jeux vidéo
Question de :
M. Michel Charzat
Paris (21e circonscription) - Socialiste
M. Michel Charzat attire l'attention de M. le ministre de la culture et de la communication sur la nécessaire reconnaissance du secteur du jeu vidéo comme une industrie culturelle à part entière. Les jeux vidéo sont devenus un loisir de masse. Ils concernent un quart de la population française, soit plus de 15 millions de joueurs dont la moyenne d'âge est de 30 ans, 45 % des foyers sont équipés en PC multimédia et 25 % possèdent une console. Un européen sur trois joue sur console ou sur PC, dont un enfant sur deux. Une enquête sur la consommation de biens culturels en France durant le premier trimestre 2003 plaçait deux jeux vidéo dans les dix premiers produits les plus consommés. Le jeu vidéo présente par ailleurs des caractéristiques semblables à celles d'autres industries culturelles, comme le cinéma. Il s'inscrit au carrefour de la rencontre entre technologie, esthétisme, création artistique et musicale. En conséquence il lui demande quelles mesures il entend mettre en oeuvre afin d'assurer la reconnaissance de la dimension culturelle du jeu vidéo. L'enjeu est de légitimer et d'ouvrir de nouvelles perspectives de financement à cette industrie en pleine expansion, mais aussi en difficulté du fait de la concurrence étrangère, qui génère plus de 3 000 emplois directs.
Réponse en séance, et publiée le 6 décembre 2006
RECONNAISSANCE DE LA DIMENSION
CULTURELLE DU JEU VIDEO
M. Michel Charzat. Monsieur le ministre délégué à la sécurité sociale, la place croissante occupée par le jeu vidéo dans la constitution de l'imaginaire des jeunes suscite souvent l'inquiétude. Il est légitime de réglementer la distribution et l'étiquetage de certains jeux comportant des scènes à caractère violent ou pornographique. Le 1er mars 2002, le Conseil de l'Union européenne a adopté une résolution en ce sens.
Ces précautions ne doivent pas pour autant conduire à la stigmatisation de l'ensemble des jeux qui ne sont pas majoritairement nocifs pour notre jeunesse. Certains d'entre eux sont même utilisés comme outils de médiation thérapeutique et comme exutoire ludique par des psychologues.
Aujourd'hui, force est de constater que les jeux vidéo sont devenus un véritable phénomène de société. Ils concernent un quart de la population française, 45 % des foyers sont équipés en PC multimédias, un Européen sur trois joue sur console ou sur PC, dont un enfant sur deux. Une enquête sur la consommation de biens culturels en France durant le premier trimestre 2003 plaçait deux jeux vidéo dans les dix premiers produits les plus consommés.
Malgré un tel engouement dans la population, le secteur du jeu vidéo a longtemps été ignoré par les pouvoirs publics. Ce relatif désintérêt a porté préjudice à une industrie très prometteuse, véritable facteur d'innovation, qui connaît actuellement de grandes difficultés en France. Le secteur français du jeu vidéo représente 2 milliards de chiffre d'affaires, en augmentation de plus d'un tiers en cinq ans. Il génère 3 000 emplois directs dans une soixantaine de studios et écoles de graphisme.
La montée de la concurrence avec l'Amérique du Nord et le dumping social des pays asiatiques et d'Europe de l'Est contribuent à remettre en cause notre place sur le marché mondial et provoquent un important phénomène de mortalité dans la profession.
Le développement et le soutien de l'industrie du jeu vidéo passent par l'ouverture de nouvelles possibilités de financement.
Le Gouvernement a choisi la mise en place d'un crédit d'impôt, dont la concrétisation dépend du bon vouloir de Bruxelles. Le fait est que les négociations avec les instances européennes s'éternisent et suscitent l'inquiétude des professionnels du jeu vidéo qui, au-delà de la mise en oeuvre, ou non, de ce crédit, se demandent quelles en seront les modalités concrètes.
Le crédit d'impôt présente l'avantage de la lisibilité politique et s'insère facilement dans la stratégie d'effet d'annonce, chère à votre gouvernement. Il ne doit pas pour autant faire oublier les autres possibilités de financement. Les professionnels du secteur plaident notamment en faveur de l'ouverture des aides actuellement réservées au cinéma et à la télévision. Cette revendication apparaît d'autant plus légitime que les frontières entre jeu vidéo et cinéma sont de plus en plus ténues.
