SNCF
Question de :
M. Michel Dasseux
Dordogne (1re circonscription) - Socialiste
M. Michel Dasseux interroge M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer sur les dysfonctionnements nuisant à la qualité du service public ferroviaire dont la cause est de toute évidence le désengagement de la SNCF sur des axes interrégionaux ou nationaux comme le prouve la multiplication des retards sur l'axe Agen-Paris alors que la tarification ne cesse de croître et la modernisation entravée de l'axe Bordeaux-Lyon par la réticence de la SNCF à financer le surcoût nécessaire à celle-ci. Le budget 2003 laisse envisager la suppression de plus de 2 000 postes à la SNCF ; le Gouvernement abandonne l'objectif de doublement du fret, c'est dire la lutte contre le « tout-camions ». Il l'interroge sur le désengagement de la SNCF sur des lignes, soit disant non rentables, au risque de mettre en cause les missions de ce service public, cela au détriment des usagers et des bassins économiques locaux.
Réponse en séance, et publiée le 26 mars 2003
MAINTIEN DES MISSIONS DE SERVICE PUBLIC DE LA SNCF
M. le président. La parole est à M. Michel Dasseux, pour exposer sa question n° 225 relative au maintien des missions de service public de la SNCF.
M. Michel Dasseux. La question de Michel Roumegoux m'a particulièrement intéressé. En effet, la Dordogne, tournée vers Limoges, souhaite ardemment que ce train pendulaire soit mis en service. Nous aurons donc ici un débat intéressant qui transcendera les clivages politiques.
Des inquiétudes légitimes se font jour quant au maintien de la qualité du service public ferroviaire. Dans ma circonscription, de nombreux usagers ainsi que les cheminots, très nombreux en Dordogne, m'ont alerté sur la présence de multiples dysfonctionnements dont la cause est de toute évidence le désengagement de ce que nous continuons à appeler la SNCF. Ainsi l'axe Bordeaux-Lyon voit-il sa rénovation menacée parce que la SNCF est réticente à financer le surcoût nécessaire à cette réalisation et cherche notamment à faire subir la charge de la rénovation des rames turbotrain aux régions concernées. Ces collectivités sont incapables de supporter cette nouvelle charge. L'application du protocole signé par l'Etat, Réseau ferré de France, la SNCF et les quatre régions concernées - Aquitaine, Limousin, Auvergne et Rhône-Alpes - et portant sur la modernisation de cet axe se trouve de fait remise en cause. Cette ligne transversale semble pourtant d'un intérêt majeur pour l'aménagement du territoire.
Ma question est simple : le Gouvernement va-t-il faire en sorte que la modernisation des axes Bordeaux-Lyon et Bordeaux-Paris devienne effective - vous avez répondu en partie tout à l'heure pour le pendulaire, monsieur le secrétaire d'Etat, - ou va-t-il au contraire favoriser le désengagement de la SNCF sur ces lignes, au risque de mettre en cause les missions de ce service public au détriment des usagers et des bassins économiques locaux ? La question se pose tout particulièrement à l'heure où le Gouvernement envisage, d'une part, le gel de 1 000 embauches et le non-remplacement de plus de 1 200 départs à la retraite au sein de la SNCF et, d'autre part, l'abandon de l'objectif de doublement du fret pour 2010, donc de la lutte contre le « tout-camions » engagée par le gouvernement précédent.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Avant de répondre plus directement à votre question, monsieur le député, je voudrais rebondir sur les dernières phrases de votre question. A partir du moment où une entreprise perd beaucoup d'argent, il est normal qu'elle veille à ne pas trop embaucher. N'importe quel chef d'entreprise dans cette situation aurait la même attitude ! Je ne vois pas pourquoi un président d'entreprise publique dont les comptes sont dans le rouge ne serait pas attentif pour éviter de les plomber un peu plus, d'autant que c'est finalement le contribuable qui paie.
Quant au doublement du fret, c'était un objectif merveilleux que j'ai naturellement approuvé en tant que parlementaire de l'opposition. Cela dit, Gilles de Robien et moi-même avons été obligés de constater en arrivant que, pendant deux années de suite, la SNCF non seulement ne gagnait pas de parts de marché dans ce domaine, mais elle en perdait et que ses performances diminuaient. Le Gouvernement a donc demandé un rapport sur le fret aux sénateurs Haenel et Gerbaud, et le président Gallois, pour son nouveau mandat, doit « mettre le paquet » sur le fret. Cela dit, on peut se fixer une telle priorité sans pour autant avoir des objectifs irréalistes et intenables, même s'ils partent d'un bon sentiment.
