coquilles Saint-Jacques
Question de :
M. Jean-Marc Lefranc
Calvados (5e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Jean-Marc Lefranc appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales sur la fermeture estivale de la pêche à la coquille Saint-Jacques en Manche Est. Il lui demande de bien vouloir répondre à l'inquiétude des pêcheurs normands au sujet de la pérennité des gisements en saisissant la Commission européenne en vue de faire intégrer dans le projet de réforme du règlement sur les mesures techniques d'encadrement de la pêche la fermeture estivale de la pêche de la coquille Saint-Jacques en Manche Est.
Réponse en séance, et publiée le 28 mai 2003
RÉGLEMENTATION COMMUNAUTAIRE
SUR LES PÉRIODES DE PÊCHE
DE LA COQUILLE SAINT-JACQUES DANS LA MANCHE
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Lefranc, pour exposer sa question, n° 369, relative à la réglementation communautaire sur les périodes de pêche de la coquille Saint-Jacques dans la Manche.
M. Jean-Marc Lefranc. Monsieur le ministre de l'agriculture, je souhaite attirer votre attention sur l'inquiétude des pêcheurs normands concernant la pérennité des gisements de coquilles Saint-Jacques en Manche Est.
Ce pectinidé représente, en effet, la première espèce en valeur des pêches maritimes de la Manche, et assure depuis des décennies, le maintien des pêcheries artisanales et des emplois embarqués. La qualité de ce produit, notamment en Manche Est, c'est-à-dire en zone VII d, lui a d'ailleurs valu d'obtenir, fin 2002, un label rouge, signe d'une réelle reconnaissance.
Les gisements de la Manche Est sont parmi les plus productifs. C'est le fruit d'une gestion rationnelle et raisonnée des ressources, mise en oeuvre depuis des années, en concertation avec les scientifiques et les professionnels, et aidée financièrement par les régions, notamment la Basse Normandie, qui, en ce domaine, a eu une démarche exemplaire. Ces gisements sont situés pourpartie à l'intérieur de notre bande côtière de 12 milles mais aussi au-delà, dans les eaux communautaires, hors de notre juridiction.
La pêche de ce coquillage sédentaire fait l'objet depuis vingt-trois ans, en Manche, d'un encadrement réglementaire voulu par les professionnels afin de donner à cette ressource un caractère durable. La base de cette réglementation, uniquement nationale, impose une fermeture saisonnière du 15 mai au 30 septembre de chaque année et résulte d'un arrêté ministériel de 1980.
Cette fermeture permet de limiter l'effort de pêche, d'assurer un repos biologique pendant la période de reproduction et de commercialiser ce produit aux périodes les plus favorables sur le marché du frais. Plusieurs centaines de navires de pêche artisanale assurent, grâce à cet encadrement, l'essentiel de leur chiffre d'affaires, la rentabilité des armements et une rémunération décente des marins pêcheurs.
Or un arrêt de la Cour de justice européenne est venu remettre en cause l'interdiction de la pêche et du débarquement estival, dès lors que le produit est pêché en dehors de nos eaux de juridiction. Certains navires, ressortissant des Etats membres de l'Union européenne, seraient donc susceptibles d'effectuer des pêches en Manche-Est, pendant que nos pêcheurs, soumis à l'arrêté de 1980, respecteraient ce repos biologique essentiel à la reproduction et à la gestion durable de cette espèce.
Que vont faire les pêcheurs français ? Ils ne peuvent acepter d'être de simples observateurs, et nous pouvons craindre qu'une grande partie d'entre eux, notamment les unités les plus importantes, continuent la pêche après le 15 mai. Ils pourront en effet débarquer, en toute légalité, dans un autre pays de l'Union, particulièrement en Angleterre, et rapatrier sous une forme ou une autre le produit de leur pêche. Or ces pratiques auront des conséquences désastreuses sur le plan économique et social. Et les gisements gérés en concertation avec les professionnels et les scientifiques risquent, en peu de temps, de n'être plus qu'un souvenir.
Cela va signifier, en premier lieu, la disparition des petites unités qui représentent 80 % de notre flotille et qui, pour des raisons de capacité de navigation, de catégorie et de sécurité, ne pourront débarquer outre-Manche. De facto, depuis le 15 mai, elles sont dans l'impossibilité de pêcher et, au mois d'octobre prochain, lors de l'ouverture autorisée par l'Etat français, les gisements risquent d'être épuisés. Or la pêche à la coquille Saint-Jacques reste, pour beaucoup de ces petites unités, la seule possibilité de survie. Devant la raréfaction des autres espèces halieutiques, nous devons savoir qu'elles sont irrémédiablement condamnées.
En second lieu, le marché de la coquille Saint-Jacques sera totalement désorganisé avec une vente à bas prix d'un produit d'une qualité reconnue et dont la majeure partie ira soit à la transformation, soit à la congélation.
