Question orale n° 574 :
Cuba

12e Législature

Question de : M. Michel Zumkeller
Territoire-de-Belfort (2e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Michel Zumkeller interroge M. le ministre des affaires étrangères Au mois de mars de cette année, le régime cubain faisait fusiller, après un procès sommaire, trois jeunes ayant tenté de quitter l'île en détournant sans effusion de sang un ferry. Dans le même temps, soixante-quinze dissidents étaient condamnés à des peines de prison démentielles pour s'être exprimés en faveur de la démocratie et du respect des droits de l'homme. Parmi ces dissidents, nous trouvons des journalistes et des syndicalistes indépendants, des écrivains et des économistes ainsi que des militants des droits de l'homme. Signalons que ces militants étaient presque tous partie prenante du projet Varela, un projet de référendum d'initiative populaire tel que le prévoit la Constitution du régime du dictateur Fidel Castro. Faut-il le rappeler ? Cuba est le dernier régime communiste occidental et la plus vieille dictature du monde. Fidel Castro a pris le pouvoir par les armes en 1959, il y a quarante-cinq ans. Les prisonniers de conscience sont actuellement détenus dans des conditions épouvantables et sont enfermés à des centaines de kilomètres de leur domicile. Face à la situation désastreuse de Cuba, un collectif d'associations s'est mis en place et se réunit chaque mardi à 18 heures devant l'ambassade de Cuba. Une soixantaine de députés et sénateurs ont répondu positivement à l'appel du collectif solidarité Cuba libre pour parrainer ces prisonniers et intervenir auprès des autorités cubaines. Il lui demande donc ce que fait le gouvernement français afin d'obtenir la libération des prisonniers politiques et la transition de Cuba vers la démocratie, et ce qu'il en est de la politique économique de la France envers Cuba, en particulier de la gestion de la dette cubaine et de l'aide aux investissements dans un pays qui ne respecte pas la plupart des normes de l'Organisation internationale du travail.

