déchets ménagers
Question de :
Mme Claude Greff
Indre-et-Loire (2e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
Mme Claude Greff interroge Mme la ministre de l'écologie et du développement durable sur le projet de construction d'une unité de valorisation énergétique de l'agglomération tourangelle. En Indre-et-Loire, comme ailleurs, les collectivités locales se sont engagées vers la réduction drastique de l'enfouissement des déchets, et des ordures ménagères. Conformément à la loi du 13 juillet 1992, le plan départemental d'élimination des déchets, adopté en 1996, annonçait les grands axes du retraitement des 284 000 tonnes d'ordures ménagères produites chaque année dans le département. Ce plan départemental a tout récemment été révisé pour être adapté à l'évolution des normes et des techniques en matière de retraitement des déchets. Suite à cela, le syndicat intercommunal « Touraine propre », qui regroupe 110 communes du département et l'agglomération de Tours, s'est prononcé en faveur de l'incinération pour traiter les 187 000 tonnes de déchets annuels dont il a la charge. L'incinération a ainsi été présentée comme la panacée en matière de retraitement des ordures ménagères, alors que la France n'est plus dans une optique d'élimination des déchets mais bien de valorisation. D'ailleurs, la circulaire du 28 avril 1996 invite clairement les collectivités locales à « limiter le recours à l'incinération et au stockage aux seuls besoins ». Le tri sélectif et la valorisation des déchets verts sont déjà en place sur la zone de « Touraine propre ». Développer et moderniser ses modes de retraitement serait un engagement réel en faveur du développement durable, et pour lutter contre l'inflation des coûts. Le 17 décembre 2002, elle a affirmé devant le Conseil national des déchets que « certains sujets mériteront encore des approfondissements ». Ce dossier mériterait justement un approfondissement. En envisageant de nouvelles solutions, comme la valorisation des matières fermentescibles ou le recyclage à grande échelle, il serait possible de réduire au strict nécessaire le recours à l'incinération. De récentes initiatives ont montré que l'incinération trouve toute sa place dans une approche multiple des modes de retraitement des déchets, lorsqu'il s'agit d'éliminer des éléments résiduels. Comme mode unique de retraitement, elle est de plus en plus contestée. La conduite de ce dossier appelle également de sérieuses réserves sur la forme, et notamment sur le choix du site d'implantation. Pourquoi vouloir implanter un équipement soumis à autorisation, producteur de matières polluantes, source de nuisances sonores, visuelles et olfactives, en milieu urbain, à proximité immédiate des populations ? Pourquoi choisir une zone inondable mentionnée au PPR Val-de-Loire (plan de prévention des risques) pour cette implantation ? En quoi est-ce pertinent de générer un trafic poids lourds supplémentaire sur un axe déjà considéré comme le point noir du département par le PDU de l'agglomération de Tours (plan de déplacements urbains) ? Une réelle cohérence s'impose, et pas seulement dans le vocabulaire. Elle souhaiterait connaître les perspectives de son action pour faire émerger en France une véritable éco-conception de nos déchets, et, plus particulièrement, son sentiment sur un projet en décalage avec cette ambition d'avenir.
Réponse en séance, et publiée le 11 juin 2003
PROJET DE CONSTRUCTION D'UNE UNITÉ
DE VALORISATION DES DÉCHETS À TOURS
Mme la présidente. La parole est à Mme Claude Greff, pour exposer sa question, n° 417, relative au projet de construction d'une unité de valorisation des déchets à Tours.
Mme Claude Greff. Madame la ministre de l'écologie et du développement durable, ma question porte sur le projet de construction d'une unité de valorisation énergétique de l'agglomération tourangelle.
En Indre-et-Loire, comme ailleurs, les collectivités locales se sont orientées vers la réduction drastique de l'enfouissement des déchets et des ordures ménagères. Conformément à la loi du 13 juillet 1992, le plan départemental d'élimination des déchets, tout récemment révisé, fixe les grands axes du retraitement des 284 000 tonnes d'ordures ménagères produites chaque année dans le département. Dans ce cadre, le syndicat intercommunal « Touraine propre », qui regroupe 110 communes du département et l'agglomération de Tours, s'est prononcé en faveur de l'incinération pour traiter les 187 000 tonnes de déchets annuels dont il a la charge.
L'incinération est ainsi présentée comme la solution exclusive en matière de retraitement des ordures ménagères, alors que la France n'est plus dans une optique d'élimination des déchets mais bien de valorisation. C'est le cas du recyclage industriel, du compostage, de la mécanisation, etc. De plus en plus contesté, le « tout-incinération » montre aujourd'hui ses limites, car son impact sur l'environnement est loin d'être nul. D'ailleurs, la circulaire du 28 avril 1996 invite clairement les collectivités locales à « limiter le recours à l'incinération et au stockage aux seuls besoins ».
Dans le secteur de « Touraine propre », le tri sélectif et la valorisation des déchets verts sont déjà en place. C'est pourquoi développer et moderniser les modes de retraitement serait un engagement réel en faveur du développement durable.
Le recyclage, la valorisation des matières fermen-tescibles, les filières d'élimination dédiées permettent de réduire considérablement le volume des déchets à incinérer. C'est donc au sein d'une filière diversifiée de traitement des déchets que l'incinération trouve toute sa place, mais pas comme mode unique de traitement.
