Question orale n° 1772 :
La Poste

12e Législature

Question de : M. Jean-Paul Dupré
Aude (3e circonscription) - Socialiste

M. Jean-Paul Dupré attire l'attention de M. le ministre délégué à l'industrie sur les conséquences de l'ouverture à la concurrence du secteur postal. La Commission européenne a adopté, le 19 octobre dernier, un projet de directive visant à libéraliser totalement les services postaux au 1er janvier 2009. Ce qui signifie qu'à cette date l'acheminement et la distribution des lettres de moins de 50 grammes, qui constituent, faut-il le rappeler, l'essentiel du courrier, ne resteront plus aux seules mains des opérateurs historiques. Si ce projet était mis en oeuvre, il aurait des effets catastrophiques pour le service public postal, en particulier dans les zones rurales. Une fois de plus, la logique de concurrence semble devoir l'emporter sur celle de service public. Chacun sait bien pourtant - l'expérience le démontre chaque jour - que le consommateur est au final le grand perdant de ces réformes qui ne sont en fait autre chose qu'un marché de dupes. Qui peut garantir, par exemple, que la péréquation tarifaire pourra être maintenue à l'horizon des dix prochaines années ? Qui peut garantir que le courrier continuera à être distribué six jours par semaine ? Qui peut garantir que les coins les plus reculés du territoire continueront à être desservis ? Quel opérateur privé sera intéressé par la campagne alors que l'on sait déjà que la distribution du courrier est déficitaire dans les zones rurales ? Déjà, dans certaines régions, on demande que des batteries de boîtes à lettres soient mises à l'entrée du village. La logique de service public commande le maintien de services réservés, c'est-à-dire d'un monopole, en l'occurrence celui de La Poste. Il lui demande si le Gouvernement entend agir en ce sens.

