Question orale n° 1813 :
DGF

12e Législature

Question de : M. René Rouquet
Val-de-Marne (9e circonscription) - Socialiste

M. René Rouquet souhaite demander à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, s'il envisage de concrétiser les réflexions et les propositions qui sont menées actuellement à divers niveaux, pour adjoindre une bonification de la DGF réellement incitative en faveur des collectivités territoriales ayant contribué à réduire notablement les émissions de C02 et les consommations énergétiques dans les constructions, les réhabilitations, les rénovations d'équipements et les aménagements publics urbains. Alors que le secteur du bâtiment représente, après celui des transports, une importante source de pollution atmosphérique par le C02 émis, et au moment où de plus en plus d'élus locaux font des choix d'aménagement visant à favoriser les économies d'énergie, en particulier au niveau du bâti (modes de chauffage, choix des matériaux de construction, etc.), une telle disposition d'aide financière en faveur des collectivités pourrait être particulièrement opportune, au moment où le Gouvernement met en place des opérations d'intérêt national qui imposent à tous une action déterminée dans le domaine de l'environnement, particulièrement en Ile-de-France. Aussi, il souhaite connaître les intentions du Gouvernement vis-à-vis des collectivités territoriales soucieuses de respecter l'environnement et qui peuvent se prévaloir d'un bilan global en matière d'émissions de C02, au travers d'une politique d'aménagements publics urbains favorisant la limitation de la vitesse automobile en ville, dont on sait qu'elle contribue aussi à la réduction des émissions de dioxyde de carbone dans l'atmosphère, et de la construction ou de la rénovation de bâtiments classés « basse énergie », respectant des seuils de performances, permettant de réduire d'autant les émissions globales, de stabiliser le pourcentage de C02 dans l'atmosphère et de réduire, par voie de conséquence, la facture énergétique nationale afin de répondre aux légitimes attentes de nos concitoyens en matière de préoccupation écologique.

