protection
Question de :
M. Pierre Goldberg
Allier (2e circonscription) - Député-e-s Communistes et Républicains
M. Pierre Goldberg attire l'attention de M. le ministre de la culture et de la communication sur la richesse du patrimoine religieux. Dans sa circonscription, nombre de communes disposent d'églises romanes remarquables, classées monument historique, notamment les communes de Néris-les-Bains, Iluriel, Saint-Désiré, La Chapclaude, Colombier et bien sûr Montluçon. Les responsables du tourisme proposent des circuits autour du patrimoine religieux, tant les divers édifices sont intéressants aussi bien par leur architecture que par les objets qu'ils présentent : statues, reliquaires, fresques. Par exemple, la commune de Colombier près de Commentry, qui compte 324 habitants, a accueilli au vie siècle saint Patrocle, qui a fondé un monastère. La construction de l'église prieurale débute au vie siècle et abrite le tombeau de saint Patrocle, qui devient un lieu de pèlerinage important. Ce splendide édifice, surmonté d'un clocher couvert de bandeaux, éléments caractéristiques de l'art romain du Berry, a été classé monument historique en 1928. La commune a fait, au fil des années, de nombreux efforts pour maintenir ce patrimoine exceptionnel en bon état. Elle doit maintenant entreprendre des travaux beaucoup plus importants sur cet édifice, dont le montant a été chiffré par un cabinet spécialisé à 1 168 000 euros. Nombre de communes sont dans la même situation. Les petites communes ne peuvent assurer l'entretien d'un tel patrimoine de mise en valeur et la préservation des objets qui sont à l'intérieur. Les aides de l'Etat à l'appui des aides des collectivités locales départementales et régionales sont notoirement insuffisantes pour leur permettre d'entreprendre des travaux importants. Il lui demande donc que le patrimoine appartenant aux petites communes et classé monument historique fasse l'objet, de la part de l'Etat, d'une aide exceptionnelle permettant d'assurer son suivi et sa transmission aux générations à venir.
Réponse en séance, et publiée le 4 juin 2003
COÛT DE LA PRÉSERVATION
DU PATRIMOINE RELIGIEUX POUR LES COMMUNES
M. le président. La parole est à M. Pierre Goldberg, pour exposer sa question, n° 376, relative au coût de la préservation du patrimoine religieux pour les communes.
M. Pierre Goldberg. Monsieur le ministre, l'attaque de votre réponse précédente conviendrait à la question que je vais poser, non que je sois un adepte inconditionnel de la formule - je ne souhaite faire table rase que des méfaits du capitalisme (Sourires) -, mais, concernant les églises, on peut presque parler d'un danger de table rase.
Je souhaite en effet attirer votre attention sur une question que vous connaissez mieux que personne ici, celle de la richesse de notre patrimoine religieux et le problème de sa conservation. C'est vrai dans mon département comme dans le reste de la France. Je peux citer nombre de communes de ma circonscription qui disposent d'églises romanes remarquables, classées monuments historiques, et qui font l'objet de l'admiration de leurs nombreux visiteurs. Je ne sais si vous connaissez bien l'Allier. Je vous invite à visiter, si ce n'est déjà fait, la ville thermale de Néris-les-Bains, ou les communes d'Huriel, Saint-Désiré, La Chapelaude, Colombier, Montluçon. Des circuits touristiques sont organisés autour du patrimoine religieux tant il est intéressant, aussi bien par l'architecture des édifices que par leur décoration, statues, reliquaires, fresques. La commune de Colombier, par exemple, sise près de Commentry et qui compte 324 habitants, a accueilli au vie siècle saint Patrocle, qui y fonda un monastère. L'église prieurale, dont la construction a débuté au xie siècle, abrite le tombeau de saint Patrocle, qui est devenu un lieu de pèlerinage important. Ce splendide édifice, surmonté d'un clocher couvert de bardeaux, élément caractéristique de l'art roman du Berry, a été classé monument historique en 1928 - c'est ancien, si je puis dire ! La commune a consenti au fil des années de nombreux efforts pour maintenir, autant que faire se pouvait, ce patrimoine exceptionnel en bon état. Elle doit maintenant entreprendre dans ce but des travaux beaucoup plus importants, dont le coût a été évalué à près de 1,2 million d'euros par un cabinet spécialisé. Il faut mettre ce chiffre en rapport avec le budget de fonctionnement de la commune, qui est de 200 000 euros environ, et son budget d'investissement, qui est de 270 000 euros. Et nombre de communes, vous le savez, sont dans la situation que je viens brièvement de vous décrire.
