Question orale n° 1753 :
plans de prévention des risques

12e Législature

Question de : M. Pierre Cardo
Yvelines (7e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Pierre Cardo souhaite attirer l'attention de Mme la ministre de l'écologie et du développement durable sur les graves craintes de très nombreux riverains de la Seine et de l'Oise dans les Yvelines, confrontés aux menaces du projet de plan de prévention des risques d'inondation en cours de finalisation et notamment celles résultant de la délimitation d'une zone particulière de grand écoulement, dite zone marron. Lorsque les services de l'Etat dans le département ont décidé, par arrêté préfectoral du 22 novembre 2002, de lancer ce PPRI par anticipation sur 13 communes, situées, pour l'essentiel entre Conflans-Sainte-Honorine et Mézy-sur-Seine, de nombreuses discussions ont eu lieu avec les services de l'Etat et cette décision a été fermement dénoncée et contestée par les habitants et les élus locaux. Le choix de ces 13 communes parmi les 57 communes concernées, était une première discrimination difficilement justifiable, ces communes n'étant pas plus concernées que d'autres dans le département et plus en amont. Aujourd'hui les habitants de 57 communes du département des Yvelines, s'ils sont conscients de la nécessité de réglementer les implantations, les constructions et les activités nouvelles, viennent d'apprendre avec effroi que nombre d'entre eux, habitant dans une bande de 25 mètres le long du fleuve, souvent depuis des dizaines d'années dans des constructions parfois plus anciennes encore, voient leurs maisons classées dans une zone dite de grand écoulement ou zone marron sur les plans soumis à enquête publique au cours de l'été. Cette nouvelle zone venant s'ajouter à celles déjà connues, verte, rouge sombre, rouge clair et bleue, semble être une quasi-exclusivité yvelinoise car apparemment non prévue dans d'autres départements limitrophes comme les Hauts-de-Seine ou le Val d'Oise, sans parler de Paris. Ses contraintes sont inacceptables pour les habitants et les élus et pour cause. Tout y est interdit : les activités nouvelles, les extensions d'activités, les constructions nécessaires à la voie d'eau, les habitations nouvelles, les extensions d'habitations et, comble de tout, les reconstructions après sinistre, quel qu'il soit. Faut-il rappeler que même en zone rouge, sombre ou claire, sont autorisées les activités nouvelles, les démolitions-reconstructions et les extensions d'activités sous certaines réserves de même que les reconstructions après sinistre, ces dernières même sur une emprise identique SHON + 10 m² voire SHON + 20 m². Pour les riverains en zone marron, aucune solution n'est envisageable. Leurs biens, du jour au lendemain, perdent toute leur valeur car même en cas de sinistre non lié à une inondation, aucune reconstruction n'est possible. Les élus locaux seront confrontés aux problèmes de mise en oeuvre d'une telle mesure et de gestion d'énormes secteurs à l'abandon. Est-il nécessaire de rappeler la réponse d'une ancienne ministre de l'écologie et du développement durable à une question au Gouvernement qui précisait que « les crues de la Seine sont des crues de plaine, des crues lentes, dont on peut prévoir la survenance avec quelques jours d'anticipation, et mettent peu en péril les populations ». Les justifications de la création d'une telle zone sont, pour le moins, discutables lorsque l'on observe l'autorisation données au remblai d'étangs et à de nouvelles constructions à proximité du fleuve, parfois réalisées par remblai et réduisant d'autant les zones d'expansion. Force est de constater qu'avec cette nouvelle restriction, les propriétaires qui ont acheté ou construit leur bien en toute légalité et avec la connaissance des risques d'inondation, sont purement et simplement spoliés de leur bien et sont victimes d'un traitement inégalitaire. Cette clause de non-reconstruction en cas de sinistre entraîne une dévalorisation importante des propriétés, même de celles qui ne sont situées que partiellement en zone marron. Ces biens ne seront plus assurables, ni vendables, ni hypothécables et nombre de propriétaires doivent continuer à rembourser leurs prêts. Inutile de rappeler par ailleurs qu'au-delà de la valeur financière de ces biens, certains présentant, considérant leur ancienneté, une valeur patrimoniale importante, tant à Andrésy, Poissy, Villennes, Vaux-sur-Seine ou Meulan comme l'Île-des-Migneaux ou l'Île du Fort. Il lui demande par conséquent de lui préciser les raisons qui ont conduit les services de l'État à proposer une mesure aussi disproportionnée dans une zone géographique limitée et les mesures qu'elle entend prendre pour éviter que des centaines de propriétaires ne soient spoliés de leur bien et dont certains sont concernés par d'autres dommages importants comme l'autoroute A 104 et la sécheresse de 2003, non reconnue dans nombre de secteurs, Par ailleurs il souhaite connaître les bases juridiques qui fondent une telle décision qui fera inévitablement l'objet de procédures de la part des sinistrés.

