viticulture
Question de :
M. Daniel Garrigue
Dordogne (2e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Daniel Garrigue rappelle à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche que si l'Union européenne a choisi de libéraliser l'usage des copeaux pour l'élevage du vin, chaque pays membre de l'Union a néanmoins la possibilité de prendre des dispositions plus restrictives. En France, l'Institut national des appellations origine (INAO) s'est prononcé pour l'interdiction de cette pratique en ce qui concerne les appellations d'origine contrôlée (AOC). Aujourd'hui, le texte qui doit consacrer cette position est en attente de signature au ministère de l'agriculture, mais, tant qu'il n'est pas adopté, les viticulteurs qui élèvent du vin dans le cadre d'une AOC peuvent recourir à l'utilisation des copeaux. Si ce vide juridique se prolongeait, les AOC risqueraient d'être dévalorisées et la mise en oeuvre de la segmentation par le ministre et par les professionnels, et nécessaire à la clarification de l'offre viticole, risquerait d'être gravement compromise. Le 23 novembre dernier, le Comité national de la viticulture de France que préside le ministre de l'agriculture a proposé une segmentation en trois éléments : les vins de table et les usages industriels ; les indications d'origine contrôlée (IOC), catégorie qui aura pour vocation de regrouper les appellations assouplies, pouvant notamment recourir à l'usage des copeaux, et les vins de pays ; les appellations d'origine contrôlée (AOC), pour lesquelles l'usage des copeaux resterait exclu. Il lui demande en conséquence de lui confirmer que ce schéma sera bien celui qui sera retenu et que les dispositions proposées par l'INAO seront rapidement adoptées afin que ce dispositif puisse être mis en oeuvre.
Réponse en séance, et publiée le 6 décembre 2006
REGLEMENTATION DE L'USAGE DES COPEAUX
POUR L'ELEVAGE DU VIN
M. Daniel Garrigue. Monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, je tiens d'abord à saluer votre présence à cette séance de questions orales sans débat.
Le monde de la viticulture est aujourd'hui confronté à la baisse relative de la consommation nationale de vin et a connu de graves difficultés à l'exportation, en raison de la concurrence, depuis longtemps annoncée, des pays de l'hémisphère sud. Cette situation a conduit les viticulteurs à s'interroger sur l'offre de vin : doivent-ils jouer la carte de la qualité et chercher à élargir le cercle des connaisseurs, attirés vers les vins les plus travaillés, ou adopter, comme une grande partie de nos concurrents, une démarche plus proche du marketing visant à répondre le plus possible aux attentes des consommateurs, donc à travailler les vins dans un sens différent ? Ce débat a donné naissance au concept de la segmentation de l'offre de vin, qui fait pratiquement l'unanimité dans le monde viticole.
Dans ce contexte, et compte tenu de l'accord conclu entre l'Europe et les États-Unis, l'Union européenne a pris la décision de permettre l'utilisation des copeaux de bois dans l'élevage des vins, laissant toutefois à chaque État membre la possibilité de prendre des mesures restrictives.
À une large majorité, l'institut national des appellations d'origine - l'INAO -, qui fixe les grandes règles pour l'élevage des vins dans notre pays, a pris position pour l'interdiction de l'utilisation des copeaux dans l'élevage des vins d'appellation d'origine contrôlée, les AOC. Dans l'attente du décret, actuellement à votre signature, qui doit traduire cette volonté, les AOC peuvent, compte tenu de la décision de Bruxelles, utiliser des copeaux de bois, ce qui suscite chez certains producteurs d'AOC qui ont beaucoup travaillé sur la qualité, la crainte de voir cette appellation se dévaloriser si cette situation devait durer.
Le 23 novembre, le conseil national des vins de France, que vous présidez, a proposé un classement à trois niveaux. Les vins de pays et les usages industriels, tout d'abord, pourraient recourir largement aux techniques autorisées par Bruxelles et utilisées par bon nombre de nos concurrents. Les indications d'origine contrôlée, auxquelles pourraient également s'ajouter les vins de pays, pourraient utiliser ces techniques, notamment l'usage des copeaux, dans une démarche proche de celle du marketing. Les AOC, quant à elles, continueraient de miser sur la qualité et proscriraient absolument l'usage des copeaux.
Monsieur le ministre, ce schéma correspond-il bien à l'analyse du ministère de l'agriculture et avez-vous l'intention de signer le décret reprenant les dispositions proposées par l'INAO ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur Garrigue, je vous répondrai en deux points : sur les copeaux tout d'abord, puis sur la segmentation de l'offre de vin.
