décentralisation
Question de :
M. Daniel Boisserie
Haute-Vienne (2e circonscription) - Socialiste
M. Daniel Boisserie souhaite alerter M. le ministre délégué aux collectivités territoriales au nom des nombreux élus ruraux, maires, présidents de communautés de communes et conseillers généraux qui doivent faire face à l'abandon de leurs territoires par l'État. Ceux-ci doivent gérer leurs collectivités en tenant compte de l'appauvrissement de leurs concitoyens mais aussi, dans le même temps, gérer le désengagement de l'État et donc la baisse de leurs ressources. Il s'agit notamment de la hausse contrainte des prélèvements locaux du fait des transferts de charges mal compensés, mais aussi des décisions défavorables prises par le Gouvernement en matière de fiscalité, comme l'obligation faite aux collectivités de financer la réforme unilatérale de la TP. Les collectivités rurales sont également sinistrées car les services publics les abandonnent sous prétexte de rentabilité. Dans sa circonscription et notamment dans les secteurs de Saint-Yrieix et Saint-Junien, plusieurs activités économiques prépondérantes viennent de subir une véritable saignée économique avec la perte de près de 400 emplois. La survie de cette région passe par le maintien des trois pôles structurants que sont les petites villes centres d'Aixe-sur-Vienne, de Saint-Junien et de Saint-Yrieix. Ces deux dernières ont toutes deux des missions qui incombent à des villes de taille moyenne. Mais contrairement à beaucoup de cités de plus grande taille, Saint-Yrieix et Saint-Junien restent fortement marquées par un vaste territoire rural, ce qui implique des dépenses considérables pour entretenir le réseau routier pour le ramassage scolaire, la collecte des ordures ménagères, l'éclairage public, les réseaux d'AEP... L'aménagement du territoire passe donc par la présence de petites villes centres fortes. Mais la baisse des concours de l'État, ainsi que la réforme catastrophique de la TP ne vont pas dans ce sens et traduisent bien au contraire un abandon de ces zones rurales par l'État. Il lui demande si l'État entend passer au compte des pertes et profits l'aménagement du territoire des zones rurales ou bien s'il va enfin mener une politique ambitieuse et digne de ce nom.
Réponse en séance, et publiée le 6 décembre 2006
POLITIQUE D'AMENAGEMENT DES ZONES RURALES EN HAUTE-VIENNE
M. le président. La parole est à M. Daniel Boisserie, pour exposer sa question, n° 1745, relative à la politique d'aménagement des zones rurales en Haute-Vienne.M. Daniel Boisserie. Je souhaite, monsieur le ministre délégué aux collectivités territoriales, vous alerter, au nom des très nombreux élus ruraux qui doivent faire face à des situations de plus en plus difficiles, sur l'aménagement des zones rurales.
En effet, le bilan de la législature confirme l'aggravation des inégalités territoriales. Les élus ruraux doivent donc gérer leurs collectivités en tenant compte de l'appauvrissement de leurs concitoyens, comme ils doivent, dans le même temps, gérer le désengagement de l'État et donc la baisse de leurs ressources. Je pense notamment à la hausse des prélèvements locaux du fait de transferts de charges mal compensés, mais aussi à des décisions défavorables prises en matière de fiscalité, comme l'obligation faite aux collectivités de financer les pertes dues à la réforme de la taxe professionnelle.
Il faut également souligner que les collectivités, comme les particuliers, ont été touchées de plein fouet par la hausse considérable des prix de l'énergie. Qu'en est-il pour les collectivités ? Cette progression va immanquablement se traduire par une hausse des impôts locaux ou par une réduction, voire une suppression, des investissements.
Les collectivités rurales sont également sinistrées car les services publics les abandonnent sous prétexte de rentabilité, alors que nous savons tous - et vous aussi, monsieur le ministre - qu'un service public ne peut par définition être toujours rentable. Il en est ainsi de La Poste, qui supprime des bureaux, d'EDF et de GDF, qui ferment des antennes locales au nom de la rentabilité, et du ministère des finances, qui supprime des trésoreries et des centres d'impôt. Que va-t-il rester dans nos campagnes pour retenir les habitants et attirer quelques jeunes s'il n'y a plus rien ? Que va-t-il se passer si une nouvelle tempête semblable à celle de 1999 se reproduit ? L'éloignement vers les centres urbains des équipes d'EDF et la diminution de ses effectifs ne peuvent qu'aviver les craintes des élus.
Pour illustrer mon propos, je souhaite évoquer le cas de ma circonscription, notamment celui des secteurs de Saint-Yrieix et Saint-Junien, où les activités économiques principales sont l'imprimerie, le cuir, la porcelaine, l'agroalimentaire, l'appareillage électrique, la papeterie et le bois.
