insuffisance rénale
Question de :
M. Jean-Christophe Lagarde
Seine-Saint-Denis (5e circonscription) - Union pour la Démocratie Française
M. Jean-Christophe Lagarde appelle l'attention de M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées au sujet des centres d'autodialyse en France. En effet, contrairement à l'Angleterre, où 80 % des patients ont recours aux unités d'autodialyse, la France, elle, n'en compte, sur les 45 000 personnes dialysées, que 2 %. Or, il semble que le recours aux structures d'autodialyse représenterait une forte économie par rapport à une prise en charge des patients en centre ambulatoire ou à l'hôpital. En prenant l'exemple de l'unité d'autodialyse APAD « Le Figuier » à Drancy, on constate ainsi qu'entre le 1er janvier 2003 et le 15 octobre 2003 les 5 643 séances de dialyses réalisées et facturées à la sécurité sociale à 209,70 euros la séance (prix fixé conventionnellement et non augmenté depuis deux ans) représente un coût de 1 183 337,10 euros pour la sécurité sociale. Dans le même temps, le prix de la séance dans le centre ambulatoire de la clinique privée d'Aulnay-sous-Bois ayant été de 299,53 euros du 1er janvier 2003 au 30 avril 2003, puis de 304,02 euros depuis le 1er mai pour la même activité, il aurait été facturé et réglé par la sécurité sociale la somme de 1 704 517,01 euros. L'économie réalisée par la sécurité sociale sur le prix des séances en traitant les malades à l'unité d'autodialyse APAD et non en centre ambulatoire serait donc de 521 179,91 euros, soit 92,36 euros par séance. Si on ajoute à cela une économie réalisée également sur les consultations faites par l'APAD, puisque contrairement au centre ambulatoire où est facturé de façon automatique un forfait de surveillance, l'APAD ne le fait pas, on obtient au total une économie réalisée sur les séjours à la sécurité sociale de 610 447,88 euros, soit 108,16 euros par séance. Un traitement dans les hôpitaux est encore plus coûteux pour la sécurité sociale puisque cette fois l'économie réalisée serait de 2 128 528,36 euros, soit 377,20 euros par séance. C'est pourquoi il lui demande, à l'heure où le Gouvernement cherche à pérenniser notre système de soins en réduisant le déficit « abyssal » de la sécurité sociale, s'il ne serait pas possible de développer de telles structures et de rééquilibrer la proportion de dialysés bénéficiant de l'autodialyse.
Réponse en séance, et publiée le 28 janvier 2004
DEVELOPPEMENT DES CENTRES D'AUTODIALYSE
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour exposer sa question n° 583, relative au développement des centres d'autodialyse.
M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le ministre délégué à la famille, par cette question, j'entends en réalité ouvrir une piste pour aider à la résorption du déficit abyssal de la sécurité sociale.
En Angleterre, 80 % des patients ont recours à l'autodialyse, c'est-à-dire qu'ils n'ont pas besoin d'être hospitalisés, que ce soit à l'hôpital public ou en clinique, pour suivre les séances régulières - en moyenne trois par semaine - auxquelles leur pathologie les astreint. En France, moins de 2 % des patients ont accès à l'autodialyse. Or celle-ci est beaucoup plus économique pour la sécurité sociale que la prise en charge des malades en centre ambulatoire ou à l'hôpital.
Je prendrai l'exemple de mon département, la Seine-Saint-Denis. Le prix de la séance à l'unité d'autodialyse APAD « Le Figuier » à Drancy est de 209,70 euros contre 304,02 euros au centre ambulatoire de la clinique privée d'Aulnay-sous-Bois où viennent d'être transférés un certain nombre de postes d'hémodialyse auparavant installés dans ma commune, soit un surcoût de 31 %. Les honoraires médicaux s'élèvent à 21,50 euros à l'unité de Drancy contre 33,60 euros au centre ambulatoire, soit un surcoût de 36 %. Le prix de séjour global - séances et honoraires - revient donc à 231,20 euros dans un cas et 337,62 euros dans l'autre. La sécurité sociale, qui prend bien évidemment en charge la totalité des coûts, a donc 31,52 % de moins à acquitter pour l'autodialyse.
Mais ce qui pourrait apparaître comme des montants faibles doit être rapporté à l'ensemble de l'activité des centres. Entre 1996 et 2002, le coût des séjours globaux dans l'unité d'autodialyse en question s'est établi à 8 089 053,55 euros alors que, pour le centre ambulatoire d'Aulnay-sous-Bois, il aurait été de 12 561 769,52 euros, soit un surcoût de 35,61 %, ce qui ne représente pas moins de 4 472 715 euros. Dans un hôpital public - j'ai pris l'exemple de l'hôpital de Thonon -, ces mêmes prestations auraient eu un coût de 28 657 886 euros, soit quelque 20 500 000 euros de plus qu'en unité d'autodialyse.
