département ces dernières années - passé de 589 en 2001 à 259 à ce jour - réduit la capacité d'ajustement des effectifs de police.
Les vingt-huit fonctionnaires dont je souhaite l'affectation permettraient un fonctionnement normal de ce commissariat subdivisionnaire dans une commune qui est à la fois la plus jeune du département - 50 % de la population a moins de trente ans - et l'une des plus délinquantes, et qui connaît une très forte progression démographique : avec une croissance de 40,9 % depuis 1990, elle est passée de 18 520 habitants en 1997 à 26 096 aujourd'hui. En outre, elle doit, comme toute ville nouvelle, faire face à de nombreuses obligations, en particulier construire encore des logements tels ceux notamment que la loi définit.
Monsieur le ministre, j'attends que vous interveniez de manière que les vingt-huit fonctionnaires de police qui nous font cruellement défaut soient affectés à ce commissariat qui, je peux vous l'assurer pour l'avoir visité dernièrement, rencontre de gros problèmes, comme au mois de novembre dernier lorsque le lycée professionnel Antonin-Carême et le lycée d'enseignement général Pierre-Mendès-France ont fait les frais d'une attaque en règle de la part de bandes, la police ayant malheureusement eu beaucoup de mal à y faire face avec ses effectifs actuels.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'aménagement du territoire.
M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Monsieur le député, je sais combien vous êtes sensibilisé par ces problèmes de sécurité. Qu'il me soit d'ailleurs permis, au nom du Gouvernement, d'avoir une pensée pour votre collègue Gérard Léonard, décédé ce matin. Membre éminent du groupe d'études sur la sécurité intérieure, nous savons l'engagement qui était le sien en ce domaine, au sein du groupe auquel vous appartenez, notamment en qualité de rapporteur de textes importants et, en particulier, du budget du ministère de l'intérieur.
La délinquance des mineurs est un vrai sujet de préoccupation. Qui peut ignorer aujourd'hui cette réalité ? En 1992, 98 864 mineurs étaient mis en cause par les services de police. En 2005, ils étaient 193 663. Durant cette période, le nombre de ceux impliqués dans des crimes ou délits contre les personnes est passé de 8 652 à 35 131. Au total, la délinquance des mineurs a augmenté de 80 % en dix ans, et l'on ne peut donc faire comme si rien n'avait changé. Pour certains, cette situation semble être une révélation subite. Mais comme vous, le ministre d'État, ministre de l'intérieur, a compris depuis longtemps qu'il fallait agir, et nous nous en sommes préoccupés.
La détection des troubles du comportement chez l'enfant est un préalable à tout. Il ne s'agit pas d'enlever des enfants à leur famille ni d'exercer une influence sur eux, mais de repérer, dans leur propre intérêt, ceux qui posent problèmes à six ans et pourraient en poser de beaucoup plus graves à douze ans. Il s'agit de répondre aux problèmes psychologiques ou familiaux qu'ils rencontrent, ce qui ne saurait se confondre avec une quelconque stigmatisation, voire un fichage des enfants.
Il faut apporter des réponses car la France ne doit plus être le pays européen où les adolescents se suicident le plus, où ils sont les plus gros consommateurs de cannabis, de somnifères et de tranquillisants. Notre jeunesse mérite plus d'efforts que de regrets.
Nous devons également mettre fin au sentiment d'impunité qu'éprouvent certains et réécrire enfin l'ordonnance de 1945 relative aux mineurs. Celle-ci ne correspond plus à la délinquance d'aujourd'hui, et c'est pourquoi il faut l'adapter en donnant obligatoirement une réponse individualisée à chaque acte répréhensible. On ne peut plus se contenter de classements sans suite ou de rappels à la loi. La réponse doit être rapide, graduée, proportionnée et adaptée au parcours du mineur délinquant.
Le futur projet de loi relatif à la prévention de la délinquance prévoit à cet égard diverses dispositions. Il en va ainsi du jugement immédiat ou à la prochaine audience qui suit la présentation des mineurs de seize ans : c'est devenu un impératif. On ne peut plus accepter que la police ou la gendarmerie arrêtent plusieurs fois d'affilée un mineur que, systématiquement, le tribunal pour enfants relâche, sans avoir à subir la moindre sanction sinon parfois une simple admonestation.