Réponse en séance, et publiée le 21 janvier 2004

POLITIQUE DE LA FRANCE ENVERS CUBA

M. le président. La parole est à M. Michel Zumkeller, pour exposer sa question, n° 574, relative à la politique de la France envers Cuba.
M. Michel Zumkeller. Monsieur le secrétaire d'Etat aux affaires étrangères, au mois de mars de cette année, le régime cubain faisait fusiller, après un procès sommaire, trois jeunes qui avaient tenté de quitter l'île en détournant, sans effusion de sang, un ferry. Dans le même temps, soixante-quinze dissidents étaient condamnés à des peines de prison démentielles, pour s'être exprimés en faveur de la démocratie et du respect des droits de l'homme. Parmi ces dissidents, il y a des journalistes et des syndicalistes indépendants, des écrivains, des économistes, des militants des droits de l'homme. Je rappelle que ces militants étaient presque tous parties prenantes du projet Varela, un projet de référendum d'initiative populaire théoriquement prévu par la constitution du régime du dictateur Fidel Castro.
Face à la répression et au verrouillage politique, économique et social du régime, il existe depuis quelques années un véritable espoir d'évolution pacifique vers la démocratie. Mais les dissidents cubains ont un besoin vital de l'aide des pays démocratiques. Les prisonniers de conscience sont actuellement détenus dans des conditions épouvantables, isolés dans des cachots clos, infestés de rongeurs et d'insectes, sans aucune hygiène ; ils sont brutalisés par les gardes ou par des détenus de droit commun et privés, pour la plupart, d'accès aux soins médicaux élémentaires et du droit de visite. Pour clore cette description, je souligne qu'ils sont enfermés à des centaines de kilomètres de leur domicile, dans un pays où les transports publics sont pratiquement inexistants. Chaque visite représente donc une véritable odyssée pour leurs familles qui vivent déjà dans la précarité. Parfois, après avoir voyagé pendant plusieurs jours, celles-ci sont même privées du droit de voir leur proche.
Face à cette situation désastreuse, un collectif d'associations s'est mis en place et se réunit chaque mardi à dix-huit heures devant l'ambassade de Cuba. Une soixantaine de parlementaires ont répondu positivement à l'appel du collectif « Solidarité Cuba libre » pour parrainer ces prisonniers et intervenir auprès des autorités cubaines et du gouvernement français. J'encourage, à cette occasion, tous mes collègues à faire de même et à se solidariser avec cette association.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question sera triple : que fait le gouvernement français pour obtenir la libération des prisonniers politiques et favoriser la transition de Cuba vers la démocratie ? Quels sont les moyens de pression de la France au sein de l'Europe pour susciter une prise de conscience plus large permettant de venir réellement en aide au peuple cubain ? Enfin, quelle est la politique économique de la France envers Cuba, s'agissant en particulier de la gestion de la dette et de l'aide aux investissements, dans un pays qui ne respecte pas la plupart des normes de l'Organisation internationale du travail ?
M. Patrice Martin-Lalande. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux affaires étrangères.
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères. Monsieur le député, votre question me permet de répondre le plus précisément possible sur ce point essentiel pour tout démocrate, compte tenu de la situation que traverse actuellement Cuba. Le Gouvernement est, autant que vous, fondamentalement attaché aux droits de l'homme, attentif et vigilant en la matière.
Votre question comporte trois aspects : les droits de l'homme, la dette et l'investissement.
La situation des droits de l'homme à Cuba est naturellement pour nous une préoccupation constante. L'arrestation et la condamnation de nombreux dissidents, ainsi que la reprise des exécutions capitales, ont été dénoncées sans délai et avec vigueur par la France. Dès le 5 juin, les quinze Etats membres de l'Union européenne ont par ailleurs rendu publiques les décisions prises concernant leurs relations avec Cuba : maintien du dialogue politique, mais limitation des visites bilatérales, et invitation des dissidents aux fêtes nationales des Etats membres. La France est soucieuse du sort réservé aux personnes incarcérées, dans les conditions souvent très rudes que vous venez de décrire, soumises de surcroît à un régime d'isolement complètement inacceptable. De nombreuses démarches ont été effectuées auprès des autorités cubaines, à titre humanitaire, tant par la France que par l'Union européenne.
S'agissant de la dette, Cuba a accumulé des arriérés pour près de 19 milliards de dollars et, pour les trois quarts, ne rembourse plus rien depuis 1989. La part de sa dette à l'égard de la France - environ 150 millions d'euros - ne constitue qu'une fraction de ce total. Le problème de la dette cubaine est donc traité au sein d'un « groupe des pays créanciers de Cuba ». Au sein de ce groupe, des ouvertures ont été faites par la France et les principaux créanciers, mais Cuba les a refusées et campe sur une attitude qui ne permet pas d'avancer. La situation, pour l'heure, paraît bloquée, mais notre position est ferme et aucun nouveau crédit ne lui a été consentie récemment.
Le dernier aspect de votre question concerne l'aide à l'investissement. Nos entreprises doivent-elles cesser tout investissement à Cuba ? Vous le savez, la France estime sur ce point, comme ses partenaires de l'Union européenne, que toute démarche de type embargo, qu'il s'agisse de Cuba ou d'un autre pays, pénaliserait d'abord la population. Dès lors, il ne nous paraît pas opportun de contrecarrer les efforts d'investissement de nos entreprises qui, d'ailleurs, peuvent contribuer à la maturation démocratique de ce pays par le renforcement de son dynamisme économique et des échanges qu'il entretient avec l'extérieur. Il s'agit donc de favoriser l'ouverture de l'île. Je note à cet égard que même les Etats-Unis, qui sont à l'origine d'un embargo économique à l'égard de Cuba, ont considérablement assoupli leur législation, au point de devenir le second fournisseur de ce pays dans le domaine agroalimentaire. Cela dit, il convient d'être vigilant, notamment en ce qui concerne, comme vous le rappelez, la législation du travail et les droits des travailleurs. Nous nous y attachons au sein des instances compétentes.
Vous le voyez, monsieur le député, notre politique à l'égard de Cuba est à la fois sans complaisance à l'égard des violations des droits de l'homme et soucieuse d'éviter, dans l'intérêt même des populations, tout ce qui pourrait ressembler à des sanctions économiques.

Données clés

Auteur : M. Michel Zumkeller

Type de question : Question orale

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : affaires étrangères

Ministère répondant : affaires étrangères

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 20 janvier 2004

partager