Parmi ces activités emblématiques, le secteur qui s'étend de Saint-Yrieix à Châlus vient de subir depuis plusieurs mois une véritable saignée économique avec la perte de près de 400 emplois, dont 79 dans la porcelaine, 80 dans les mines, 27 dans le bois, 80 dans la confection et 67 dans des entreprises qui ont été délocalisées. Ces entreprises ferment sans être remplacées, malgré tous les efforts des élus ruraux. Par ailleurs, les travailleurs licenciés n'ont en général qu'une qualification professionnelle très spécialisée et ne possèdent qu'une chance bien minime de retrouver un emploi dans une région sinistrée.
Les suppressions d'emplois et les fermetures d'entreprises ont donc des effets catastrophiques sur les finances des collectivités concernées. La survie de cette région passe par le maintien des trois pôles structurants que sont les petites villes d'Aixe-sur-Vienne, de Saint-Junien et de Saint-Yrieix. Ces deux dernières ont des missions qui incombent à des villes de moyenne importance, compte tenu de la présence de centres hospitaliers, de centres de secours, de collèges, de lycées, de centres culturels, de piscines couvertes ou encore de gymnases.
M. le président. Monsieur Boisserie, veuillez conclure.
M. Daniel Boisserie. Je ne vais pas tarder à le faire, monsieur le président.
Contrairement à beaucoup de cités de plus grande taille, les villes de Saint-Yrieix et de Saint-Junien restent fortement marquées par un vaste territoire rural, ce qui implique un réseau routier considérable et des surcoût en ce qui concerne, entre autres, le ramassage scolaire ou la collecte des ordures ménagères. L'avenir de ces zones est donc fortement mis à mal par la baisse des participations de l'État.
S'agissant de la DGF, elle est en baisse constante depuis 2003 si l'on tient compte de la hausse des prix. Quant à la réforme de la taxe professionnelle, elle hypothèque, à moyen et long terme, l'équilibre financier des communautés de communes.
M. le président. Monsieur Boisserie !
M. Daniel Boisserie. J'ai presque terminé, monsieur le président.
Le constat que l'on peut faire aujourd'hui est donc inquiétant. Les contraintes qui pèsent sur les collectivités locales, notamment sur les plus petites et les plus faibles, augmentent alors que leurs marges de manoeuvre en matière de recettes fiscales diminuent. Le partenariat existant entre l'État et les collectivités locales pour l'aménagement du territoire semble désormais rompu, ce que les élus locaux vivent comme un abandon des zones rurales par l'État.
Ma question sera donc simple : voulez-vous, monsieur le ministre, sauver les zones rurales ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux collectivités territoriales.
M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Puisque vos développements étaient un peu généraux, je vous répondrai, monsieur le député, en vous donnant des éléments précis et chiffrés. Ceux-ci, je l'espère, vous rassureront et vous permettront de passer le cap difficile que connaît votre territoire. Je souhaite d'ailleurs vous convaincre que l'État n'abandonne pas, bien au contraire, les zones rurales.
Tout d'abord, le Gouvernement va encore, en 2007, maintenir son effort en faveur des collectivités locales dans leur ensemble. En effet, nous avons choisi de reconduire le contrat de croissance et de solidarité, qui prendra ainsi en compte l'intégralité de l'inflation et un tiers de la croissance du PIB. L'effort supplémentaire consenti par l'État aux collectivités territoriales atteindra donc 985 millions d'euros en 2007.
Concrètement, les communes et leurs groupements connaîtront une augmentation de leur enveloppe de DGF de 542 millions d'euros, ce qui infirme, monsieur le député, ce que vous venez d'affirmer, peut-être faute d'informations. L'effort ainsi accompli par l'État en faveur des collectivités locales est d'autant plus remarquable que ce dernier s'impose, comme le législateur le sait, une norme de croissance très stricte, correspondant à l'inflation diminuée d'un point.
Il est d'ailleurs difficile, monsieur Boisserie, de soutenir que l'État se désengage quand il consacre 80 milliards d'euros aux collectivités locales. Ce poste budgétaire est devenu le premier de la nation, devant celui de l'éducation nationale. L'effort n'a donc jamais été aussi important.
Pour ce qui concerne le rééquilibrage entre territoires urbains et territoires ruraux, j'entends bien vos préoccupations. Je vous rappelle, à titre d'exemple, que le Gouvernement a procédé, dans la loi de finances pour 2006, à une réforme de la dotation de développement rural, afin de créer une seconde part destinée au maintien et au développement des services publics en milieu rural, la première part continuant de soutenir les projets de développement économique et social ainsi que les actions en faveur des espaces naturels.
Le mode de répartition des crédits résultant de cette réforme a clairement bénéficié au département de la Haute-Vienne, puisque celui-ci a reçu une enveloppe totale de 1,015 millions d'euros au titre de la DDR, soit une augmentation de 4,7 % par rapport à 2005 ; je vous vois d'ailleurs opiner. C'est bien plus que l'inflation.