La direction des pêches maritimes souhaite donc interdire le débarquement estival sur le territoire national à l'aide de la règle d'extension de discipline des organisations de producteurs français et je m'en félicite.
Malgré cela, ces mesures seront insuffisantes, notamment parce que les relations transmanche sont importantes et rapides et parce que nombre de nos ressortissants n'auront d'autre solution que de s'engager dans ces nouvelles pratiques de pêche.
Monsieur le ministre, les pêcheurs ont unanimement salué votre détermination, votre efficacité et les résultats que vous avez obtenus lors des négociations sur la réforme de la politique commune des pêches. Aujourd'hui, ce sont les pêcheurs normands qui souhaitent votre appui. Ils aimeraient savoir dans quelle mesure le gouvernement français pourrait rapidement saisir la Commission européenne en vue de faire intégrer dans le projet de réforme du règlement sur les mesures techniques d'encadrement de la pêche, la fermeture estivale de la pêche à la coquille Saint-Jacques en Manche-Est.
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.
M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Monsieur le député, comme vous, je connais l'importance de la coquille Saint-Jacques pour les pêches maritimes de la Manche, importance que j'ai pu mesurer par moi-même à l'occasion de ma visite chez vous, à Port-en-Bessin. Je connais également le travail exemplaire qu'élus, scientifiques et professionnels mènent ensemble pour valoriser cette filière et garantir la qualité de la production. L'attribution d'un label rouge à la fin de l'année dernière en témoigne.
Comme vous l'avez rappelé, la Cour de justice des Communautés européennes a, le 16 janvier dernier, jugé contraire au droit communautaire un arrêté du 19 mars 1980 qui fixait une période de fermeture de la pêche de la coquille Saint-Jacques du 15 mai au 30 septembre.
Conformément au souhait de la profession, notamment des pêcheurs travaillant en Manche, j'ai donc pris, le 12 mai 2003, un nouvel arrêté portant réglementation de la pêche de la coquille Saint-Jacques ainsi qu'un arrêté modifiant la licence de pêche obligatoire pour capturer cette espèce.
Le nouvel arrêté prévoit que les navires de pêche français ne sont pas autorisés à pêcher la coquille Saint-Jacques dans les eaux sous souveraineté ou juridiction française entre le 15 mai et le 30 septembre de chaque année. Cette période d'interdiction correspond à un objectif de conservation et de protection de cette espèce, puisque la reproduction des coquilles a lieu pendant l'été. Cette mesure permet ainsi une gestion adéquate du stock pour une pêche durable.
De plus, il est essentiel de conserver l'encadrement de la pêcherie de coquilles Saint-Jacques qui revêt un caractère sensible du fait du tonnage débarqué, de la valeur qui en découle et du nombre de navires concernés puisque les navires pêchant la coquille Saint-Jacques sont des petites unités côtières.
Ces deux textes mettent le dispositif de fermeture estivale en conformité avec la règlementation communautaire dans le cadre de la nouvelle politique commune de la pêche adoptée en décembre dernier à laquelle nous avez fait référence. Ils permettent ainsi de conserver cette fermeture, justifiée par des nécessités biologiques, et répondent à la légitime inquiétude des pêcheurs normands quant à la pérennité des gisements.
En outre, en vue de rendre le dispositif d'encadrement pleinement efficace, je vais saisir la Commission européenne ainsi que les Etats membres concernés afin que cette interdiction de pêche du 15 mai au 30 septembre soit opposable à tous les navires pêchant dans les eaux territoriales françaises.
Pour ce qui concerne la zone située au-delà de nos eaux territoriales, il est nécessaire de prendre la dimension de toutes les conséquences de mesures communautaires de gestion que nous serions appelés à solliciter auprès de la Commission, non seulement pour nos propres flotilles, mais également pour les navires des autres Etats membres susceptibles de fréquenter ces zones de pêche. Je suis naturellement prêt à relayer auprès des instances communautaires une demande allant en ce sens, et il me paraît nécessaire au préalable, pour qu'elle prenne tout son sens, que cette proposition fasse l'objet d'une examen approfondi et d'une formalisation définitive par le Comité national des pêches maritimes et des élevages marins.
Voilà, monsieur le député, les quelques éléments d'information que je voulais vous apporter.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Lefranc.
M. Jean-Marc Lefranc. Monsieur le ministre, je tiens à saluer votre réactivité sur ce dossier sensible et à vous remercier d'avoir pris ces arrêtés qui vont garantir, pour fort longtemps, je l'espère, le maintien de nos flottilles, et surtout, des emplois embarqués.
Auteur : M. Jean-Marc Lefranc
Type de question : Question orale
Rubrique : Aquaculture et pêche professionnelle
Ministère interrogé : agriculture, alimentation et pêche
Ministère répondant : agriculture, alimentation et pêche
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 26 mai 2003