maintien
Question de :
M. Pierre Lellouche
Paris (4e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Pierre Lellouche souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur la prolifération de « salons de massage » thaïlandais dans certaines rues du 9e arrondissement de Paris. Ces prétendus « salons » servent de façade à des opérations de prostitution et sont, par ailleurs, tenus par de véritables mafias. Certains de ces salons se trouvent à proximité directe d'écoles, comme c'est le cas rue Rodier. Dans ce seul quartier, Rodier - Tour d'Auvergne, on a ainsi pu dénombrer près d'une dizaine de « commerces » de ce genre ces deux dernières années. Il souhaite donc lui demander si, au-delà des mesures utiles votées tout récemment dans le cadre de l'article 18 de son projet de loi sur la sécurité intérieure, il ne serait pas utile de revoir le dispositif de la loi de 1947 interdisant les maisons closes. Devant le détournement manifeste de ce texte, ne serait-il pas nécessaire de compléter ladite loi soit par un nouveau texte législatif, soit par des dispositions réglementaires ? Il est aujourd'hui urgent de répondre à l'inquiétude de très nombreux Parisiens qui ne supportent plus la multiplication de ces maisons closes d'un nouveau type. Il faut, en effet, tout faire pour éviter une explosion de ce genre de pratique et qu'apparaissent, à Paris comme dans nos grandes villes, de véritables quartiers de prostitution masquée qui engendreraient nuisances et insécurité chez les riverains.
Réponse en séance, et publiée le 30 avril 2003
DÉVELOPPEMENT DE LA PROSTITUTION MASQUÉE
DANS LE IXe ARRONDISSEMENT DE PARIS
M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche, pour exposer sa question, n° 283, relative au développement de la prostitution masquée dans le IXe arrondissement de Paris.
M. Pierre Lellouche. Je voudrais, au lendemain du vote de la loi sur la sécurité intérieure, appeler l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur le développement d'une forme un peu particulière de la prostitution à Paris.
Nous y voyons apparaître, notamment dans le IXe arrondissement, pour des raisons que j'ignore - sans doute la nouvelle Athènes ? -, une multitude de salons asiatiques ou thaïlandais dits « salons de relaxation » qui servent de façade à peine transparentes à des opérations de prostitution. Tout cela pourrait prêter à sourire si ces établissements n'étaient gérés par de véritables mafias organisées qui y conduisent de malheureuses filles le matin pour les reprendre le soir - je les ai vues faire - et s'ils n'étaient situés en plein quartier résidentiel, souvent à proximité d'écoles ou de crèches.
Dans le seul quartier populaire de la rue Rodier et de la rue de la Tour-d'Auvergne, j'ai pu dénombrer au moins une dizaine de commerces de ce genre ; à croire le commissaire du IXe arrondissement, il en existerait au moins une quinzaine dans l'arrondissement.
J'ai pour ma part suivi avec beaucoup d'attention le travail de Nicolas Sarkozy et du Gouvernement sur la prostitution et la sécurité intérieure. L'article 18 de la loi a mis fin au racolage passif. Mais n'a-t-il pas eu pour conséquence, en chassant la prostitution de la rue, de l'enfermer dans des appartements ou dans des boutiques de ce genre ? N'a-t-on pas, au fond, déplacé le problème, n'est-on pas en train d'assister à une nouvelle forme de renaissance des maisons closes ?
Ma question se veut d'ordre essentiellement pratique. Je n'entends pas me poser en défenseur de je ne sais quelle rigueur morale, mais simplement en élu soucieux de l'ordre public et de la protection des habitants de ces quartiers de centre ville, et particulièrement des enfants. N'est-il pas temps de revoir la loi de 1947 sur les maisons closes et au besoin de la compléter ? Comment peut-on traiter efficacement ce genre de délit, sachant qu'il est souvent très difficile d'apporter la preuve du proxénétisme et que ces mafias sont très bien organisées ? Je reconnais que ce problème est des plus délicats.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux libertés locales.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Monsieur le député, vous vous faites à juste titre l'écho des préoccupations des habitants du IXe arrondissement de Paris, devant la prolifération des salons de « massage thaïlandais » et vous exprimez vos inquiétudes à cet égard.