Au titre de la première part de la DDR, la communauté de communes de Vienne-Glane que vous évoquiez a perçu des subventions à hauteur de 250 000 euros en 2005 et 278 262 euros en 2006. De même, la communauté de communes de Saint-Yrieix, que vous présidez, s'est vu attribuer des subventions dont le montant était de 533 500 euros en 2005 et 98 835 euros en 2006.
Je peux d'ores et déjà vous dire que la DDR progressera encore de façon dynamique en 2007 puisqu'elle est indexée sur le taux de croissance de la formation brute de capital fixe des administrations publiques, qui s'établit à 2,9 %, soit, là encore, davantage que l'inflation.
Mon deuxième exemple, pour suivre votre ordre de présentation concerne la dotation globale d'équipement des communes.
Les communes d'Aixe-sur-Vienne, de Saint-Junien et de Saint-Yrieix sont, comme vous le savez, éligibles à cette dotation. Elles peuvent donc bénéficier de concours financiers de l'État destinés à soutenir leurs politiques d'équipement.
Pour l'année 2005, ces trois communes ont été subventionnées au titre de la DGE à hauteur de 152 450 euros pour Saint-Junien, 23 654 euros pour Aixe-sur-Vienne et 22 182 euros pour Saint-Yrieix. Cette dernière - vous le savez en tant que maire -, s'est vu attribuer une subvention de 79 040 euros en 2006, de même que la communauté de communes de Saint-Yrieix, qui a bénéficié d'une dotation globale d'équipement de 34 500 euros. Pardon pour tous ces chiffres, mais vous m'avez encouragé à être précis.
Enfin, le Gouvernement a souhaité donner à chaque territoire les moyens de son développement économique en s'appuyant sur les atouts propres à chacun.
Pour premier exemple je prends le pôle de compétitivité céramique, qui est à l'évidence l'un des pôles nationaux les plus actifs.
Sa stratégie est de devenir rapidement la référence européenne dans le domaine des céramiques et de la haute technologie. Deux projets de recherche ont déjà été labellisés par le fonds unique interministériel, pour un montant d'aide de 2 270 165 euros. Le 16 octobre dernier, le ministre d'État a posé la première pierre du futur centre européen de la céramique. En créant de nouveaux produits, ce pôle va être, j'en suis convaincu, à l'origine d'un nouveau développement économique et de nouveaux emplois en Haute-Vienne.
Autre exemple : les pôles d'excellence rurale, par lesquels l'État aide chaque territoire à se développer à partir de ce qui fait sa spécificité. Aucun dossier n'avait été déposé en Haute-Vienne au printemps dernier. L'État ne pouvait donc rien faire sur ce sujet. En revanche, six projets ont été déposés en septembre. Ils ont trait au développement de la filière ovine, à la création d'une filière bois-énergie ou encore à la production de châtaignes, pour ne prendre que quelques exemples. Compte tenu de la qualité de ces projets, je peux, sans risque d'être démenti, vous dire que plusieurs d'entre eux, notamment à Saint-Yrieix, seront labellisés d'ici à la mi-décembre. Ils recevront donc un concours financier important de l'État.
Tels sont les éléments que je souhaitais porter à votre connaissance. Ils vous permettent de constater que l'État n'abandonne pas les zones rurales mais que, bien au contraire, il s'efforce de mettre en oeuvre des actions visant à soutenir clairement et fortement leur développement.
M. le président. Êtes-vous satisfait, monsieur Boisserie, par la longue mais précise réponse du ministre ?
M. Daniel Boisserie. J'ai obligé M. le ministre à faire une longue réponse et je suis satisfait par son dernier point. J'ai cependant quelques observations à formuler, d'abord sur le contrat de croissance.
Nous attendions son maintien, mais je tiens à vous préciser, monsieur le ministre, qu'entre l'inflation réelle - environ 1,7 % - et l'augmentation des dépenses des communes - autour de 3,5 % par an - l'écart est pratiquement du simple au double.
Quant à la réforme de la dotation de développement rural, c'est une excellente mesure qu'il convient de saluer. Elle est en augmentation de 4,9 % et a été divisée en deux parts, ce qui permet de traiter de nouveaux dossiers, lesquels remplacent, en quelque sorte ceux qui étaient subventionnés par la DGE. Cela reste cependant insuffisant et il est important d'améliorer encore cette dotation, qui contribue au maintien de l'activité dans les zones rurales.
Cela étant, je répète, monsieur le ministre, que le dernier point de votre réponse me satisfait.
Auteur : M. Daniel Boisserie
Type de question : Question orale
Rubrique : État
Ministère interrogé : collectivités territoriales
Ministère répondant : collectivités territoriales
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 5 décembre 2006