Il s'agit donc de juger dans les plus brefs délais et, le cas échéant, immédiatement, un mineur présenté par le parquet. Cette procédure sera applicable aux mineurs de seize à dix-huit ans qui encourent une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à trois ans et même un an en cas de flagrant délit.
Certains proposent à cet égard un simple encadrement militaire. C'est très utopique. Nous estimons, pour notre part, que, pour ces mineurs, la peine doit s'appliquer, c'est tout. Cependant, cette procédure de jugement immédiat, à l'initiative du ministère public, requiert, je le précise, l'accord du mineur lui-même, mais aussi ceux de son avocat et de ses parents
Le projet de loi prévoit également l'exécution de travaux scolaires dès dix ans et le placement dans un internat - que certains semblent découvrir -, qui est une mesure à vocation hautement éducative puisqu'elle permet à l'enfant de ne pas interrompre son cursus scolaire.
Il en va de même de la mesure d'activité de jour : cette disposition, d'ordre éducatif, centrée sur l'activité assignée aux mineurs et structurée sur un accueil à la journée fait actuellement défaut, alors qu'il est important de socialiser le mineur.
D'autres mesures sont prévues dans le cadre des alternatives aux poursuites : stage de formation civique, consultation obligatoire auprès d'un psychiatre ou d'un psychologue, ou encore stage de sensibilisation aux dangers des produits stupéfiants.
Enfin, le projet de loi invente une nouvelle méthode qui repose sur un quadruple changement de mentalité et une modification de nos habitudes.
D'abord, il faut, dans un souci de proximité, se rapprocher au plus près du terrain et faire du maire le principal responsable de la prévention de la délinquance. Nous le constatons quotidiennement, les maires sont au premier chef concernés lorsqu'un incident grave se produit. Ils sont alors soucieux, quel que soit leur engagement, de trouver une solution. Or ce sont eux qui connaissent le mieux les acteurs locaux à même de les aider.
Le deuxième changement a trait au travail en réseau. Il convient en effet de regrouper toutes les personnes concernées : élus, magistrats, forces de sécurité, travailleurs sociaux, associations, voire les familles elles-mêmes.
Le troisième changement porte, quant à lui, sur une présence renforcée des services de l'État sur le terrain, et je sais que c'est là aussi votre préoccupation.
Enfin, il faut responsabiliser les personnes. Les parents des enfants en difficulté, notamment, se verront rappeler leurs obligations et leurs responsabilités envers leurs enfants, dans le cadre d'un " accompagnement parental " proposé par le maire ou d'un " stage de responsabilité parentale " prononcé par l'autorité judiciaire.
Comme tous vos collègues parlementaires, vous pourrez, monsieur le député-maire, mesurer, au cours de la discussion de ce projet de loi, l'ampleur de la réflexion qui a été menée sur ce sujet difficile et constater notre souci d'y apporter les solutions les plus concrètes et les plus humaines à la fois.
Bien évidemment, pour que tout cela trouve son effet, les effectifs de police ou de gendarmerie doivent être le plus efficacement répartis sur les territoires les plus fragiles et les plus concernés en matière de délinquance, comme cette partie de votre circonscription à laquelle vous avez fait référence. Vous avez alerté le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur les vingt-huit fonctionnaires de police qui font défaut dans un commissariat subdivisionnaire. M. le ministre d'État m'a demandé de vous indiquer que lors de la répartition des effectifs sortis d'école sur les deux prochaines sessions il sera largement tenu compte de vos revendications légitimes.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Mignon.
M. Jean-Claude Mignon. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse. Je souscris pleinement au contenu du projet de loi qui sera soumis à l'approbation de la représentation nationale, et je le voterai sans aucun problème. Mais j'appelle tout de même une nouvelle fois votre attention sur la situation du commissariat de Savigny-le-Temple. Les vingt-huit fonctionnaires de police que nous attendons seront les bienvenus, et je vous remercie par avance de faire que ce soit le plus rapidement possible.

Données clés

Auteur : M. Jean-Claude Mignon

Type de question : Question orale

Rubrique : Sécurité publique

Ministère interrogé : intérieur et aménagement du territoire

Ministère répondant : intérieur et aménagement du territoire

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 6 juin 2006

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