Réponse en séance, et publiée le 6 décembre 2006

PROJET DE PLAN DE PREVENTION DES RISQUES D'INONDATION DANS LES YVELINES

M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo, pour exposer sa question, n° 1753, relative au projet de plan de prévention des risques d'inondation dans les Yvelines.
M. Pierre Cardo. Madame la ministre de l'écologie et du développement durable, des centaines d'habitants des Yvelines, riverains de l'Oise et de la Seine, et leurs élus sont particulièrement inquiets dans l'attente des conclusions de l'enquête publique sur le futur plan de prévention des risques d'inondations qui doivent être remises au préfet dans les jours à venir.
Alors que treize communes de notre département, situées pour l'essentiel dans ma circonscription, avaient déjà fait l'objet d'un traitement spécifique dès novembre 2002, par un PPRI pris par anticipation, les riverains directs du fleuve s'inquiètent de voir leurs biens classés dans une bande de grand écoulement dite " zone marron ". Selon les associations, plus de 1 800 personnes sont concernées par ce classement dont les conséquences seraient dramatiques.
Nul ne conteste l'utilité d'une réglementation, ne serait-ce que pour attirer l'attention des propriétaires et futurs propriétaires sur les risques. En revanche, il est surprenant que dans les Yvelines, contrairement à la plupart des autres départements, on envisage de créer une zone où toute reconstruction serait impossible en cas de sinistre et cela quelle que soit l'origine de celui-ci : inondation, accident, feu ou autre. Alors que dans toutes les autres zones - les zones rouges, en particulier -, la reconstruction du bâti existant est possible dans certaines conditions, les riverains situés en zone marron verraient leurs biens perdent toute valeur du jour au lendemain. Quant aux élus locaux, ils se trouveraient confrontés aux problèmes de mise en oeuvre d'une telle mesure et de gestion d'énormes secteurs à l'abandon.
Est-il nécessaire de rappeler la réponse d'une ancienne ministre de l'écologie et du développement durable à une question au gouvernement : " Les crues de la Seine sont des crues de plaine, des crues lentes, dont on peut prévoir la survenance avec quelques jours d'anticipation, et mettent peu en péril les populations " ?
Les justifications de la création d'une telle zone sont pour le moins discutables au vu de l'autorisation donnée aux remblais d'étangs et à de nouvelles constructions à proximité du fleuve, parfois réalisées par remblais, réduisant d'autant les zones d'expansion. Victimes d'un traitement inégalitaire, les propriétaires, qui ont pourtant acheté ou construit leurs biens en toute légalité et en ayant pleine connaissance des dangers d'inondation, risquent de se voir spoliés de leur bien. L'impossibilité de reconstruire après un sinistre entraîne en effet une dévalorisation importante des propriétés, même de celles qui ne sont situées que partiellement en zone marron. Ces biens ne seront plus assurables, ni vendables, ni hypothécables, alors que nombre de propriétaires doivent continuer à rembourser leurs prêts.
Les conclusions du commissaire enquêteur, attendues depuis des semaines, devraient être remises dans les jours à venir. Cependant je souhaite d'ores et déjà connaître les mesures que vous préconisez. Comment concilier la maîtrise des risques avec le respect du droit de propriété ? Une réglementation ne peut être efficace que si elle est comprise, équitable et acceptée. Or le moins que l'on puisse dire est que ce n'est pas le cas des zones marron, surtout lorsque les riverains sont lésés au profit d'autres activités. Ils ne comprennent pas plus que moi les raisons de cette décision pour un fleuve de plaine et craignent que, sous couvert de servitude environnementale, il ne s'agisse d'une volonté de s'approprier des terrains à bas prix. Alors que dans les documents de préparation du nouveau SDAURIF, les Hauts-de-Seine et le Val-de-Marne sont cités parmi les départements les plus touchés en cas de crue centennale, les Yvelines sont le seul concerné par ce traitement incohérent et inique.
Les riverains et les élus attendent de vous un signal fort. Il convient de corriger les erreurs et de dissiper les malentendus qui ont pu apparaître dans ce dossier.
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.
Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le député, vous avez bien voulu appeler mon attention sur le projet de plan de prévention des risques d'inondation de la Seine et de l'Oise dans le département des Yvelines, en particulier sur la disposition relative à la non-reconstruction des biens sinistrés dans la zone de grand écoulement.
Je tiens d'abord à souligner la nécessité de mener à son terme la procédure relative à ce projet de plan de prévention des risques, qui a fait l'objet de nombreuses études et de multiples concertations avec les élus depuis sa prescription par le préfet des Yvelines en juillet 1998. En effet, ce document permettra de prendre en compte le risque d'inondation lié à la Seine et à l'Oise dans les politiques d'aménagement des cinquante-sept communes concernées.
