Roms
Question de :
M. François Lamy
Essonne (6e circonscription) - Socialiste
M. François Lamy appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur la politique menée par le Gouvernement à l'égard des ressortissants roumains installés en France et plus particulièrement sur la situation de certains d'entre eux sur la commune de Palaiseau. Depuis quatre ans, une population roumaine s'est installée sur le territoire de la ville de Palaiseau et vit dans des conditions épouvantables, au sein d'un véritable bidonville. S'il existe un noyau de personnes présentes en France depuis plusieurs années, beaucoup effectuent des allers et retours fréquents dans leur pays d'origine pour rester en conformité avec une partie de notre législation. Depuis 2001, il a alerté les différents services de l'État. Il a fallu deux ans pour qu'une action soit menée par ces derniers. Le bidonville, qui était situé sur un terrain appartenant à l'État (DDE de l'Essonne), a été détruit après une action en justice. Pour sa part, la commune de Palaiseau a décidé d'intégrer trois familles dont les enfants étaient scolarisés depuis plusieurs mois dans les écoles de la ville. Aujourd'hui, à quelques dizaines de mètres de l'ancien terrain, un nouveau bidonville se reconstruit sur un terrain qui cette fois-ci appartient à Réseau ferré de France. La commune de Palaiseau a pris sa part dans la résolution de ce douloureux problème. Aujourd'hui, l'État doit prendre ses responsabilités. Ainsi, il souhaite connaître la politique de la France en matière d'aide au développement pour la Roumanie et la nature des engagements contractuels pris entre la France et la Roumanie en matière de migration. Il veut également savoir quelles mesures le Gouvernement envisage de prendre pour que cette situation cesse à Palaiseau, en sachant que, visiblement, les mesures d'expulsion ont trouvé leurs limites.
Réponse en séance, et publiée le 3 décembre 2003
SITUATION DES RESSORTISSANTS ROUMAINS À PALAISEAU
Mme la présidente. La parole est à M. François Lamy, pour exposer sa question n° 477.
M. François Lamy. Je souhaite connaître la politique du Gouvernement à l'égard des ressortissants roumains installés en France, et plus particulièrement de ceux d'entre eux qui vivent dans la commune de Palaiseau.
Depuis quatre ans, une population roumaine s'est installée sur le territoire de la ville ; elle vit dans des conditions épouvantables, dans un véritable bidonville. S'il existe un noyau de personnes présentes en France depuis plusieurs années, beaucoup effectuent des allers-retours fréquents dans leur pays d'origine pour rester en conformité avec une partie de notre législation.
J'ai alerté les différents services de l'Etat dès mon élection en mars 2001, mais il a fallu deux ans pour qu'une action soit entreprise. Le bidonville qui était situé sur un terrain appartenant à la direction départementale de l'équipement a été détruit au mois d'août conformément à une décision de justice. Pour sa part, la commune de Palaiseau a décidé d'intégrer trois familles, dont les enfants étaient scolarisés depuis plusieurs mois dans les écoles de la ville. Mais voilà qu'aujourd'hui s'installe, à quelques dizaines de mètres de l'ancien terrain, un nouveau bidonville, sur un terrain qui appartient cette fois-ci à Réseau ferré de France.
La commune de Palaiseau a pris sa part dans la résolution de ces douloureux problèmes. Aujourd'hui, c'est à l'Etat de prendre ses responsabilités. Je souhaite à ce propos connaître la politique d'aide au développement conduite par la France à l'égard de la Roumanie et la nature des engagements contractuels pris par les deux pays en matière de migrations. Je souhaite savoir plus particulièrement quelles mesures le Gouvernement envisage de prendre pour que cette situation cesse à Palaiseau, les mesures d'expulsion ayant visiblement trouvé leurs limites.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué aux libertés locales.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Monsieur le député, vous attirez l'attention du Gouvernement sur le cas des ressortissants roumains qui se sont installés sur la commune de Palaiseau.
La situation que vous décrivez est, vous avez raison, inacceptable, tant sur le plan humain qu'en raison des difficultés qu'elle suscite en matière d'hygiène et de salubrité, sans oublier qu'elle est également source de troubles pour les propriétaires des terrains.
En 1999, un camp de ressortissants roumains s'était installé sans autorisation sur un terrain de la DDE. Ces personnes ont fait l'objet d'une décision d'expulsion et le terrain a été assaini au mois d'août dernier, avec l'aide de la ville. Depuis, une vingtaine, peut-être un peu plus aujourd'hui, de ressortissants roumains se sont installés sur un terrain relevant de la réserve foncière de Réseau ferré de France, autrefois la SNCF. Le propriétaire du terrain - c'est la base de tout - a formulé une demande d'expulsion auprès des autorités judiciaires. Le ministre de l'intérieur a donné les instructions nécessaires pour que, dans le respect des textes en vigueur et en application des décisions de justice, une réponse soit apportée dans les meilleurs délais. Nous attendons cette réponse.