Réponse en séance, et publiée le 20 décembre 2006

CONSEQUENCES DE L'OUVERTURE DE LA POSTE
A LA CONCURRENCE

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Dupré, pour exposer sa question, n° 1772.
M. Jean-Paul Dupré. Madame la présidente, en l'absence de M. le ministre délégué à l'industrie, je poserai ma question à Mme la ministre déléguée au commerce extérieur.
La Commission européenne a adopté, le 19 octobre dernier, un projet de directive visant à libéraliser totalement les services postaux à compter du 1er janvier 2009. Cela signifie qu'à cette date l'acheminement et la distribution des lettres de moins de 50 grammes, qui constituent l'essentiel du courrier, ne resteront plus aux seules mains des opérateurs historiques.
S'il était mis en oeuvre, ce projet aurait des effets catastrophiques pour le service public postal, en particulier dans les zones rurales. Une fois de plus, la logique de la concurrence semble devoir l'emporter sur celle du service public. Chacun sait bien pourtant, et l'expérience le démontre chaque jour, que le consommateur est au final le grand perdant de ces réformes qui ne sont en fait rien d'autre qu'un marché de dupes.
Qui peut garantir, par exemple, que 1a péréquation tarifaire pourra être maintenue à l'horizon des dix prochaines années ? Qui peut garantir que le courrier continuera à être distribué six jours par semaine ? Qui peut garantir que les secteurs les plus reculés du territoire continueront à être desservis alors que l'on sait que la distribution du courrier est déficitaire dans les zones rurales ? Dans certaines régions, on demande déjà l'installation de batteries de boîtes aux lettres à l'entrée des villages.
La logique de service public commande le maintien de services réservés, c'est-à-dire d'un monopole, en l'occurrence celui de La Poste.
Le Gouvernement entend-il agir en ce sens ? Nous ne devons pas non plus perdre de vue que La Poste est aussi le premier employeur de la France. Chaque jour, 260 000 femmes et hommes mettent en commun leurs compétences, leur savoir-faire et leur dévouement pour faire de La Poste le service public préféré des Français.
Ces femmes et ces hommes s'interrogent d'autant plus sur leur avenir que leurs conditions de travail n'ont cessé de se dégrader tout au long de ces dernières années.
Quelle réponse pouvez-vous apporter aux inquiétudes fort légitimes du personnel de La Poste et des usagers ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée au commerce extérieur.
Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur. Monsieur le député, je vous remercie de bien vouloir excuser l'absence ce matin de M. François Loos, qui m'a chargée de répondre à votre question.
Vous appelez son attention sur les conséquences de l'ouverture à la concurrence des activités postales à compter du 1er janvier 2009. C'est une longue histoire européenne.
Après le livre vert de 1992 et les conclusions du Conseil de 1994, la libéralisation du secteur postal a été engagée il y a près de dix ans par la directive européenne 97/67/CE, qui fixait les principes de l'ouverture à la concurrence pour les envois dépassant 350 grammes et qui définissait, dans son article 3, un service universel postal.
En 2002, la directive 2002/39/CE poursuivait le processus de libéralisation en établissant deux nouveaux paliers d'ouverture à la concurrence : en 2003 pour les envois de correspondance dont le poids est supérieur à 100 grammes, et à partir du 1er janvier 2006 pour ceux de plus de 50 grammes.
La Commission européenne a adopté récemment une nouvelle proposition de directive postale qui vient d'être soumise au Conseil et au Parlement européen. Il nous paraît essentiel que ce projet de directive fasse l'objet d'une concertation approfondie afin de permettre l'élaboration d'un consensus le plus large possible au Conseil et au Parlement européen, qui seront appelés à se prononcer sur ce texte.
Dans ce cadre, François Loos tient à vous faire part d'ores et déjà des préoccupations essentielles qui guideront les positions de la France dans les débats à venir et qui prennent en compte les résultats de la consultation des parties prenantes qu'il a menée à l'échelle nationale, en ce qui concerne les opérateurs postaux d'une part et les consommateurs d'autre part.
Il en ressort que l'ensemble des acteurs du secteur postal est fortement attaché à un service universel postal de très grande qualité sur l'ensemble du territoire et à des conditions abordables. Dans ce débat européen, la France souhaitera disposer de toutes les garanties nécessaires sur ce point.
En premier lieu, la définition du service universel qui permet aux États membres d'en préciser les contours et de l'adapter à leurs propres besoins, et la possibilité d'une péréquation tarifaire sur les plis égrenés lui apparaissent comme des dispositions fondamentales du projet de directive. Elles sont en effet les garantes de l'égalité d'accès au service public et de la cohésion territoriale, afin notamment que les communes rurales ne soient pas désavantagées.
Nous serons également attentifs au maintien des dispositions concernant le renforcement du droit des consommateurs, l'encadrement de l'accès aux infrastructures essentielles, le régime d'attribution des licences et autorisations et la possibilité de confier aux opérateurs des missions de service public complémentaires du service universel postal.
Un service universel postal de haute qualité à un prix abordable sur l'ensemble du territoire implique bien entendu un financement efficace. Un examen approfondi de la question du financement de la charge liée à l'obligation de fourniture du service universel postal semble donc nécessaire. Pour cette raison, nous devons travailler en priorité à la définition des modalités d'un financement du service universel en France. Celui-ci devra répondre, selon nous, à deux exigences. D'abord, ce financement devra être au moins équivalent au dispositif actuel, qui repose sur le monopole de l'opérateur historique sur le " secteur réservé ". Ensuite, sa sécurité juridique devra être assurée par la directive. C'est le souci que vous exprimiez à propos de la durabilité et de la pérennité de ce système.
Si ces conditions ne sont pas réunies, le maintien du dispositif actuel, c'est-à-dire un secteur réservé pour l'opérateur postal en charge du service universel, serait alors nécessaire.
Enfin, la Commission a proposé la date du 1er janvier 2009 pour l'achèvement du marché intérieur des services postaux. Tous les acteurs du secteur postal travaillent pour être prêts à cette date. Néanmoins, si elle devait être reportée, nous souhaitons qu'elle reste harmonisée dans toute l'Union européenne.
Avec le soutien de l'ensemble du Gouvernement, François Loos a écrit en ce sens au commissaire Charlie McCreevy, chargé du marché intérieur et des services, afin de rappeler les exigences posées par la France pour la négociation.
Il a d'ailleurs rappelé cette position lors de la réunion du Conseil des ministres des télécommunications à Bruxelles le 11 décembre ainsi que l'attachement de la France au maintien, non seulement d'un service universel de qualité, mais aussi des autres missions de service public assurées par La Poste, notamment le transport de la presse et certaines missions d'aménagement du territoire.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Dupré.
M. Jean-Paul Dupré. Madame la ministre, le Gouvernement doit être vigilant, voire intransigeant, pour que le service universel postal soit maintenu sur l'ensemble du territoire. Il y va de l'intérêt des usagers.

Données clés

Auteur : M. Jean-Paul Dupré

Type de question : Question orale

Rubrique : Postes

Ministère interrogé : industrie

Ministère répondant : industrie

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 19 décembre 2006

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