hôpitaux
Question de :
Mme Jacqueline Fraysse
Hauts-de-Seine (4e circonscription) - Député-e-s Communistes et Républicains
Mme Jacqueline Fraysse interpelle M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées sur la situation de l'hôpital en France, à partir de l'exemple de l'hôpital de Romilly-sur-Seine dans l'Aube et de l'hôpital Foch de Suresnes. Confronté à un manque drastique de personnel, l'hôpital de Romilly-sur-Seine est dans l'incapacité d'assurer ses missions de service public dans l'intérêt de la santé des populations qu'il touche. Malgré la mobilisation des citoyens, malgré la mobilisation des élus locaux et de son conseil d'administration, il manque aujourd'hui à cet hôpital une dotation pour 39 postes de médecins dans divers services qui permettraient d'assurer une prise en charge de la santé des malades dans des conditions optimales d'hygiène et de sécurité. Confronté au non-respect par l'administration centrale de ses engagements financiers en matière salariale, consécutive à la mise en place des 35 heures et au gel arbitraire par l'ARH des crédits d'investissement répondant à la mise en oeuvre du plan hôpital 2007, l'hôpital Foch de Suresnes est aujourd'hui en proie à des difficultés financières importantes qui risquent de mettre en cessation d'activité certains services. Bien que distinctes, ces deux situations relèvent de la même logique gouvernementale. Qu'il s'agisse d'un hôpital public de proximité de l'Aube ou d'un hôpital privé à but non lucratif assurant un service public en Ile-de-France, qu'elle utilise la restriction du personnel de santé ou qu'elle use de l'arbitraire des ARH, la politique générale du Gouvernement en matière de santé consiste à rationner ces établissements en moyens humains et matériels. Or, elle rappelle que ce choix politique de rationnement de l'offre de soins sur l'ensemble du territoire peut s'avérer très dangereux pour la santé de nos concitoyns et parfois même pour leur vie. Elle lui demande donc les mesures qu'il compte prendre afin de répondre immédiatement et efficacement au manque de moyens financiers et de personnel médical et paramédical sur l'ensemble du territoire afin de satisfaire aux besoins de santé de la population du pays.
Réponse en séance, et publiée le 28 janvier 2004
EFFECTIFS ET MOYENS FINANCIERS DES HOPITAUX
Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour exposer sa question n° 585, relative aux effectifs et moyens financiers des hôpitaux.
Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le ministre délégué à la famille, je souhaite attirer l'attention de M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées sur deux hôpitaux, celui de Romilly-sur-Seine dans l'Aube et l'hôpital Foch de Suresnes, dans ma circonscription, qui illustrent la situation catastrophique dans laquelle se trouvent nos établissements hospitaliers.
L'hôpital de Romilly-sur-Seine est un établissement de proximité qui rayonne sur un secteur regroupant 35 000 personnes. La création, à l'initiative de son conseil d'administration et des élus locaux, de nouveaux services de maternité et d'urgences, et l'arrivée d'un scanner promise pour bientôt ont permis de répondre aux besoins de santé exprimés par la population. Mais cet établissement est aujourd'hui confronté à un manque criant de personnel. Un rapport remis au conseil d'administration note qu'il manque 15 postes aux urgences, 16,5 à la maternité et 7,5 en cardiologie. Or, vous savez comme nous, monsieur le ministre, que la technologie de pointe n'est pas tout et que l'immense dévouement des agents et praticiens actuellement en activité ne suffit pas, car, si le personnel médical et paramédical adéquat fait défaut, il ne peut y avoir de réelle qualité des soins donnés ni de vraie sécurité pour les patients. Quand autant de postes ne sont pas pourvus, on ne sait tout simplement pas faire.
