Question orale n° 1744 :
taxe professionnelle unique

12e Législature

Question de : M. Jean-Pierre Balligand
Aisne (3e circonscription) - Socialiste

M. Jean-Pierre Balligand appelle l'attention de M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État sur la situation préoccupante des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à la veille de la réforme de la taxe professionnelle (TP). Les communautés de communes, les communautés d'agglomération et toutes les communautés soumises structurellement au régime de la taxe professionnelle unique - c'est-à-dire un tiers des EPCI - s'apprêtent à souffrir profondément de la réforme de la taxe professionnelle telle qu'elle a été votée dans le cadre de la loi de finances pour 2006 et va s'appliquer à partir du 1er janvier 2007. Le mécanisme complexe de plafonnement de la TP à 3,5 % de la valeur ajoutée va proprement asphyxier ces niveaux de collectivités qui représentent pourtant l'avenir de l'organisation territoriale française. En organisant le passage progressif de la fiscalité « entreprises » à la fiscalité « ménages », cette réforme va surtout peser à la baisse sur le niveau d'intervention des EPCI et, partant, condamner toute évolution institutionnelle de cette catégorie de collectivités. Il souhaiterait savoir comment il entend mettre les EPCI à fiscalité propre et TPU à l'abri de ce risque - sauf à considérer qu'il s'agit d'un des buts recherchés par sa réforme.