Je puis vous assurer que les services de police, notamment ceux de la brigade de répression du proxénétisme, ont reçu instruction de suivre avec une attention toute particulière la situation des instituts de relaxation - une dizaine environ - implantés dans le IXe arrondissement, notamment rue Rodier et dans les rues adjacentes.
De longues investigations ont été menées dans le secteur puisque, il convient de le rappeler, des poursuites judiciaires ne sont envisageables, au titre du proxénétisme, que lorsque les faits de prostitution au sein de ces locaux sont établis.
Des résultats ont d'ores et déjà été obtenus. Ainsi, les surveillances exercées par les enquêteurs de la brigade de répression du proxénétisme ont récemment permis de mettre en évidence des activités de prostitution qui s'exerçaient dans trois établissements situés aux numéros 16 et 26 de la rue de la Tour-d'Auvergne et au numéro 28 de la rue Rodier.
A l'issue des enquêtes, au cours desquelles des perquisitions ont été effectuées, plusieurs interpellations ont été réalisées et ont donné lieu à l'ouverture d'informations pour proxénétisme aggravé.
Ces trois établissements, dont l'un est mitoyen d'un établissement scolaire et les deux autres sont situés à moins de cent mètres d'une école, ont fait l'objet, le 10 février dernier, d'une mesure de fermeture administrative.
En outre, comme vous le notez vous-même, des dispositions ont été récemment votées dans le cadre de la loi sur la sécurité intérieure. Elles s'inscrivent dans une politique globale de lutte contre le proxénétisme et, plus largement, contre la traite des êtres humains.
S'agissant de l'existence de prétendus salons de massage dissimulant de réelles activités de prostitution, les services enquêteurs peuvent aussi mettre en oeuvre les dispositions de l'article 225-10 (2°) du code pénal qui incriminent le proxénétisme hôtelier et le punissent de dix ans d'emprisonnement et de 750 000 EUR d'amende.
En conséquence, ces dispositions répressives interdisent la constitution de maisons closes : la loi ne permet pas d'évoluer vers ce système, et il suffit de l'appliquer. L'arsenal législatif apparaît donc adapté à la poursuite des faits de proxénétisme.
Sur un plan opérationnel, j'ajouterai pour conclure que Nicolas Sarkozy a décidé de doubler les effectifs de l'office central pour la répression de la traite des êtres humains. Dès le début du second semestre de cette année, les neuf gardiens de la paix et gradés et les quatre officiers de police dont le recrutement est en cours rejoindront leur poste. Un nouveau recrutement interviendra dans le courant de l'année prochaine.
Vous le voyez, monsieur le député, le Gouvernement est déterminé à agir fermement contre ce type de proxénétisme, qui ne sévit pas que dans votre arrondissement, mais celui-ci en est malheureusement un exemple et appelle une vigilance particulière.
M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche.
M. Pierre Lellouche. Je vous remercie, monsieur le ministre, de cette réponse. Vous avez bien relevé à quel point ces établissements qui, pour certains, sont mitoyens de crèches, de haltes-garderies ou d'écoles, posent problème. Plus généralement, cet exemple montre la diversité des formes que revêt la prostitution dans une ville comme Paris. Il y a le problème très dur de la traite des femmes venant de Bulgarie ou d'Afrique, qui est traité dans la loi. Il y a ces problèmes nouveaux, soulevés par ce qui s'apparente à des maisons closes clandestines, et pour lesquels on peut espérer que le dispositif dont vous venez de nous parler donnera les résultats espérés. Et puis il y a les prostituées - j'allais dire les « bonnes Françaises de base » - qui paient leur impôts et font du racolage mais ne posent pas de problème. A ces trois formes de prostitution, il faut appliquer une politique adaptée, sans verser dans « l'ordre moral » mais sans ignorer ce qui est une réalité sociale.
Je vous fais confiance ainsi qu'à Nicolas Sarkozy pour que cette politique soit appliquée avec intelligence et avec le plus de souplesse possible.
Auteur : M. Pierre Lellouche
Type de question : Question orale
Rubrique : Ordre public
Ministère interrogé : intérieur
Ministère répondant : intérieur
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 28 avril 2003