Bien sûr, monsieur le ministre, je suis conscient que les 45 000 000 personnes dialysées que compte notre pays ne pourront pas toutes bénéficier de l'autodialyse. Toutefois celle-ci représente une piste qu'il conviendrait de développer. Or un décret de 2002 a, au contraire, rendu plus compliquée sa pratique, du fait notamment des nouvelles définitions de secteurs. Comme j'ai pu le constater dans ma circonscription, la fermeture de centres d'autodialyse et la concentration des unités de dialyse dans les centres ambulatoires les plus importants non seulement représentent un surcoût mais obligent les patients à aller plus loin pour se soigner. On commet là deux erreurs à la fois.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué à la famille.
M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille. Monsieur le député, veuillez excuser l'absence de M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées qui m'a demandé de vous communiquer la réponse suivante.
L'enquête nationale réalisée du 2 au 8 juin 2003 par l'assurance maladie à sa demande a permis pour la première fois de connaître le nombre précis des personnes atteintes d'insuffisance rénale chronique terminale traitées par dialyse en France : 30 882 patients, dont 8 279 en autodialyse, soit 27 % de la population étudiée, et non pas 2 %, comme vous l'avez affirmé.
La France compte 513 patients dialysés par million d'habitants, alors que la Grande-Bretagne, où la prévalence de l'insuffisance rénale chronique est identique, n'en compte que 298 par million d'habitants. En effet, outre-Manche, les personnes âgées de plus de soixante-dix ans ne sont qu'exceptionnellement hémodialysées, contrairement à ce qui est pratiqué en France, où l'âge moyen des sujets dialysés est de soixante-trois ans.
En outre, le 23 septembre 2002, Jean-François Mattei a signé un décret réorganisant totalement la prise en charge des patients traités par épuration extra-rénale. Le nouveau régime d'autorisation ne s'appuie plus sur la carte sanitaire, mais sur un schéma régional d'organisation sanitaire obligatoire. Quatre modalités de traitement de l'insuffisance rénale sont désormais proposées : l'hémodialyse en centre, l'hémodialyse en unité de dialyse médicalisée, l'hémodialyse en unité d'autodialyse et la dialyse à domicile.
L'enquête dont la CNAM a pris l'initiative servira à l'élaboration de ces SROS, qui s'appuieront ainsi sur des données précises pour organiser, dans chaque région et dès le 1er juillet 2004, une offre de soins correspondant aux besoins des patients. Il est évident que, en raison des pathologies associées, le traitement par dialyse des personnes âgées de plus de soixante-cinq ans - qui, en 2004, représentent la moitié des nouveaux patients mis en dialyse - nécessite une surveillance médicale particulière qui n'est actuellement délivrée qu'en centre d'hémodialyse, puisque, dans les unités d'autodialyse, le patient doit pouvoir se prendre en charge seul, sans surveillance médicale pendant la séance. Les patients âgés, mais sans pathologie surajoutée, vont pouvoir également bénéficier des unités de dialyse médicalisée, créées par le décret, qui sont plus médicalisées que les simples unités d'autodialyse.
La tarification à l'activité prévoit un forfait adapté à chacune de ces modalités de dialyse, en tenant compte du besoin de chaque patient.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le ministre, les précisions que Jean-François Mattei vous a demandé de nous communiquer, et dont je vous remercie, m'inspirent deux observations.
Le décret ne sera que ce que l'on en fera à travers les SROS. J'ai évoqué certains cas où, en réalité, il n'aura pour vertu que de concentrer l'activité d'hémodialyse sur quelques centres ambulatoires privés, qui coûteront plus cher à l'Etat mais dégageront ainsi un bénéfice juteux. En même temps, il aura pour conséquence d'éloigner le patient de son domicile ou d'allonger le trajet entre son domicile et son travail. Il conviendra en tout cas que le ministère soit très vigilant à cet égard.
D'autre part, vous indiquez, monsieur le ministre, que l'autodialyse se fait sans surveillance médicale. Ce n'est pas tout à fait exact. Certes, elle est pratiquée dans un environnement qui n'est pas l'équivalent de ce qu'on peut connaître dans une clinique ou dans un hôpital privé, mais sous surveillance médicale. Elle n'est pas destinée aux mêmes patients. Vous avez indiqué qu'elle concerne 27 % d'entre eux, ce dont je me réjouis. Quand on connaît la différence de coût entre les techniques, on ne peut que juger intéressant de s'orienter aussi souvent que possible vers l'autodialyse, plutôt que de favoriser l'hémodialyse en hôpital ou, pis encore, dans des centres privés qui sont toujours très demandeurs de postes d'autodialyse.
Auteur : M. Jean-Christophe Lagarde
Type de question : Question orale
Rubrique : Santé
Ministère interrogé : santé
Ministère répondant : santé
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 27 janvier 2004