D'une manière générale, plusieurs cas peuvent se présenter. Ou bien les étrangers concernés sont en situation régulière, mais leur comportement constitue une menace pour l'ordre public ; soit ils se livrent à des activités de racolage sur la voie publique ou d'exploitation de la mendicité ; soit ils commettent des infractions visées aux articles 75 et 76 de la loi du 18 mars 2003 ou à l'article 33 de la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers. Il doit alors être procédé, dans les conditions de justice, au retrait de leur carte de séjour temporaire, et une procédure d'éloignement doit être engagée sans délai. Soit ces étrangers sont en situation irrégulière, et, à ce titre, ils doivent être éloignés.
Il faut déplorer depuis la suppression de l'obligation d'un visa de court séjour pour les ressortissants roumains et une augmentation des flux migratoires entre la Roumanie et la France.
Afin de lutter contre le développement de cette immigration irrégulière et des réseaux criminels, notamment de prostitution, les services de sécurité entretiennent avec la Roumanie des relations régulières de coopération. Ces relations s'inscrivent dans un cadre institutionnel, celui de l'accord de coopération en matière de sécurité intérieure du 21 février 1997, complété le 30 août 2002 par un protocole relatif au renforcement de la coopération bilatérale, afin de lutter contre la criminalité organisée et la traite des êtres humains.
A cinq reprises, des experts français ont été envoyés en Roumanie afin de contribuer à la professionnalisation des services roumains en matière de contrôle des frontières, de détection des faux documents, de sûreté aéroportuaire et de lutte contre la criminalité organisée. Je m'y suis moi-même rendu cette année. Ces missions ont permis de renforcer notablement l'efficacité des contrôles frontaliers, notamment au départ de Roumanie.
Les efforts de coopération en matière d'éloignement et de réadmission des ressortissants roumains en situation irrégulière seront poursuivis grâce au renforcement des moyens permettant l'identification des clandestins et l'organisation du rapatriement en liaison avec les autorités roumaines. Le bilan à ce jour est le suivant : depuis le début de l'année 2003, 1 672 Roumains en situation irrégulière ont été reconduits dans leur pays d'origine, dont 134 par vols groupés spéciaux et 1 528 sur des vols commerciaux. En 2002, ils n'étaient que 1 157. Vous le voyez, la progression est significative.
Enfin, sur la base du protocole que j'évoquais à l'instant, un accord pour la protection des mineurs roumains isolés en France, c'est un point très sensible, et leur retour dans leur pays d'origine a été signé par les deux gouvernements, le 4 octobre 2002. Il s'agit d'identifier et de récupérer les enfants qui sont en situation d'errance sur notre territoire et de leur permettre leur réintégration dans leur pays d'origine dans un contexte favorable sur le plan social. Les autorités françaises apportent toute leur contribution à cette action.
La situation actuelle est le résultat de la chute du rideau de fer. Bien que positif, cet événement a produit, en raison de la disparité de développement des deux pays, des mouvements de population incontrôlés et parfois incontrôlables. Il s'agit d'affaires complexes mais le Gouvernement s'est donné les moyens d'agir et nous progressons.
S'agissant plus particulièrement de votre commune, une opération positive a pu être menée en collaboration avec la mairie. Je puis vous dire que le deuxième cas que vous avez signalé sera traité dans les mêmes conditions.
Mme la présidente. La parole est à M. François Lamy.
M. François Lamy. Monsieur le ministre, cette réponse n'est pas totalement satisfaisante. En effet, d'une part, la Roumanie a vocation à intégrer l'Union européenne et nous allons être confrontés à ce problème pendant des années ; d'autre part, la législation n'est pas claire.
Qu'est-ce qu'un Roumain en situation irrégulière ? Lorsque des Roumains effectuent des allers et retours tous les six mois afin de faire signer par les autorités françaises leur rentrée dans notre pays, ils ne sont plus en situation irrégulière, alors même qu'ils ne peuvent justifier ni d'un logement ni d'un emploi.
Vous avez parlé d'expulsions. Mais on sait très bien comment les choses se passent dans la réalité : après avoir été expulsés, ils reviennent la semaine suivante.
Le problème est, sur le plan humain, très douloureux : les intéressés, tout au moins une partie d'entre eux, vous expliquent qu'ils préfèrent mourir ici que vivre là-bas.
M. le ministre délégué aux libertés locales. Je suis allé en Roumanie, et je puis vous dire que ce n'est plus un pays totalitaire !
M. François Lamy. Il ne s'agit pas de libertés publiques, mais d'une situation économique, qui est effroyable. Et ceux qui sont à Palaiseau viennent d'une région de Roumanie où la situation économique est particulièrement désastreuse.
Je souhaiterais que ce problème douloureux du point de vue humain ne donne pas lieu à des polémiques partisanes : nous devons lui apporter des réponses politiques. Beaucoup d'autres communes d'Ile-de-France, au demeurant, sont confrontées au problème, auquel s'ajoute souvent la question de la persécution des communautés roms.
Je propose que soient créées des cellules de travail qui assureraient une liaison permanente entre l'Etat, les autorités roumaines et les communes dites « d'accueil », et qui permettraient de trouver des solutions réelles, car ces alternances d'expulsions et de retours ne nous conduisent nulle part.
Auteur : M. François Lamy
Type de question : Question orale
Rubrique : Étrangers
Ministère interrogé : intérieur
Ministère répondant : intérieur
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 1er décembre 2003