J'en reviens à l'axe Bordeaux-Lyon. C'est une affaire compliquée. Vous avez évoqué à juste titre les turbotrains. Ces trains, dotés d'une turbine à gaz et qui ont maintenant une trentaine d'années, ont été utilisés au départ sur les liaisons avec la Normandie. Ils ont mal vieilli et les régions ainsi que la SNCF se sont penchées sur leur modernisation. De plus se pose un problème de capacité. En fin de semaine, par exemple, la SNCF est obligée de mettre en service des trains Corail sur Bordeaux-Lyon et, comme il y a de nombreux rebroussements, cela implique des manoeuvres, donc des temps de parcours allongés à un moment où les voyageurs sont plus nombreux. C'est une difficulté que la SNCF rencontre sur la ligne Bordeaux-Lyon comme sur d'autres grandes transversales, d'ailleurs.
Cette situation est préoccupante. Les principes établis dans la loi d'orientation des transports intérieurs, la LOTI, qui est un texte de référence pour l'ensemble des partenaires, impliquent en effet que les missions de service public assurées par la SNCF s'équilibrent dans le cadre de l'ensemble de son activité grandes lignes. Je précise que cela ne concerne ni les services régionaux de voyageurs, les TER, pour lesquels la région Aquitaine fait un remarquable travail, ni ceux d'Ile-de-France, qui font l'objet de contractualisations très spécifiques. La SNCF examine actuellement au cas par cas la situation de chacune de ces grandes lignes transversales. Il n'est pas question pour elle d'envisager un désengagement, mais il faut trouver des solutions spécifiques.
Quelles sont ces solutions ? Nous en parlerons également le 13 mai, puisque c'est un problème national. Il serait bon d'y intéresser les régions traversées, comme cela avait d'ailleurs été envisagé. Je connais la ligne Bordeaux - Lyon car elle ne passe pas très loin de chez moi. Les clients qui prennent le train à Bordeaux pour aller jusqu'à Lyon sont assez rares. La plupart des passagers vont de Périgueux à Sarlat, font de petits parcours - on peut même parler de « cabotage ferroviaire ». La solution peut passer par une meilleure articulation entre les dessertes TER et grandes lignes. Nous devons veiller à ce que la SNCF réponde aux exigences du service public, puisque c'est bien de cela qu'il s'agit aujourd'hui, et non de gagner de l'argent, et trouver des solutions pour financer le déficit d'exploitation.
S'agissant de la ligne Bordeaux - Lyon, les régions concernées étaient convenues de réaliser des efforts conjoints pour rénover le matériel roulant. Or les coûts de rénovation envisagés sont beaucoup plus élevés que prévu. Il faut donc que les partenaires se réunissent à nouveau pour trouver une solution. Cela dit, je le répète très clairement devant l'Assemblée, on ne peut pas demander en permanence à la SNCF d'exploiter des lignes sur lesquelles elle perd de l'argent. Il faut considérer que c'est un enjeu d'aménagement du territoire. Naturellement, l'Etat peut jouer un rôle par l'intermédiaire d'une contractualisation, mais les régions traversées doivent également faire un effort pour assurer la pérennité de la ligne sans remettre en cause la situation financière de l'entreprise. Je suis ravi de votre question, monsieur le député, car Bordeaux-Lyon est l'exemple type d'une ligne d'aménagement du territoire pour laquelle nous devons trouver ensemble une solution.
M. le président. La parole est à M. Michel Dasseux.
M. Michel Dasseux. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de cette réponse. Vous avez parlé d'un audit. Celui qui a été réalisé en Aquitaine montre que le TGV n'est pas prioritaire dans ce secteur, mais nous en discuterons le 13 mai.
Egoïstement, je ne parlerai que des habitants de la Dordogne. Comment font-ils pour se rendre à Lyon ? Ils n'ont que le Bordeaux-Lyon pour cela. Certes, l'A 89 sera opérationnelle en 2005, 2006 ou 2007, mais la rénovation de cette ligne permettrait aux opérateurs économiques qui veulent travailler sur notre secteur de joindre le sillon rhodanien. J'espère donc que ce projet n'est pas enterré.
Auteur : M. Michel Dasseux
Type de question : Question orale
Rubrique : Transports ferroviaires
Ministère interrogé : équipement, transports et logement
Ministère répondant : équipement, transports et logement
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 24 mars 2003