Pouvez-vous me dire, monsieur le ministre, comment de petites communes, au budget si faible, pourraient assurer l'entretien d'un tel patrimoine ? Comment peuvent-elles mettre en valeur ce patrimoine architectural et préserver les objets qui l'ornent, et satisfaire ainsi les nombreuses demandes des visiteurs ? Les concours de l'Etat, à l'appui des aides des collectivités locales - départementales et régionales - sont, et ce n'est pas d'aujourd'hui, notoirement insuffisants pour permettre à de si petites communes d'entreprendre des travaux si importants. Je vous demande donc oralement, après l'avoir demandé par écrit, que ce patrimoine classé fasse l'objet d'une aide exceptionnelle de l'Etat ; on pourrait même envisager qu'une mission soit chargée de réexaminer l'ensemble des partenariats existants, dans l'esprit de ce que vous venez de proposer pour les orchestres parisiens. J'ai évoqué la table rase : c'est presque le cas, puisque c'est parfois la survie de ce patrimoine qui est en jeu - l'église de Colombier menace de s'écrouler, perspective terrible - et surtout sa transmission aux générations futures, et je sais que vous y êtes sensible.
Cette question aurait pu être posée par tous les autres députés, tant la situation devient préoccupante. Au même titre que nos petites communes défendent leurs services publics, elles tiennent à leur église, qui reste un lieu de rassemblement. S'il n'y a plus forcément d'offices religieux tous les jours, il y en a souvent le week-end. L'athée qui vous parle est très attaché, comme vous sans doute, monsieur le ministre, à la préservation de cette réalité. C'est pourquoi j'attends votre réponse avec curiosité.
M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, je vous proposerai, dans le respect de la laïcité, d'invoquer saint Patrocle pour qu'il répande sur nous ses bienfaits, dont nous avons bien besoin ! (Sourires.)
Comme vous le rappelez, monsieur le député, la France a la chance de posséder un très riche patrimoine réparti sur la totalité de son territoire. Elle compte en effet 40 000 édifices protégés, dont 14 000 sont classés au titre des monuments historiques, et 26 000 inscrits. Près d'une commune française sur cinq abrite au moins un monument historique classé. Plus de la moitié des édifices classés se situent dans de petites communes de moins de 2 000 habitants. Le ministère de la culture et de la communication accompagne très largement l'effort des communes dans le financement de la conservation de leurs monuments historiques classés et inscrits. Dans votre région, sa participation est de l'ordre de 15 à 40 % du montant des travaux pour les immeubles inscrits et de 40 à 60 % pour les monuments classés. Cette participation peut être encore supérieure si les capacités contributives de la commune propriétaire sont insuffisantes - et je pense aux petites communes que vous avez évoquées.
A ce concours substantiel de l'Etat s'ajoute presque toujours celui des départements. Et j'observe avec beaucoup de satisfaction que l'intervention des régions se développe, celles en tout cas qui ont compris l'intérêt historique et touristique de ce patrimoine : le patrimoine historique constitue la principale source de l'attractivité touristique de certaines régions de France. Cette intervention est souvent destinée à des programmes de travaux spécifiques. D'autre part, l'aide européenne peut être substantielle dans les régions susceptibles d'en bénéficier.