Le projet de plan de prévention des risques d'inondation a fait l'objet d'une enquête publique qui a eu lieu du 1er juin au 13 juillet 2006. De nombreuses personnes ont formulé des remarques, notamment sur la disposition relative à la non-reconstruction des biens sinistrés, dont je conçois qu'elle les préoccupe fortement.
Le projet interdit effectivement, dans une zone dont l'emprise est une bande de l'ordre de vingt-cinq mètres en bordure de Seine, et qui est exposée à des aléas très forts, toute construction et toute extension d'activité. Les travaux de mise en conformité et d'entretien courant sont autorisés dans la mesure où ils n'augmentent pas l'emprise au sol puisque l'objectif est de réduire les surfaces imperméabilisées, afin de raccourcir les temps d'absorption de l'eau par les sols au moment de la crue et de la décrue. Il est vrai que la reconstruction d'activité ou d'habitation après sinistre, quel que soit le sinistre, a été assimilée dans cette zone à une construction nouvelle.
Afin de disposer d'éléments d'appréciation sur la pertinence de cette disposition, il est effectivement utile de la comparer aux solutions retenues dans les autres plans de prévention des risques d'inondation de la Seine approuvés en région Île-de-France, notamment dans les départements de la grande couronne dont la situation est comparable à celui des Yvelines. Ainsi, les PPRI Seine des départements de Seine-et-Marne et de l'Essonne interdisent la reconstruction du bâti existant en cas de sinistre lié aux inondations, quel que soit le sinistre pour un établissement sensible en Seine-et-Marne. Quant au PPRI Seine du Val-d'Oise, il interdit les constructions à usage d'habitation, mais accepte les réparations sur un bâtiment sinistré avec une augmentation d'emprise possible sur vingt mètres carrés.
Les différences plus importantes avec les PPRI de Paris et des Hauts-de-Seine s'expliquent par la densité très forte de population dans ces deux départements. Dans le PPRI de Paris, la reconstruction de bâtiments destinés à des activités situées dans cette zone est possible dans la limite de la surface " hors oeuvre nette existante ". Dans les Hauts-de-Seine, la reconstruction à l'identique est autorisée pour les bâtiments détruits par un sinistre, sous réserve que tout plancher fonctionnel ou habitable soit au-dessus de la cote des plus hautes eaux connues.
Le rapport de la commission d'enquête et ses conclusions devraient être très prochainement remis au préfet du département des Yvelines, qui est chargé de l'élaboration du projet de plan de prévention des risques d'inondation de la Seine et de l'Oise. Il appartiendra à ce dernier d'apprécier l'opportunité d'apporter des modifications à ce projet de plan de prévention des risques, notamment en ce qui concerne la disposition relative à la non-reconstruction des biens sinistrés dans la zone de grand écoulement. Il convient effectivement de prendre en compte d'une part l'objectif de préservation, voire de reconquête progressive de la zone de grand écoulement, et, d'autre part, le préjudice susceptible d'en résulter pour les propriétaires dont les biens sont implantés dans cette zone.
Ce que souhaite le Gouvernement, ce n'est évidemment pas que les propriétaires soient spoliés, mais que le préfet des Yvelines approuve le projet de plan dans les meilleurs délais, afin d'assurer la prise en compte du risque d'inondation dans les politiques d'aménagement des communes traversées par la Seine et l'Oise, tout en veillant à respecter les intérêts des populations concernées. Il me semble donc nécessaire d'attendre les conclusions du commissaire enquêteur.
M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo.
M. Pierre Cardo. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre, mais vous comprendrez qu'elle ne me satisfasse pas pleinement. S'agissant d'une crue centennale, les dispositions prises me semblent draconiennes. Nous ne parlons pas de pluies diluviennes, mais de crues lentes.
Alors que nous manquons de logements en Île-de-France, je trouve regrettable de se priver de certaines zones. Lorsque le même problème s'est posé à cause des carrières, on a indemnisé les gens. De plus, il s'agissait alors de protéger des vies humaines, ce qui n'est pas le cas ici. La disposition prise me paraît disproportionnée au regard des risques. Si elle était maintenue, il risquerait d'y avoir des contentieux, notamment en raison de l'inégalité de traitement.

Données clés

Auteur : M. Pierre Cardo

Type de question : Question orale

Rubrique : Sécurité publique

Ministère interrogé : écologie

Ministère répondant : écologie

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 5 décembre 2006

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