Par ailleurs, les responsables de la " technopôle jeu vidéo " du XXe arrondissement de Paris, que je rencontre régulièrement, font souvent état de la frilosité des organismes bancaires à l'égard du financement de leurs projets. Si de telles réticences peuvent être surmontées par la négociation au niveau local, une impulsion à dimension nationale serait bienvenue, sachant que le budget type pour le développement, la fabrication et la distribution d'un jeu vidéo excède souvent plusieurs millions d'euros.
Enfin, l'amélioration de l'accès au crédit, ainsi que la mise en place d'une politique de soutien à cette industrie de pointe passent évidemment par l'amélioration de l'image du jeu vidéo et par sa reconnaissance en tant qu'oeuvre culturelle à part entière, enjeu trop souvent méconnu.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, je souhaite connaître les intentions du Gouvernement dans cette optique.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le député, votre question a déjà fait l'objet de nombreux travaux au sein de votre assemblée. Je pense notamment au colloque sur les jeux vidéos qui s'est tenu le 11 septembre dernier, à l'initiative de votre collègue Patrice Martin-Lalande, en présence de M. Renaud Donnedieu de Vabres. Comme vous le savez, ce débat s'est prolongé lors de l'examen de la première partie de la loi de finances ; nous y reviendrons encore cette semaine, à l'occasion de la discussion de la loi de finances rectificative.
Quel est l'enjeu ?
Il s'agit pour le Gouvernement de marquer la reconnaissance d'une forme nouvelle de culture. Le jeu vidéo porte en effet une part croissante des histoires et des images montrées à nos concitoyens, avec les émotions et les valeurs qu'elles véhiculent, finalement de tout ce qui contribue à l'expression culturelle. Il est donc stratégique que notre culture française et européenne continue de s'exprimer dans ce domaine, afin que nos concitoyens puissent pleinement profiter d'une véritable diversité dans cette création et que le jeu vidéo ne soit pas un vecteur de l'uniformisation culturelle.
Il y a aussi, derrière cette nouvelle forme de création, l'emploi culturel. La France bénéficie ainsi d'un ensemble performant d'écoles de formation, en particulier dans les métiers du graphisme, qui profitent aussi bien à la création cinématographique qu'à la création du jeu vidéo.
Le Gouvernement a souhaité intervenir dès la fin de l'année 2002 pour soutenir ce secteur important, en mettant en place un appel à projet jeu vidéo dans le dispositif du fonds d'aide à l'édition multimédias. Ce sont ainsi 15 millions d'euros qui ont permis de soutenir la pré-production de 102 jeux vidéo.
Afin d'amplifier ce soutien, le Gouvernement a notifié fin 2005 à la Commission européenne un projet de crédit d'impôt en faveur de la production de jeux vidéo. Mon collègue Renaud Donnedieu de Vabres est allé lui-même défendre ce projet auprès de Mme Neelie Kroes, commissaire européenne à la concurrence. Afin de s'informer sur ce secteur peu connu, et pour des raisons qui tiennent au processus de décision communautaire, la Commission européenne a décidé de lancer une procédure d'examen.
Gouvernement français et Commission européenne ont convenu ensemble de mieux cibler le dispositif sur les jeux vidéo qui présentent le plus de contenu de nature culturelle, ce qui pourrait conduire à exclure, par exemple, les jeux de simulation ou de course automobile. J'ai bon espoir que ce dossier puisse aboutir rapidement, puisque Mme Kroes a assuré à M. Donnedieu de Vabres que la procédure serait conduite dans un délai de six mois.
Quoi qu'il en soit, le débat va reprendre dès cette semaine avec la Commission afin de marquer la volonté de votre rapporteur spécial d'aboutir rapidement sur ce sujet, tout en respectant les délais nécessaires à la Commission européenne.
M. le président. La parole est à M. Michel Charzat.
M. Michel Charzat. Je prends note de ces informations, et j'espère que le dispositif du crédit d'impôt sera bientôt appliqué.
Pour autant, je reste sur ma faim concernant la reconnaissance de la dimension culturelle de ce secteur, qui devrait pouvoir bénéficier de décisions favorables, notamment de financements par le secteur bancaire.
Je souhaite donc qu'à l'avenir cette préoccupation soit davantage mise en valeur par les pouvoirs publics, notamment par le Gouvernement, en particulier par le ministre en charge de l'action culturelle dans notre pays.
Auteur : M. Michel Charzat
Type de question : Question orale
Rubrique : Audiovisuel et communication
Ministère interrogé : culture et communication
Ministère répondant : culture et communication
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 5 décembre 2006