Le rayonnement de l'hôpital Foch de Suresnes s'étend, quant à lui, sur l'ouest de la région parisienne. Naguère très performant dans un grand nombre de disciplines médicales, notamment les soins aux grands brûlés et la chirurgie cardiaque, cet établissement a déjà supprimé ou réduit beaucoup de ses activités. Bien qu'il soit en pointe pour le traitement des maladies respiratoires, formateur de personnels médicaux et paramédicaux, l'établissement est aujourd'hui confronté à des déséquilibres financiers dramatiques qui inquiètent gravement le personnel. J'ai dû recevoir récemment, en urgence, les personnels médicaux et paramédicaux. En effet, par la voix de l'agence régionale d'hospitalisation, l'administration de l'Etat a décidé unilatéralement de ne pas remplir ses obligations salariales consécutives à la mise en oeuvre des 35 heures dans l'établissement. Elle refuse d'abonder financièrement les protocoles d'accords salariaux qu'elle a pourtant ratifiés. Par ailleurs, elle gèle de façon discriminatoire les crédits de mise aux normes et de rénovation de l'établissement, définis dans le cadre du plan Hôpital 2007 que vous avez élaboré.
Ainsi, ces restrictions autoritaires, conjuguées au manque de moyens dont souffre globalement l'institution hospitalière, risquent fort de conduire à des situations de cessations de paiement en cascade et à de nouvelles fermetures de services, au détriment de la santé de nos concitoyens. La préfiguration de ce mécanisme aura été la fermeture du service des grands brûlés, dont la réputation était pourtant nationale.
Monsieur le ministre, ces deux situations, pourtant distinctes, relèvent de la même logique que vous tentez de mettre en oeuvre par votre politique. Qu'il s'agisse d'un hôpital public de proximité dans le département de l'Aube ou d'un hôpital privé à but non lucratif participant au service public en Ile-de-France, qu'elle utilise les restrictions de personnels de santé ou qu'elle use de l'arbitraire des ARH, la politique générale du Gouvernement en matière de santé consiste à ne pas fournir les moyens humains et matériels qui permettraient aux établissements d'assurer leurs missions de santé et de service public.
Cette politique a des conséquences extrêmement dangereuses, tant pour nos concitoyens que pour l'organisation sociale de la nation. Tout le monde sait que l'hôpital est le pivot de la solidarité en matière de santé. Je regrette de devoir rappeler que ce choix politique de restriction de l'offre de soins est à l'origine de près de 15 000 décès de personnes âgées durant la canicule de l'été dernier, qu'il a failli coûter la vie à de nombreux enfants durant la récente épidémie de bronchiolite et de grippe, et que, selon de nombreux experts en matière de santé, il prépare le terrain à de nouvelles catastrophes sanitaires.
Ce choix ne répond ni aux exigences de santé des Françaises et des Français ni aux impératifs de réforme du financement et de l'organisation de notre système de santé.
Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour que l'ARH tienne ses engagements financiers à l'égard de l'hôpital Foch de Suresnes et réponde de façon efficace aux difficultés qu'entraîne le manque de personnel dans les deux hôpitaux que j'ai cités, et, au-delà, dans l'ensemble des structures hospitalières de notre pays, qui souffrent toutes, comme l'ont montré les récents mouvements sociaux que vous avez dû affronter ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué à la famille.
M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille. Madame la députée, vous interrogez le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées sur la situation de deux hôpitaux, l'hôpital de Romilly-sur-Seine dans l'Aube et l'hôpital Foch de Suresnes.
En ce qui concerne l'hôpital de Romilly-sur-Seine, l'établissement avance en effet le chiffre de 40 emplois manquants. Cependant, une étude approfondie de la situation des effectifs fait apparaître que ceux-ci sont suffisants au regard de son activité - l'établissement est donc conforme aux normes de fonctionnement -, notamment pour les services de maternité et d'urgence. En effet, les moyens demandés pour la maternité correspondent aux personnels prévus pour les services ayant une activité supérieure à 500 accouchements, ce qui n'est pas le cas de la maternité de Romilly-sur-Seine, où 450 naissances ont été enregistrées en 2002.
