Question orale n° 1683 :
calcul

12e Législature

Question de : M. Lionnel Luca
Alpes-Maritimes (6e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Lionnel Luca appelle l'attention de M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État sur les différentes méthodes d'évaluation de la valeur des biens immobiliers dans le cadre de la déclaration de l'ISF. En effet, l'ISF est basé sur une déclaration spontanée du contribuable. Pour ce faire, celui-ci se réfère à la notice Cerfa du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Dans celle de 2005 (n° 50589# - n° 2725-ISF-NOT), page 20, il est précisé que l'évaluation peut être faite par comparaison (valeur du marché), par le revenu, ou par réajustement d'une valeur antérieure. À partir du moment où le contribuable n'est pas vendeur, il n'y a pas de marché, c'est le calcul par réajustement sur la valeur antérieure (c'est-à-dire le prix d'achat ou le prix déclaré dans la succession, multiplié par le coefficient d'érosion monétaire), qui doit s'appliquer. Or, c'est souvent la première méthode qui est utilisée par les contribuables, parce que cette note est peu explicite, ce qui ne répond pas à la volonté de transparence prônée par la charte du contribuable. L'application généralisée du calcul par réajustement de la valeur antérieure permet de réduire ou de supprimer l'ISF sur les patrimoines les moins importants qui sont aujourd'hui victimes de la hausse spéculative de l'immobilier dans certains départements. À partir du moment où il n'y a pas de vente, donc pas de marché, rien n'oblige les contribuables à faire leur déclaration sur le prix de l'immobilier. Il souhaite donc savoir si le Gouvernement prévoit de les en informer, afin de leur permettre de bénéficier de cette disposition dans le strict cadre de la loi actuelle.

