conchyliculture
Question de :
M. Didier Quentin
Charente-Maritime (5e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Didier Quentin appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales sur les difficultés rencontrées par les conchyliculteurs suite au naufrage du Prestige. Même si la pollution du Prestige n'a pas touché la zone de production charentaise-maritime, il n'empêche que les ventes, en volume, ont baissé de 40 à 50 %, et que cette situation s'observe aussi bien sur le littoral atlantique que sur les marchés de métropoles régionales. De plus, les cours sont également en chute libre avec des baisses de prix de vente de l'ordre de 20 à 30 %. En raison des pertes financières déjà enregistrées, les exploitants en culture marine souhaitent un gel des échéances fiscales et des charges sociales, ainsi que le report des échéances des prêts bancaires jusqu'à l'indemnisation de leurs pertes. De plus, la profession est confrontée à de nouvelles réglementations européennes, en matière de sécurité alimentaire, pour la mise aux normes des cabanes ostréicoles, qu'elle ne pourra financer devant l'ampleur de la crise. C'est pourquoi il lui demande les mesures urgentes qu'il envisage de prendre pour pérenniser cette activité importante du littoral charentais-maritime.
Réponse en séance, et publiée le 26 mars 2003
CONSÉQUENCES DU NAUFRAGE DU PRESTIGE
POUR LES CONCHYLICULTEURS CHARENTAIS
M. le président. La parole est à M. Didier Quentin, pour exposer sa question n° 219, relative aux conséquences du naufrage du Prestige pour les conchyliculteurs charentais.
M. Didier Quentin. Monsieur le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, permettez-moi d'appeler votre attention sur les difficultés actuellement rencontrées par les conchyliculteurs, en particulier ceux du bassin de Marennes-Oléron.
Même si la pollution du Prestige n'a pas touché directement les zones de production, notamment celles de la Charente-Maritime, les ventes, en volume, ont sensiblement baissé. Les prix subissent également des baisses de l'ordre de 20 à 30 %, dans la grande distribution comme sur les marchés traditionnels.
Par ailleurs, les conchyliculteurs sont très préoccupés par un nouveau projet de règlement sanitaire d'origine communautaire qui devrait être adopté au plus tard à la fin de cette année. Ce projet de règlement propose en effet de retenir un nouvel indicateur de la qualité virale des produits : le bactériophage. Il semble que cet indicateur soit d'une fiabilité contestable au regard du critère de qualité en vigueur - E. Coli - applicable au milieu marin et aux produits de la mer. Cette modification imposerait aux conchyliculteurs une évolution totalement irréaliste des pratiques de purification qui aurait de graves conséquences économiques, et peut-être même écologiques. Ces mesures sanitaires plus contraignantes obligeraient à réaliser de nouveaux bâtiments, en particulier des bassins de stockage, ce qui serait incompatible avec la loi littoral.
Si cette réglementation venait à être adoptée, elle pourrait provoquer la disparition de plus de deux mille entreprises conchylicoles familiales et artisanales, éléments essentiels du tissu économique littoral, au profit d'une hypothétique conchyliculture de type industriel. Celle-ci impliquerait une baisse de la qualité gustative des produits sans garantir pour autant au consommateur une meilleure sécurité alimentaire, puisque la situation actuelle est optimale.
Enfin, dans ce contexte déjà difficile, les entreprises de pêche et de conchyliculture doivent faire face à une hausse du gazole, dont le prix est revenu au niveau d'il y a trois ans. Il est donc urgent de mettre en place un dispositif spécifique permettant un lissage de ce prix, qui serait compris dans une fourchette de 0,20 EUR à 0,30 EUR le litre, assurant l'équilibre des comptes des exploitations en difficulté.
C'est pourquoi je vous interroge sur les mesures que vous entendez mettre en oeuvre pour aider les conchyliculteurs à franchir cette mauvaise passe de baisse des ventes et des cours consécutive à la pollution médiatisée du Prestige.
Je souhaite également que vous précisiez votre position sur ce projet de règlement communautaire qui, dans sa rédaction actuelle, risque d'être dévastateur et de faire disparaître les deux tiers des établissements d'expédition.
Enfin, monsieur le ministre, je vous serais reconnaissant de m'indiquer le dispositif que vous entendez mettre en place pour éviter d'excessives hausses du prix du gazole, préjudiciables aux marins-pêcheurs et aux conchyliculteurs.
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.
M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Monsieur le député, les trois préoccupations dont vous avez fait état sont très vives sur tout le littoral, en particulier sur la côte atlantique. Je tiens donc à vous apporter des réponses précises.
En ce qui concerne les conséquences économiques de la pollution consécutive au naufrage du pétrolier Prestige, l'Etat a décidé de mettre en place, au bénéfice des conchyliculteurs, un dispositif d'aide qui comporte plusieurs volets.
D'abord, afin de soutenir la trésorerie des entreprises, sont prévus pour les conchyliculteurs et, au cas par cas, pour les pêcheurs, notamment de coquillages, l'exonération de 50 % des cotisations sociales dues au titre du premier trimestre de 2003, l'étalement du paiement du solde sur le reste de l'année, ainsi que l'exonération de la redevenance domaniale au titre de cette même année.