Quant au fonctionnement des urgences et du SMUR, les patients accueillis aux urgences ont été de l'ordre de 9 000 en 2003 et le nombre de sorties du SMUR a été inférieur à 400. L'effectif du service apparaît suffisant pour assurer en permanence la présence de deux médecins le jour et d'un médecin la nuit, et de deux infirmières jour et nuit.
Ces professionnels ont à prendre en charge moins de deux patients par heure, y compris aux périodes de plus forte fréquentation. Cet effectif n'est réduit que pendant les périodes de sortie du SMUR, dont la durée est en moyenne de l'ordre de deux heures par vingt-quatre heures. Dans ce cas, un médecin de l'établissement assure la présence aux urgences.
Une part importante des difficultés de fonctionnement de l'établissement tient au nombre important de postes d'infirmier non pourvus. De l'ordre d'une dizaine au début de l'année 2003, il est aujourd'hui de 5. Avant d'envisager la création de nouveaux postes, l'établissement doit donc s'attacher à pourvoir les postes existants.
Dans le cadre de la campagne budgétaire 2004, quelques ajustements des effectifs pourraient être réalisés afin de mieux prendre en charge la kinésithérapie dans le service de soins de suite, et de renforcer l'activité de consultation des sages-femmes.
Enfin, les besoins de prises en charge sociale des patients pourraient conduire à la création d'un poste d'assistante sociale qui pourrait être partagé avec le centre hospitalier de Sézanne dans le cadre du projet gériatrique commun aux deux établissements.
Pour ce qui est de l'hôpital Foch de Suresnes, l'établissement participe au service public hospitalier et est reconnu sur le plan médical avec plusieurs services universitaires.
Du fait de son statut privé à but non lucratif, il a dû, en même temps que les autres établissements privés, appliquer la réduction du temps de travail avec les aides accordées par l'Etat, aides au demeurant inférieures au coût réel. Au même moment, la productivité de l'établissement se dégradait fortement. De surcroît, la rénovation de la convention collective s'est faite, comme pour l'ensemble des établissements participant au service public hospitalier d'Ile-de-France, sans accompagnement financier intégral.
La politique budgétaire en Ile-de-France consiste à accorder les ressources en fonction de la valeur constatée du point ISA. Elle a été appliquée à l'hôpital Foch sans traitement particulier. L'établissement, rejetant les choix budgétaires de 1'agence régionale de l'hospitalisation, a alors entrepris une succession de recours, parfois en référé. Signalons que le déficit de 2003 devrait être de l'ordre de 7,5 millions d'euros, soit environ 6 % du budget.
Trois opérations ont été inscrites au plan Hôpital 2007 : la rénovation de l'IFSI, la reconstruction et la modernisation du plateau technique.
Les relations se sont détendues au cours du dernier trimestre 2003 et, par courrier du 31 décembre dernier, le président du conseil d'administration, fermé jusque-là à toute concession, a fait un geste de bonne volonté en suspendant provisoirement une partie des recours. L'agence, qui l'avait reçu à plusieurs reprises, a proposé un protocole d'accord qui devrait être négocié dans les prochaines semaines et conclu au terme de la campagne budgétaire en cours.
Madame la députée, vous déduisez de ces deux exemples un « choix politique de rationnement de l'offre de soins sur l'ensemble du territoire » qui « peut s'avérer très dangereux pour la santé de nos concitoyens ». Je vous rappelle simplement que ces deux hôpitaux connaissent, comme les autres, des difficultés en raison de la gestion des gouvernements précédents, que ce soit pour mettre en place les 35 heures à l'hôpital Foch ou pour lutter contre la pénurie de main-d'oeuvre à l'hôpital de Romilly-sur-Seine.
Le Gouvernement fait face à la crise de l'hôpital - qu'il s'agisse de la pénurie en main-d'oeuvre, des difficultés d'application des 35 heures ou de la vétusté des bâtiments et des équipements - en y apportant des réponses concrètes avec le plan Hôpital 2007, qui prévoit 6 milliards d'euros d'investissement en cinq ans.
Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.
Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le ministre, s'agissant de l'hôpital de Romilly-sur-Seine, votre réponse à propos des postes me laisse dubitative.
Je veux bien concevoir que les personnels et l'administration aient surestimé les besoins en personnels, mais certainement pas dans les proportions que vous avancez. Ils parlent de 15 postes aux urgences et de 16,5 en maternité, pour ne prendre que ces deux exemples. Et même si l'on divise par deux ces chiffres, cela ne retire rien aux demandes de ces professionnels qui savent tout de même de quoi ils parlent : après tout, ce sont eux qui y travaillent !
A l'hôpital Foch de Suresnes, la situation tend, c'est vrai, à se détendre, et je m'en félicite. Je le répète cependant, il est anormal que l'ARH n'ait pas respecté des protocoles d'accords salariaux qu'elle avait pourtant ratifiés. C'est ce non-respect d'engagements financiers qui a provoqué non seulement un déficit majeur dans cet hôpital qui, certes, comme vous l'avez rappelé, connaissait déjà des difficultés, mais également la cascade des recours que vous avez évoqués et donc la situation tendue qui s'est ensuivie et qui tend à s'améliorer.
Sur le plan politique, vous voulez nous expliquer que vous héritez d'une situation dont le gouvernement de la gauche aurait la responsabilité. Vous héritez, certes, d'une situation que le gouvernement précédent n'a pas su gérer correctement en ne répondant pas à tous les dysfonctionnements - et ce n'est pourtant pas faute que le groupe communiste se soit battu sur ce point, hélas sans succès ! Mais vous avez également hérité, permettez-moi de le rappeler, des politiques qui avaient été précédemment menées. Je pense, en particulier, aux ordonnances Juppé, lequel, si je ne m'abuse, ne fait pas partie des formations de gauche.
M. le ministre délégué à la famille. Cela ne risque pas d'arriver !
Mme Jacqueline Fraysse. Par conséquent, si vous héritez de choix politiques mauvais, ce sont des choix que nous n'avons eu de cesse de dénoncer, quels que soient les gouvernements.
Etranglé financièrement et humainement, le système hospitalier français a atteint depuis plusieurs mois ses limites de résistance. Les professionnels de santé, les usagers, les grands patrons hospitaliers, qui ont pourtant pour tradition de garder une certaine réserve face aux mouvements sociaux, vous interpellent aujourd'hui, après que nous vous avons alerté cent fois sur la situation catastrophique de l'hôpital dans notre pays.
Vous parlez du manque de personnel. Mais si la France manque de médecins, d'infirmières et de sages-femmes, il faut supprimer le numerus clausus à l'entrée en faculté de médecine, former des médecins, engager un véritable plan emploi-formation, fournir un effort public matériel et financier afin de renforcer l'attractivité salariale des professions paramédicales en rémunérant les formations avec contrat dans le service public,...
Mme la présidente. Madame Fraysse, je vous demande de bien vouloir conclure. Votre temps de parole est largement dépassé.
Mme Jacqueline Fraysse. Mes derniers mots seront donc pour dire qu'il y a aussi des mesures financières à prendre en faveur de l'hôpital, que ce soit la suppression de la taxe sur les salaires et les impôts que les pouvoirs publics prélèvent sur l'hôpital ou la garantie d'emprunts à taux zéro afin de développer l'investissement et l'adaptation aux nouvelles technologies.
Les objectifs de santé que je décris peuvent tout à fait être atteints. Ils permettraient de répondre à la crise gravissime que nous traversons et qui préoccupe tant de monde à juste titre.
Auteur : Mme Jacqueline Fraysse
Type de question : Question orale
Rubrique : Établissements de santé
Ministère interrogé : santé
Ministère répondant : santé
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 27 janvier 2004