collectivité départementale : Mayotte
Question de :
M. Mansour Kamardine
Mayotte (1re circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Mansour Kamardine appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la nécessaire intégration dans la fonction publique des personnels de la maison d'arrêt de Majicavo sise à Mayotte. L'intégration des personnels pénitentiaires répond à une exigence d'égalité et de justice sociale à l'égard d'une profession qui effectue quotidiennement un travail difficile et tout particulièrement à Mayotte où la surpopulation carcérale rend les conditions de travail très pénibles. La loi d'orientation et de programmation pour la justice a autorisé les agents pénitentiaires de la Polynésie et de Mayotte à intégrer la fonction publique de l'État. S'agissant de la Polynésie, l'ordonnance est intervenue en omettant de régler les cas des Mahorais. La question est de savoir si le gouvernement envisage la possibilité d'utiliser les dispositions nouvelles depuis la dernière réforme constitutionnelle pour assurer cette intégration par voie d'ordonnance. L'article 74-1 de la Constitution dispose en effet que : « Dans les collectivités d'outre-mer visées à l'article 74 et en Nouvelle-Calédonie, le Gouvernement peut, dans les matières qui demeurent de la compétence de l'État, étendre par ordonnances, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de nature législative en vigueur en métropole, sous réserve que la loi n'ait pas expressément exclu, pour les dispositions en cause, le recours à cette procédure. Les ordonnances sont prises en conseil des ministres après avis des assemblées délibérantes intéressées et du Conseil d'État. Elles entrent en vigueur dès leur publication. Elles deviennent caduques en l'absence de ratification par le Parlement dans le délai de dix-huit mois suivant cette publication. » Puisque dans ce cas d'espèce, rien ne semble s'opposer à la stricte application de l'article 74-1, il lui demande de lui indiquer s'il entend toujours procéder à l'intégration des personnels pénitentiaires de Mayotte et dans l'affirmative, s'il entend le faire en vertu des nouvelles dispositions constitutionnelles susvisées.
Réponse en séance, et publiée le 17 décembre 2003
STATUT DES PERSONNELS PÉNITENTIAIRES DE MAYOTTE
M. le président. La parole est à M. Mansour Kamardine, pour exposer sa question, n° 514, relative au statut des personnels pénitentiaires de Mayotte.
M. Mansour Kamardine. Monsieur le secrétaire d'Etat, les agents publics de Mayotte sont victimes d'un ostracisme depuis trois décennies. Ma question, qui est relativement simple, consiste à vous demander si vous entendez y mettre un terme, dans les conditions que je vais exposer.
Tirant les conséquences du choix des Mahorais de demeurer français, l'article 14 de la loi du 24 juillet 1976 disposait qu'un décret en Conseil d'Etat déterminait les conditions dans lesquelles les fonctionnaires et agents territoriaux de nationalité française résidant à Mayotte pourront être intégrés dans les cadres de l'Etat, de Mayotte et des communes. Or, le décret d'application n'a jamais été publié et aucun Mahorais n'a pu être intégré dans les différents cadres susvisés, alors que, dans le même temps, leurs homologues d'origine comorienne, avec qui ils exerçaient leurs missions dans le territoire des Comores, étaient intégrés dans les différents corps de l'Etat.
L'histoire se répétant toujours, vingt-six ans après, la loi n° 1138 d'orientation et de programmation pour la justice disposait, en son article 38, que « le Gouvernement était autorisé à prendre par ordonnances les mesures de nature législative permettant d'intégrer dans la fonction publique de l'Etat les agents du territoire de la Polynésie française et de la collectivité départementale de Mayotte affectés dans les services pénitentiaires », l'ordonnance devant intervenir au plus tard le 9 septembre 2003.
Cette disposition a été appliquée pour la Polynésie, ce dont je me réjouis naturellement, mais les agents de la collectivité départementale de Mayotte attendent toujours. Vos collaborateurs expliquent avec un aplomb édifiant qu'ils envisagent cette intégration sur le fondement de la loi du 21 juillet 2003, dont les dispositions sont d'ordre général, en lieu et place de celles qui ont été spécifiquement adoptées, et dont je revendique l'application.
Monsieur le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat, cet ostracisme dont nos compatriotes mahorais sont l'objet est doublement inacceptable. D'abord, nous dénonçons tous à l'occasion des campagnes électorales la place toujours tentaculaire des administrations et le poids toujours grand de la responsabilité politique. En un mot, qui décide, en France, de l'application de la loi, car c'est de cela qu'il s'agit ?
Ensuite, les agents du centre pénitentiaire de Majicavo, à Mayotte, ont cru dans la loi Perben de septembre 2002 : ils ont suivi des stages de mise à niveau, organisés par vos services, et leurs compétences sont désormais validées et reconnues.