Or la conduite de ce dossier dans ce département appelle, aujourd'hui, de sérieuses réserves. En effet, le site d'implantation pressenti de Saint-Pierre-des-Corps se trouve, madame la ministre, en zone inondable, mentionnée au PPR - plan de prévention des risques - Val de Loire. Nous savons qu'aucune protection absolue n'existe contre les crues centennales ou cinq-centennales. En cas de débordement, l'usine d'incinération serait, au mieux, inaccessible pendant la durée de la submersion, au pire, totalement inondée. Altération des fondations de l'ouvrage, problèmes sanitaires liés à la décomposition des déchets, dispersion des ordures, dilution et infiltration des polluants dans la nappe phréatique représentent des risques importants pour une installation aussi vulnérable.
Le plan « Loire grandeur nature » a consacré les principes du développement durable : prévention, prévision et protection. Doit-on laisser implanter une installation à risque sur un secteur lui-même à risque ? Peut-on même l'envisager ? Ma crainte est d'autant plus grande que je pense aux émanations de cet incinérateur qui toucherait directement les vignobles AOC de Vouvray et de Montlouis-sur-Loire.
Aussi, madame la ministre, souhaiterais-je connaître votre sentiment sur un projet qui se trouve en décalage avec la stratégie nationale de développement durable présentée par le Gouvernement la semaine dernière.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Madame la députée Claude Greff, mercredi dernier, j'ai présenté en conseil des ministres une communication sur la gestion des déchets ménagers et assimilés. J'ai développé quatre priorités : la maîtrise des impacts du traitement, pour assurer un haut niveau de protection de la santé et de l'environnement ; la réduction à la source de la production de déchets, qui n'a cessé de croître ces dernières années, malgré quelques déclarations incantatoires ; le développement du recyclage pour faire diminuer les quantités orientées vers le stockage ou l'incinération, ce qui répond ainsi à votre préoccupation ; la nécessité de disposer de capacités de traitement de déchets, car les prévisions laissent craindre assez rapidement des pénuries de capacités d'élimination dans une majorité de départements. Actuellement, nous estimons que soixante-quinze départements au moins ne font pas face à cette nécessité.
Si mes services travaillent à mettre en place un plan d'action pour la réduction à la source de la production de déchets, s'il est essentiel de développer le recyclage et la récupération « matière », il restera - il faut le savoir - toujours nécessaire de disposer d'un mode de traitement pour la fraction résiduelle des déchets, celle dont la valorisation n'a pas un bilan écologique ou économique satisfaisant.
Il appartient aux responsables locaux de déterminer le mode de traitement le plus adapté. Ce peut être l'incinération ou le stockage. Si l'incinération est choisie, il convient d'étudier avec attention la question du dimensionnement de l'unité. En effet, une unité mal dimensionnée peut être source de surcoûts importants. Le traitement des déchets ménagers dans les dix dernières années a été, ne l'oublions pas, multiplié par deux. Si, sur le plan écologique, cette augmentation est justifiée, elle est parfois aussi critiquable.
Pour le cas de l'agglomération tourangelle, l'option du traitement thermique a été retenue dans le projet de révision du plan départemental de gestion des déchets. Ce projet de révision fera l'objet des consultations prévues, puis sera soumis à enquête publique. Tous les intéressés pourront alors faire part de leurs observations.
Une usine d'incinération d'ordures ménagères ne peut fonctionner qu'après avoir été autorisée par le préfet. Le dossier de demande d'autorisation porte sur un large éventail d'impacts et de risques, dont ceux que vous évoquez, tels celui sur les productions agricoles et tout particulièrement viticoles au voisinage de l'usine ou le risque d'inondation.
J'attache, pour ma part, une très grande importance à ce que ces usines d'incinération soient prévues et fonctionnent de manière à préserver l'environnement et à protéger la santé des riverains.
N'oubliez pas que j'ai trouvé en héritage trente-six incinérateurs hors normes. J'ai alors pris devant la collectivité nationale l'engagement de les fermer ou de les mettre aux normes à la fin de 2002, ce qui a suscité quelques sourires sceptiques. Ces trente-six usines d'incinération hors normes ont bien été soit mises aux normes, soit fermées au 31 décembre 2002.
Les émissions de dioxine ont été diminuées au plan national de 25 % du fait de ces fermetures. A l'horizon 2006, ces émissions devraient être divisées d'un facteur dix par rapport au niveau, déjà réduit, de 2002. Vous connaissez les obligations européennes qui s'imposeront à nous à la fin de 2005. Je souhaite accompagner les opérateurs pour que nous ne nous retrouvions pas dans la même situation qu'en juillet 2002. La réglementation relative à l'incinération, aujourd'hui en vigueur, permet d'assurer un haut niveau de protection de la santé et de l'environnement. Je veillerai, madame Claude Greff, à ce qu'elle soit effectivement appliquée.
Mme la présidente. La parole est à Mme Claude Greff.
Mme Claude Greff. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse.
En effet, l'élimination des déchets est un devoir de tous, citoyens et élus. Il m'importait de savoir sur quel site l'implantation était prévue. J'insiste, en effet, sur le fait que ce secteur est inondable, proche des habitations et d'installations de type Seveso. Le risque potentiel et surajouté me semble suffisamment sérieux pour vous alerter.
Auteur : Mme Claude Greff
Type de question : Question orale
Rubrique : Déchets, pollution et nuisances
Ministère interrogé : écologie
Ministère répondant : écologie
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 9 juin 2003