Depuis mon arrivée au ministère de la culture, j'ai donné instruction aux services des directions régionales des affaires culturelles de mobiliser l'ensemble de ces soutiens autour des projets de restauration. La participation des petites communes à la conservation de leur patrimoine peut ainsi être fortement réduite, l'aide publique atteignant parfois 95 % du coût des travaux.
Combien de fois m'est-il arrivé de visiter, que ce soit dans votre département, dans le Lot, sur lequel je viens d'être interrogé, et dans bien d'autres édifices remarquables, de la première importance historique, architecturale ou ornementale, situés dans des communes de quelques centaines d'habitants, voire de moins de cent habitants. Il est évident que les ressources de ces communes ne peuvent absolument pas suffire à la restauration ni même à l'entretien de ces monuments. Il appartient donc à l'ensemble des collectivités publiques, notamment à la collectivité nationale, de consentir un effort important en ce domaine.
Par ailleurs, le ministère de la culture a établi un bilan sanitaire de notre patrimoine - initiative que j'ai engagée dès mon arrivée rue de Valois. Monsieur le député, je tiens ce document à votre disposition, comme à celle de l'ensemble de la représentation nationale.
Il ressort de ce bilan que l'état de conservation de nos monuments classés est particulièrement alarmant et que les besoins de financement sont très lourds. Et ce n'est pas mon collègue Christian Jacob, qui a été maire de Provins, qui me démentira. Quoi qu'il en soit, aujourd'hui, il nous faut considérer la situation avec sérieux et prendre toutes les mesures adaptées pour assurer la meilleure conservation de notre patrimoine historique.
La loi de décentralisation permettra également aux régions qui le souhaiteraient d'attribuer elles-mêmes - à titre expérimental, je le précise - les crédits d'aide à la conservation des monuments historiques. On peut imaginer qu'une collectivité plus proche du terrain sera plus attentive à l'intensité et à la diversité des besoins. C'est dans cette perspective que j'ai élaboré un plan national pour le patrimoine, que j'ai soumis à l'appréciation du Premier ministre. L'ensemble des mesures qu'il contient a pour objet d'accroître les moyens que les collectivités publiques pourront consacrer à la conservation de notre patrimoine, d'assouplir les procédures, qui sont aujourd'hui extrêmement lourdes, et de favoriser la gestion de proximité.
Je souhaiterais que l'ensemble de la représentation nationale, toutes sensibilités confondues, se sente concernée par ce combat, un combat de respect, quasiment de révérence à l'égard de notre mémoire, qui nous constitue comme nation. Il en va aussi de nos intérêts : le tourisme, et donc le patrimoine, est pour notre pays un véritable pétrole !
M. le président. La parole est à M. Pierre Goldberg.
M. Pierre Goldberg. Monsieur le ministre, continuons sur le même ton. Si Dieu me prête vie, je serai parlementaire jusqu'en 2007. Et si une main hasardeuse ne vient pas dissoudre, vous serez ministre pendant quelque temps. La fin de vos propos m'a tout à fait convenu ; elle m'a même touché. Je lirai tous les documents que vous nous avez indiqués. Et vous pouvez compter sur mon appui.
Nous devons aller plus loin. Vous l'avez dit, notre patrimoine, qui fait la fierté de nos régions et de nos petites communes, est en danger. Il faut donc que nous exhortions les uns et les autres à faire preuve de solidarité. Certes, parfois, grâce aux interventions des départements ou des régions, on arrive à couvrir une bonne partie des frais. Mais parfois, on n'y arrive pas. J'ai peur que des églises s'écroulent. Et j'exagère à peine... Restons donc en contact. Il faut que nous avancions sur cette question.
Auteur : M. Pierre Goldberg
Type de question : Question orale
Rubrique : Patrimoine culturel
Ministère interrogé : culture et communication
Ministère répondant : culture et communication
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 2 juin 2003