Réponse en séance, et publiée le 21 juin 2006

EVALUATION DES BIENS IMMOBILIERS
POUR LA DECLARATION DE L'ISF

Mme la présidente. La parole est à M. Lionnel Luca, pour exposer sa question, n° 1683.
M. Lionnel Luca. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État.
Le nombre de ménages français soumis à l'ISF a augmenté de 17,6 % l'an dernier et concerne désormais quelque 395 000 familles. On pourrait s'en réjouir s'il traduisait un enrichissement réel des Français. Or il n'en est rien. C'est même, paradoxalement, un appauvrissement qui devient d'actualité, en raison d'une fiscalité de plus en plus confiscatoire.
Cette évolution s'explique, dans bon nombre de régions, en particulier dans les Alpes-Maritimes, par la forte augmentation des prix de l'immobilier, et aussi par le mode d'évaluation abusif retenu par l'administration fiscale, celle-ci allant au-delà des textes. En effet, le formulaire remis au contribuable pour remplir sa déclaration d'ISF indique, aux pages 19 et 20 : " La valeur est déterminée par le redevable sous sa responsabilité. Elle peut être recherchée par application des diverses méthodes ci-après, dont l'utilisation doit généralement être combinée. "
L'évaluation peut être opérée de trois façons différentes : par comparaison avec le prix des transactions d'immeubles similaires - c'est ce que l'on appelle couramment la valeur du marché ; par le revenu - soit l'ensemble des loyers ; enfin, sans aucune explication fournie par l'administration, par réajustement d'une valeur antérieure. Ce libellé pour le moins abscons signifie simplement tenir compte de l'érosion monétaire, laquelle n'est d'ailleurs mentionnée dans ce document qu'à propos des rentes, à la page 21. Rien ne saurait donc justifier que seule la méthode d'évaluation par comparaison soit retenue par l'administration. C'est ce qui fait l'objet de nos préoccupations, et l'Île de Ré en est l'exemple probant. Pour retenir comme référence la valeur du marché, encore faudrait-il que le bien soit mis sur le marché. Car posséder un bien qu'on ne veut pas vendre, qu'on n'a jamais vendu, qui est dans son patrimoine depuis de nombreuses années, ne peut être considéré comme un signe d'enrichissement.
Je souhaiterais donc, contrairement à ce qui se passe aujourd'hui, que l'on prenne plus souvent en considération le réajustement de la valeur antérieure. Faute de quoi l'ISF se transformera, ce qui arrive en ce moment, en impôt immobilier.
M. Jean-Pierre Soisson et M. Éric Diard. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué à l'industrie.
M. François Loos, ministre délégué à l'industrie. Monsieur le député, vous appelez l'attention de Jean-François Copé sur les méthodes d'évaluation des biens immobiliers en matière d'impôt de solidarité sur la fortune.
Alors que la méthode par comparaison est traditionnellement la plus employée, vous estimez que la méthode par réajustement d'une valeur antérieure serait plus pertinente lorsque les contribuables ne souhaitent pas vendre leur immeuble puisque, dans cette hypothèse, l'évolution du marché immobilier ne les concerne pas directement. Cela semble logique de prime abord. Cette dernière méthode permettrait donc, selon vous, de réduire ou de supprimer l'ISF dû par les contribuables victimes de l'augmentation des prix du marché immobilier. Aussi, vous souhaiteriez que l'utilisation de cette méthode soit généralisée et que les contribuables soient mieux informés sur cette méthode de calcul " plus avantageuse. "
Je vais malheureusement vous décevoir : il résulte des dispositions des articles 885 D et 761 du code général des impôts qu'en matière d'ISF les immeubles sont estimés d'après leur valeur vénale réelle à la date du fait générateur de l'impôt, c'est-à-dire au 1er janvier de l'année d'imposition. À cet égard, la jurisprudence définit de manière constante la valeur vénale comme le prix qui pourrait être obtenu par le jeu de l'offre et de la demande dans un marché réel, compte tenu de l'état dans lequel le bien se trouve avant la vente et des clauses de l'acte de transmission. Ainsi, l'obligation de déclarer les immeubles pour leur valeur vénale ne s'applique pas aux seuls contribuables qui souhaitent réellement vendre, mais s'impose à tous les redevables de l'ISF propriétaires de biens immobiliers.
Il existe en revanche plusieurs méthodes pour déterminer la valeur vénale réelle du bien. La méthode d'évaluation la plus couramment employée, et en réalité la plus fiable, est la méthode par comparaison avec des cessions de biens similaires, réalisées antérieurement. Cependant, cette méthode n'est pas exclusive. À défaut de termes de comparaison suffisamment nombreux et probants, il est en effet possible de déterminer la valeur vénale en utilisant la méthode par le revenu ou la méthode par le réajustement de la valeur antérieure, à laquelle vous faites référence. Mais, quelle que soit la méthode retenue par le contribuable, celle-ci doit nécessairement aboutir à déterminer la valeur vénale réelle du bien au 1er janvier de l'année en cours. Ainsi la méthode par réajustement de la valeur antérieure n'est-elle qu'une méthode parmi d'autres.
On ne saurait donc conseiller aux contribuables d'évaluer leur bien exclusivement selon cette méthode, car les experts la considèrent comme la moins fiable et son utilisation aboutit parfois à des sous-évaluations que l'administration ne peut que remettre en cause. C'est une méthode parmi d'autres, mais l'objectif est, je le répète, d'aboutir à la valeur vénale du bien au 1er janvier.
Mme la présidente. La parole est à M. Lionnel Luca.
M. Lionnel Luca. J'entends bien la réponse fournie par l'administration fiscale. Mais, je le répète, Il n'est pas interdit aux élus de la République et au ministre de préciser les choses, puisque le formulaire de déclaration de l'ISF indique que la recherche de la valeur déclarée d'un bien s'appuie sur diverses méthodes dont l'utilisation doit généralement - et non obligatoirement - être combinée. Or dans la pratique, on s'oriente plutôt vers l'application d'une seule méthode. C'est sur ce point précis que je tenais à interpeller M. le ministre délégué au budget.

Données clés

Auteur : M. Lionnel Luca

Type de question : Question orale

Rubrique : Impôt de solidarité sur la fortune

Ministère interrogé : budget et réforme de l'Etat

Ministère répondant : budget et réforme de l'Etat

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 20 juin 2006

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