Réponse en séance, et publiée le 6 décembre 2006

CONSEQUENCES DE LA REFORME DE LA TAXE PROFESSIONNELLE SUR LES EPCI

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Balligand, pour exposer sa question, n° 1744, relative aux conséquences de la réforme de la taxe professionnelle sur les EPCI.
M. Jean-Pierre Balligand. Monsieur le ministre délégué au budget, comme je l'ai déjà fait il y a un an, à titre préventif, à la veille du congrès des maires et après le congrès de l'ADCF, je souhaite vous interroger sur la situation des établissements publics de coopération intercommunale à la veille de l'application, le 1er janvier 2007, de la réforme de la taxe professionnelle votée dans la loi de finances de 2006.
Les communautés de communes, les communautés d'agglomération et toutes les communautés soumises structurellement au régime de la taxe professionnelle unique - elles représentent 45 % des EPCI, mais 65 % de la population couverte - s'apprêtent à souffrir profondément de cette réforme. Pour elles, c'est l'heure des comptes, en attendant l'heure de vérité.
Le mécanisme complexe de plafonnement de la taxe professionnelle à 3,5 % de la valeur ajoutée, dénoncé par de nombreux élus, tout particulièrement, et dernièrement encore, par le président de l'association des maires de France, va proprement asphyxier ce niveau de collectivité, qui représente pourtant l'avenir de l'organisation territoriale française.
En organisant le passage progressif de la fiscalité sur les entreprises à la fiscalité sur les ménages, cette réforme va soit peser à la baisse sur le niveau d'intervention des EPCI et, partant, condamner toute évolution institutionnelle de cette catégorie de collectivités - je vous rappelle qu'en milieu rural, de plus en plus de communes souhaitent que certaines compétences soient exercées par les établissements publics ; je pense en particulier à des choses très onéreuses comme l'assainissement -, soit les pousser à augmenter à due concurrence leurs taux, au risque de l'impopularité, au moment où l'intercommunalité a besoin au contraire d'une assise et d'une légitimité démocratiques renforcées.
Les questions d'actualité étant souvent un peu houleuses, j'ai choisi une question orale pour bavarder avec vous quelques instants sur le sujet, monsieur le ministre, et essayer d'obtenir autre chose qu'une réponse lapidaire.
À moins que l'un des buts inavoués de votre réforme ne soit de condamner l'avenir de l'intercommunalité dans ce pays, ...
M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Je croyais que vous ne vouliez pas de polémique !
M. Jean-Pierre Balligand. ...certains de vos amis de l'UMP s'en étant d'ailleurs chargés en déposant propositions de loi ou livres noirs, comment comptez-vous mettre les EPCI à fiscalité propre, en particulier à taxe professionnelle unique, à l'abri de ce risque bien réel ?
M. le président. Monsieur Balligand, vous savez que M. Copé n'est jamais lapidaire. Cela dit, le président de séance doit faire en sorte que la séance de ce matin se déroule dans un temps limité. En dépit du grand intérêt de la question, le ministre ne pourra donc pas dialoguer avec vous aussi longtemps que vous l'auriez souhaité.
La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.
M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Je m'étonne, en effet, monsieur Balligand, que vous pensiez qu'une question orale sans débat soit la meilleure façon pour bavarder sur ce sujet qui demande des heures de débat.
Cela étant, vous ne voulez pas de polémique, mais vous faites un procès d'intention désobligeant à la majorité en expliquant que son but inavoué serait de condamner l'intercommunalité, ce qui est absolument grotesque. L'intercommunalité n'est ni de gauche ni de droite. Elle fait partie d'une nouvelle construction de la République, qui a fait ses preuves. Je suis sûr que ce n'est pas ce que vous vouliez dire.
Comme je l'ai indiqué à peu près deux cents fois, mais cela me fait plaisir de vous le répéter une nouvelle fois dans l'intimité, cette réforme n'est pas une réforme pour ou contre les collectivités locales ; elle est d'abord une réforme pour nos entreprises car, sans entreprises, il n'y a pas d'avenir pour nos territoires. Le maire de Meaux que je suis, président d'une communauté d'agglomération, peut en témoigner.
Je rappelle qu'en 2005, la France a encore perdu près de 100 000 emplois dans le secteur industriel. On ne peut pas d'un côté vouloir éviter les délocalisations et, de l'autre, critiquer une réforme qui allège de 2,5 milliards la facture fiscale de 200 000 entreprises aujourd'hui imposées parfois jusqu'à 10 % de leur valeur ajoutée. Il y a tout de même un moment où, qu'on soit de gauche ou de droite, on peut se poser quelques questions sur l'efficacité d'un impôt.
C'est dans cet esprit que nous avons travaillé, et je me suis efforcé de le faire en étant juste. D'un côté, l'État éponge le passé - et ce n'est pas rien ! - de l'autre, il propose aux collectivités locales de prendre leurs responsabilités pour l'avenir, ce qui me paraît être de très bonne gouvernance.
S'agissant des EPCI à taxe professionnelle unique, j'ai vraiment l'impression en vous écoutant qu'il ne s'est rien passé depuis un an. Or la réforme prévoit que, dans les cas où les EPCI sont en période de convergence pour retrouver un taux unique, les hausses mécaniques liées à ce processus de convergence ne seront pas prises en compte pour le calcul de leur participation à la réforme.
Le Sénat a considérablement amélioré les garanties des EPCI à TPU puisqu'un mécanisme spécifique a été adopté : dès lors que le pourcentage des bases plafonnées d'un EPCI à TPU est supérieur à 50 % de ses bases, le montant de sa participation est automatiquement minoré de 20 %.
On voit bien que le fameux ticket modérateur qui devra être payé sera pour une écrasante majorité très faible. Seules seront pénalisées, mais pour l'avenir, les collectivités qui ont fait exploser leur taux de manière totalement irresponsable. Cela me permet de vous dire, monsieur Balligand, que j'ai été plutôt très élégant à l'égard des régions socialistes qui ont fait exploser leur taxe professionnelle. C'est fait ; on ne revient pas dessus : cagnotte fiscale, elles pourront se la garder. Je le regrette mais c'est comme ça.
Cela montre que, sur ce sujet, nous avons vraiment fait les choses le mieux possible. D'après les simulations dont je dispose, les EPCI n'auront pas à participer fortement du fait de la réforme, à condition de ne pas faire exploser leurs taux de fiscalité. On en revient à des problèmes qui dépassent les seuls EPCI.
Que cette réforme provoque des débats aujourd'hui, c'est normal, puisque l'on est à six mois des élections ; cependant quel que soit le résultat de ces élections, réfléchissons-y ensemble au calme. Je suis persuadé que l'idée de plafonner les taux de fiscalité sur nos territoires est importante pour l'avenir. Cela obligera les collectivités à réfléchir avec l'État, notamment dans le cadre de la conférence des finances publiques, à la maîtrise de la dépense publique. C'est un grand enjeu pour demain.
M. le président. Monsieur Balligand, j'ai le sentiment que la réponse du ministre vous incite à reprendre la parole.
M. Jean-Pierre Balligand. Sans polémiquer, je veux souligner que ni votre réponse, monsieur le ministre, ni les améliorations apportées par le Sénat, ne changent quoi que ce soit au fait que cette réforme constitue une attaque en règle contre l'autonomie des collectivités locales.
M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Mais non !
M. Jean-Pierre Balligand. Mais si !
M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Nous ne pouvons pas en débattre maintenant !
M. Jean-Pierre Balligand. Si, puisque vous nous dites, certes de manière fort policée, que les collectivités locales et l'État devront trouver un moyen de modérer la dépense publique.
M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Bien sûr !
M. Jean-Pierre Balligand. Vous l'avez déjà fait en obligeant les collectivités à se substituer à l'État pour toute une série de missions de service public. Parallèlement, les besoins des collectivités vont croissant et ne peuvent plus être pris en charge par les communes. Ils le sont alors par les établissements publics de coopération.
Qu'on le veuille ou non, tout cela crée un goulet d'étranglement. Il ne faut pas réduire cette question à une polémique gauche-droite puisque des personnalités comme M. Pélissard, président de l'association des maires de France, ou M. Censi, tous deux membres de l'UMP, ont demandé un report du délai d'application Vous considérez que ce débat est clos et que l'on entre dans la phase exécutoire alors qu'ils pensent qu'une application au 1er janvier 2007 serait grave.
Enfin, pour les établissements de coopération les plus pauvres, à vieille industrie, le plafonnement à 3,5 % de la valeur ajoutée aura des conséquences.

Données clés

Auteur : M. Jean-Pierre Balligand

Type de question : Question orale

Rubrique : Impôts locaux

Ministère interrogé : budget et réforme de l'Etat

Ministère répondant : budget et réforme de l'Etat

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 5 décembre 2006

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