Nos agents de la pénitentiaire à Mayotte sont victimes des résistances et des réticences d'une administration qui, manifestement, ne supporte pas toujours le choix politique des Mahorais et les conséquences tirées par les plus hautes instances de l'Etat. C'est donc à vous, décideur politique, que je demande si vous entendez intégrer les agents en utilisant les nouvelles dispositions de l'article 74-1 de la Constitution qui dispose : « Dans les collectivités d'outre-mer (...), le Gouvernement peut, dans les matières qui demeurent de la compétence de l'Etat, étendre par ordonnances, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de nature législative en vigueur en métropole, sous réserve que la loi n'ait pas expressément exclu, pour les dispositions en cause, le recours à cette procédure.
« Les ordonnances sont prises en conseil des ministres, après avis des assemblées délibérantes intéressées et du Conseil d'Etat. Elles entrent en vigueur dès leur publication. »
En l'espèce, rien ne semble s'opposer à la stricte application de cet article 74-1 de la Constitution.
Vous comprenez bien, monsieur le secrétaire d'Etat, que pour nous le sujet est extrêmement important, d'abord parce qu'il s'agit de l'avenir d'agents qui travaillent depuis plusieurs années, ensuite, sur le principe, parce que c'est une façon de reconnaître la qualité de nos compatriotes de Mayotte et leurs compétences, dans le cadre de leur participation au service public de l'Etat.
(M. Rudy Salles remplace M. Marc-Philippe Daubresse au fauteuil de la présidence.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat.
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Monsieur le député, je suis heureux de l'occasion qui m'est donnée de vous répondre au nom du garde des sceaux - qui m'a demandé de l'excuser, - d'abord parce que je connais votre attachement passionné à la défense des intérêts des Mahorais, ensuite parce que je connais bien cette collectivité départementale.
Vous avez attiré l'attention du garde des sceaux sur la nécessité d'intégrer dans la fonction publique de l'Etat les personnels de la maison d'arrêt de Majicavo à Mayotte, dont vous avez raison de souligner qu'ils ont fait des efforts pour se former. Leur intégration répond à une exigence d'égalité et de justice sociale à l'égard de personnels qui effectuent quotidiennement un travail difficile, tout particulièrement à Mayotte, où la surpopulation carcérale rend les conditions de travail pénibles.
Vous avez utilisé des mots forts, en parlant d'ostracisme. Je vous rassure, il n'en est rien. Comme vous l'indiquiez, dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation pour la justice, le Gouvernement a été habilité à fixer par ordonnances, avant le 30 septembre 2003, les modalités d'intégration des personnels pénitentiaires de Mayotte dans la fonction publique de l'Etat.
Toutefois, dans un souci de cohérence d'ensemble du dispositif d'intégration dans la fonction publique d'Etat des agents publics de la collectivité départementale de Mayotte, et sur la proposition de ma collègue Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer - dont vous savez avec quel attachement elle suit les dossiers relatifs à Mayotte -, le Gouvernement a fait le choix d'inscrire cette intégration dans le cadre de l'article 64 de la loi de programme pour l'outre-mer du 21 juillet 2003, qui insère un titre VI bis dans la loi du 11 juillet 2001 relative à Mayotte.
Le choix du support législatif pour l'intégration de ces personnels ne remet en cause - et je tiens à vous rassurer sur ce point, monsieur le député - ni la sécurité du dispositif juridique d'intégration ni le calendrier de cette dernière. Au reste, ainsi que vous l'avez dit vous-même, le ministère de la justice a fait en sorte que les personnels soient préparés et formés.
Les modalités réglementaires d'intégration des personnels pénitentiaires sont actuellement en cours de mise au point, en liaison avec le ministère de l'outre-mer, et devraient faire l'objet d'un décret en Conseil d'Etat au cours des premiers mois de l'année 2004.
M. le président. La parole est à M. Mansour Kamardine.
M. Mansour Kamardine. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse. J'exprimerai simplement un souhait. La loi de septembre 2002 prévoyait une intégration de l'ensemble du personnel pénitentiaire, alors que le dispositif de la loi de programme que vous évoquez et que nous connaissons parfaitement pour y avoir largement contribué propose une intégration échelonnée dans le temps jusqu'à l'horizon 2010. Je souhaiterais, en ce qui concerne spécifiquement les personnels pénitentiaires, dont le nombre est peu important - de l'ordre d'une cinquantaine - que leur intégration puisse avoir lieu dès l'année 2004, avec la publication des décrets que vous nous indiquez. Ce serait une reconnaissance du travail difficile qu'ils accomplissent jour après jour pour faire fonctionner un établissement dont le taux d'occupation atteint 250 %.
Auteur : M. Mansour Kamardine
Type de question : Question orale
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : fonction publique, réforme de l'Etat et aménagement du territoire
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 15 décembre 2003