Ensuite, un dispositif d'aide aux jeunes chefs d'entreprise, sous forme de rééchelonnement des prêts ou de subventions, sera mis en place par le ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.
Par ailleurs, en vue de permettre une meilleure commercialisation des produits conchylicoles, l'Etat, sous l'égide de la DGCCRF, va organiser dans les prochains jours avec la grande distribution, les producteurs et les administrations concernées, une table ronde sur les circuits et les conditions de commercialisation des produits conchylicoles, notamment les huîtres.
Enfin, pour répondre à un aspect du problème que vous avez très fortement souligné, une campagne de communication sera organisée sous l'égide du ministère, avec la participation des professionnels et des collectivités locales, afin de restaurer l'image des productions marines, notamment des huîtres. En effet, ce problème d'image pénalise globalement la filière alors qu'il n'y a aucun problème sanitaire ni gustatif.
Ces différentes mesures vont principalement concerner les régions touchées par une fermeture administrative liée à la pollution des zones conchylicoles, mais certaines d'entre elles, auront également un impact positif sur l'ensemble de la filière.
Pour ce qui est du projet d'entrée en vigueur de nouvelles normes communautaires en matière de sécurité alimentaire, lesquelles concernent aussi les coquillages, et les investissements que cela pourrait imposer aux entreprises de la filière, je tiens à vous indiquer que les propositions actuelles de la Commission me semblent très excessives. En effet, elle propose un nouvel indicateur de présence de virus ou autres bactéries pathogènes pour les consommateurs. Cet indicateur serait, selon les études du laboratoire communautaire de référence sur ces questions, un laboratoire britannique, mieux corrélé aux virus. Néanmoins, la conséquence pratique serait de porter de deux jours à une semaine la durée du passage en bassin d'épuration des produits en provenance des zones classées en qualité B.
Les conséquences de l'introduction de ce critère seraient donc que les 1 218 centres de purification concernés, soit environ un tiers des établissements conchylicoles français, devraient réformer leurs pratiques et investir dans des moyens permettant de traiter les coquillages pour une telle durée : augmentation de la capacité des bassins de purification, en taille et en nombre, systèmes de maîtrise de la température et de la qualité de l'eau.
Le ministère de l'agriculture et de la pêche est donc en plein accord avec les professionnel et l'IFREMER pour considérer ces propositions de la commission comme excessives. C'est pourquoi, au vu des arguments scientifiques avancés, notamment par l'IFREMER, la France a finalement décidé de contester la proposition de critères de la commission, et je suis pour ma part fermement décidé à rechercher les éléments d'une stratégie pour que le respect des exigences sanitaires ne se traduise pas par des excès de précautions nuisant à la santé économique de la filière.
S'agissant de votre troisième question, relative au prix du carburant utilisé par les professionnels de la pêche et de la conchyliculture, je suis bien évidemment, comme vous, très attentif à l'évolution qu'il a subie au cours des derniers mois. Je sais en effet qu'il constitue un poste de charge très important dans les comptes de résultats de ces entreprises, et qu'il a un impact direct et immédiat sur le niveau de rémunération des marins-pêcheurs. Toutefois - et les variations de ces derniers jours le démontrent -, nous sommes face à une situation très volatile dans la mesure où l'augmentation récente relève de comportements spéculatifs et n'a pas de justification solide en termes de déséquilibre entre l'offre et la demande. J'ajoute que les événements que nous déplorons actuellement au Moyen-Orient ne nous donnent guère de visibilité sur ce sujet.
Sachez, monsieur le député, que nous suivons ce dossier jour après jour, en liaison avec les organisations professionnelles concernées. Les 17 et 18 mars derniers, au conseil des ministres de l'agriculture et de la pêche, à Bruxelles, j'ai engagé une démarche auprès de l'Union européenne pour examiner les conséquences d'une telle situation et envisager la mise en oeuvre de mesures d'accompagnement des secteurs touchés, en conformité avec le droit communautaire.
Tels sont, monsieur le député, les éléments de réponse que je voulais vous donner.
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères. Très bien ! C'est clair !
M. le président. La parole est à M. Didier Quentin.
M. Didier Quentin. Je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, de ces réponses très précises.
La conchyliculture est un beau métier, très exigeant, et, surtout, essentiel pour l'activité économique du littoral. Il importe de tout faire, et je sais que vous vous y employez, pour ne pas décourager les conchyliculteurs, ne pas dissuader les jeunes de s'installer, et éviter que de magnifiques paysages ne soient transformés en vastes friches ostréicoles.
Vos propos m'ont rassuré. J'espère qu'ils auront le même effet sur les professionnels de la mer, auxquels j'aurai à coeur de les rapporter lors du prochain salon national de l'ostréiculture, qui se tiendra à La Tremblade, dans ma circonscription.
Auteur : M. Didier Quentin
Type de question : Question orale
Rubrique : Aquaculture et pêche professionnelle
Ministère interrogé : agriculture, alimentation et pêche
Ministère répondant : agriculture, alimentation et pêche
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 17 mars 2003