L'utilisation des copeaux de bois dans l'élevage des vins, est débattue depuis longtemps et donne lieu à de nombreux articles critiques dans les revues vinicoles. Cette pratique est admise au plan communautaire depuis décembre 2005 et la Commission européenne a publié, au mois d'octobre, son règlement d'application. En France, les appellations d'origine contrôlée en ont débattu et ont estimé que l'utilisation des copeaux pouvait, dans certains cas, nuire à leur image. Le comité vins de l'INAO s'est alors prononcé contre cette pratique dans l'élaboration des AOC, tout en l'autorisant à titre expérimental, ce qui revient à l'encadrer pour les appellations qui la demandent.
Compte tenu de la divergence entre les points de vue des inconditionnels de l'utilisation des copeaux de bois et de ceux qui voient dans cette pratique la fin du monde - la vérité se situant probablement entre ces deux extrêmes - et en attendant d'y voir plus clair sur la segmentation et l'ensemble des pratiques oenologiques, la position de l'INAO me semble prudente. J'attends donc que l'INAO me soumette le projet d'arrêté - et non de décret - destiné à encadrer cette pratique, qui me semble au demeurant convenir plus particulièrement aux vins de pays et qui, si elle était autorisée pour certaines AOC, ne devrait l'être que sous réserve d'application du cadre prudent défini par l'INAO.
Cette question nous invite à nous interroger sur toutes nos pratiques oenologiques et souligne la nécessité de clarifier l'offre française qui, avec plus de 400 AOC et une réglementation complexe, est souvent incompréhensible à l'étranger, ce qui ne facilite pas l'exportation de nos vins.
J'ai donc fait dans le cadre du conseil national de la viticulture, après une très large consultation, des propositions visant à mieux segmenter notre offre.
On pourrait distinguer trois catégories de vin : les vins de base ou d'assemblage, qui vivront sur le marché international et dont l'étiquette pourra mentionner, par exemple, le cépage ; les AOC et vins de catégorie moyenne ou bonne ; enfin, les super-AOC, les " vins de rêve " chers à René Renou.
Si cette proposition suscite quelque mécontentement chez les producteurs d'AOC, qui craignent que leurs produits ne soient plus des " vins de rêve ", force est de constater que certaines AOC ont été parfois accordées d'une manière trop lâche. Il faut donc remettre de l'ordre dans tout cela. Il n'est pas question, toutefois, de le faire contre la profession. Je tiens à agir avec son avis, ce qui prendra du temps car, en France, toucher aux frontières viticoles peut enflammer des guerres à côté desquelles les guerres de religion apparaîtraient comme une aimable plaisanterie ! (Sourires.) Il importe en tout cas de renforcer la position des AOC, afin de pouvoir mieux les vendre à l'étranger.
J'attends désormais des organisations professionnelles une implication forte et positive dans ce dossier et je souhaite que la prochaine réunion du comité national des vins de France, en janvier 2007, permette d'avancer. Certaines évolutions se dessinent déjà, comme l'acceptation du concept de " vin de France " ou, dans votre région, monsieur Garrigue, la création de l'appellation de " vins de l'Atlantique ", qui recouvre, par exemple, les vins du Bergeracois et des vins de Charente ou de Bordeaux.
Je peux vous assurer de mon entière détermination pour mener à terme cette évolution pour l'avenir de la filière viticole, afin que nos vins puissent se vendre mieux à l'étranger et que tous les viticulteurs, et non pas seulement une partie d'entre eux, puissent bénéficier d'un revenu décent.
M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.
M. Daniel Garrigue. Monsieur le ministre, je pense, avec l'ensemble du monde viticole, que notre offre doit mieux répondre aux attentes de la grande consommation et des pays où nous exportons, ce qui suppose que nous puissions assurer, pour faire face à nos concurrents, un bon rapport qualité-prix et des quantités suffisantes.
Des efforts très importants n'en ont pas moins été accomplis par certains vignobles,...
M. le ministre de l'agriculture et de la pêche. En particulier dans votre région !
M. Daniel Garrigue. ...pour lesquels il serait désastreux que le concept d'AOC disparaisse ou que le seuil en soit repoussé trop haut.
M. Philippe Armand Martin et M. Dominique Paillé. Très bien !
Auteur : M. Daniel Garrigue
Type de question : Question orale
Rubrique : Agroalimentaire
Ministère interrogé : agriculture et pêche
Ministère répondant : agriculture et pêche
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 5 décembre 2006