Réponse en séance, et publiée le 10 janvier 2007

AIDE FINANCIERE AUX COLLECTIVITES
FAVORISANT LES ECONOMIES D'ENERGIE

M. le président. La parole est à M. René Rouquet, pour exposer sa question n°1813.
M. René Rouquet. Monsieur le ministre délégué à l'aménagement du territoire, je souhaite obtenir une réponse aussi complète que celle que vous avez donnée à M. Mariton, à ma question qui vise à vous demander si vous envisagez de conditionner certaines aides publiques par le respect des règles environnementales et si vous entendez notamment proposer une bonification de la dotation globale de fonctionnement en faveur des collectivités territoriales qui peuvent se prévaloir d'un bilan global d'émission de CO2 prouvant leur implication particulière dans le respect de l'environnement.
Nous le savons, les secteurs du bâtiment, de l'aménagement et des transports constituent une source importante de pollution atmosphérique, en raison des émissions de CO2 auxquels ils procèdent. Dans ces domaines, les choix des collectivités locales sont déterminants, notamment en fonction de leurs options énergétiques en ce qui concerne les constructions, les réhabilitations et les aménagements publics. Il en est de même en matière de politique des transports et de circulation en ville.
Au moment où l'opinion publique redouble d'attention en termes de respect de l'écologie et du développement durable, nombreux sont les élus locaux qui attendent désormais de l'Etat qu'il progresse, à son tour, dans le domaine de la protection de l'environnement, en mettant en oeuvre, par exemple, des dispositions fiscales innovantes en faveur des collectivités.
Je souhaite donc savoir si le Gouvernement envisage de prendre en considération les réflexions et les propositions, qui sont menées à divers niveaux, visant à instaurer une bonification de la DGF réellement incitative en faveur des collectivités respectueuses de l'environnement et pouvant se prévaloir d'un bilan global en matière d'émission de CO2, bilan qui pourrait, dans un premier temps, se fonder sur le nombre de logements et d'équipements existants dans une collectivité rapporté à leur consommation énergétique.
Monsieur le ministre, qu'envisagez-vous pour aider financièrement la démarche environnementale des villes attentives au défi que constitue aujourd'hui l'écologie ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'aménagement du territoire.
M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Monsieur le député, vous exprimez le souhait légitime de promouvoir la lutte contre la pollution atmosphérique.
Vous le savez, le Gouvernement l'a très largement inscrite au rang de ses priorités. Ainsi, avec 500 actions réparties en dix programmes, la Stratégie nationale de développement durable a organisé sur cinq ans - de 2003 à 2008 - un véritable plan de bataille pour réduire les atteintes à l'environnement en contribuant notamment à limiter les effets du changement climatique.
Aujourd'hui, trois ans et demi après son lancement, le dispositif français de gouvernance du développement durable est en état de marche : la Charte de l'environnement a été promulguée le 1er mars 2005, un Conseil national du développement durable est en place et un délégué interministériel coordonne un réseau de hauts fonctionnaires du développement durable.
Par ailleurs, la France respecte les objectifs du protocole de Kyoto. En effet, ses émissions de dioxyde de carbone, le principal gaz à effet de serre, ont été ramenées à un niveau inférieur à celui de 1990 alors que, depuis cette date, la croissance économique française a été de 25 %. Ainsi, par habitant, nous émettons 20 % de CO2 de moins que la moyenne des pays européens.
De plus, non seulement la France est le premier producteur d'énergies renouvelables en Europe, mais son avance s'accentue : la capacité de production d'électricité éolienne a été multipliée par quatorze et, fortement appuyée par l'État, la fabrication de biocarburants progresse avec la création de nouvelles usines de production de diester ou de bioéthanol et le développement de filières technologiques dans plusieurs pôles de compétitivité.
Les actions lancées dans le cadre de la loi de programme sur les orientations de la politique énergétique du 13 juillet 2005 ont également permis de mettre en place et de renforcer plusieurs dispositifs visant à inciter les particuliers à investir dans des équipements énergétiquement performants.
Le Gouvernement souhaite naturellement que les collectivités locales puissent s'associer à cette démarche.
Ainsi, la loi de finances rectificative ouvre aux collectivités la possibilité d'utiliser des huiles végétales pures comme carburant dans leurs flottes automobiles. Elle leur ouvre également la possibilité d'exonérer temporairement de tout ou partie de la taxe foncière les logements économes en énergie.
Une concertation a par ailleurs été récemment engagée avec l'Association des maires de France pour définir comment les communes pourraient, par exemple, offrir aux propriétaires de certains véhicules propres un tarif de stationnement privilégié et leur réserver une voie de circulation spécifique.
En revanche, la poursuite de cet objectif ne me semble pas passer par un réaménagement de la DGF. Celle-ci poursuit en effet deux objectifs : d'abord, assurer la stabilité et la prévisibilité des budgets locaux au moyen de dotations forfaitaires réparties sur la base de critères objectifs et facilement mesurables, tels que, pour les communes, par exemple, la population et la superficie ; ensuite, favoriser la péréquation entre les collectivités, laquelle constitue désormais un objectif de valeur constitutionnelle. Pour ce faire, la répartition des dotations de péréquation repose sur des critères représentatifs des ressources et des charges de chacune des catégories de collectivités.
Ainsi que l'a rappelé à plusieurs reprises le comité des finances locales, l'utilisation de la DGF comme instrument d'incitation pour la mise en oeuvre de telle ou telle politique - quelle que soit, par ailleurs, la légitimité de celle-ci - présente deux inconvénients. D'une part, cela constituerait une forme de retour en arrière par rapport à l'évolution de la DGF vers une dotation globale et libre d'emploi, respectueuse de la libre administration des collectivités territoriales ; d'autre part, la multiplication des critères de la DGF comporte le risque de rendre sa répartition plus complexe et moins fiable. Or vous savez que l'administration dispose d'un temps limité entre le vote de la loi de finances, la répartition de la DGF par le comité des finances locales et sa notification à chaque collectivité pour que celle-ci puisse établir son budget dans les délais légaux et sans risque d'erreur. On doit donc toujours arbitrer entre la sécurité et l'exhaustivité.
Vous pouvez constater, monsieur le député, que le Gouvernement s'est résolument engagé dans la politique de réduction des émissions de CO2, et il souhaite que les collectivités territoriales puissent s'y associer pleinement. Même si la DGF ne constitue pas l'instrument adéquat pour les y encourager, je ne doute pas que les collectivités, conscientes de notre responsabilité collective en la matière, continueront de s'impliquer dans ce domaine.
Au-delà de mon propos sur la DGF, j'ajoute que votre question démontre que nous partageons la même conviction, monsieur le député, sur le rôle que peuvent jouer les collectivités dans la baisse des émissions de CO2. La loi de finances rectificative offre en effet la possibilité aux communes, notamment, d'utiliser, entre autres, les nouveaux biocarburants. Par ailleurs, les contrats de projet 2007-2013 comportent des volets qui touchent au développement durable et à la compétitivité des territoires en matière de plateformes logistiques, de transports en commun en site propre ou de modes de transport alternatifs au transport routier - à ce propos, je vous rappelle que les transports de marchandises représentent aujourd'hui 27 % des émissions de gaz à effet de serre en France, et c'est celui des facteurs qui arrive en tête. Dans le cadre de ces contrats de projet, l'État mettra à la disposition des régions qui le souhaitent des moyens d'investissement considérables pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre.
Pour qui est du développement durable, le volet territorial propose des aides à l'investissement et concerne plutôt les communes les plus petites et les communes rurales qui souhaitent construire des bâtiments publics aux normes haute qualité environnementale, HQE, ou lancer des projets respectueux de l'environnement tels les chaudières à bois dans les écoles et les systèmes impliquant l'énergie solaire.
Nous ne nous contredisons pas, monsieur le député, même si je ne pense pas que le recours à la DGF réponde à votre question légitime. Nous devons réfléchir à d'autres outils qui existent ou qui restent à définir. Ainsi, c'est davantage par une aide à l'investissement et à l'équipement en matière d'isolation, de production d'énergies renouvelables qu'on aidera les collectivités les plus petites et économiquement les plus faibles. Les conseils généraux et les conseils régionaux peuvent d'ailleurs compléter ces aides. Le président du conseil général des Alpes-Maritimes, que je connais bien (Sourires), propose ainsi à toutes les communes de son département qui aménagent des bâtiments aux normes HQE de majorer de 20 % les subventions à leurs équipements publics par rapport aux critères traditionnels.
Je suis donc prêt à pousser le ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire à renforcer l'aide qu'il peut apporter grâce au fonds national de l'aménagement du territoire, grâce aux dotations globales d'équipement, ou encore grâce à l'accompagnement des aménagements publics des communes. Il s'agit de définir de quelle manière les inciter à investir dans des équipements favorisant la réduction des émissions de gaz à effet de serre, sachant que, ainsi que l'estime le comité des finances locales, le recours à la DGF reposerait sur des critères beaucoup trop complexes et risquerait de créer des déséquilibres entre les collectivités.
M. René Rouquet. Je vous remercie pour cette réponse, monsieur le ministre.

Données clés

Auteur : M. René Rouquet

Type de question : Question orale

Rubrique : Collectivités territoriales

Ministère interrogé : intérieur et aménagement du territoire

Ministère répondant : intérieur et aménagement du territoire

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 9 janvier 2007

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