carte scolaire
Question de :
M. Joël Giraud
Hautes-Alpes (2e circonscription) - Socialiste
M. Joël Giraud souhaite interpeller M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche sur l'organisation de la nouvelle carte scolaire dans le département des Hautes-Alpes. Basée sur une moyenne d'enfants par classe, sans prise en compte de l'accessibilité de certains sites, la nouvelle carte scolaire va provoquer dans ce département des problèmes graves de scolarisation dans les principaux bourgs-centres. En effet, la nécessité de créer deux fois plus de classes dans le 1er degré, face à une dotation en postes inférieure de moitié seulement, ajoutée à l'impossibilité très légitime de fermer des classes dans des communes isolées où les élèves seraient contraints à des heures de transport sur des routes de montagne soumises à des aléas météorologiques permanents, va générer la fermeture systématique des classes de bourgs-centres, dès lors que leur effectif descend en dessous de 20 élèves par classe, y compris en zone d'éducation prioritaire. Au-delà, il s'inquiète face à l'annonce de la suppression de 15 postes d'enseignant du 2e degré dans un département qui compte 13 collèges de petite dimension. Ainsi, il souhaite savoir si, pour éviter des fermetures d'écoles au seuil de 20 élèves par classe et pour éviter des fermetures de collèges trop petits pour supporter la moindre suppression de poste, son ministère est prêt à desserrer l'étau qui enferme les Hautes-Alpes dans une logique de déclin scolaire en réattribuant des postes d'enseignants dans les 1er et 2e degrés.
Réponse en séance, et publiée le 4 février 2004
ÉVOLUTION DE LA CARTE SCOLAIRE
DANS LES HAUTES-ALPES
M. Joël Giraud. Monsieur le président, monsieur le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, mes chers collègues, le département des Hautes-Alpes a une caractéristique reconnue par la DATAR : celle du département le plus enclavé de France. Mais cet enclavement ne se décline pas seulement en ce qui concerne les liaisons externes à ce département : la géographie particulière des Hautes-Alpes, dont les enfants sont scolarisés dans des villages situés entre 600 et 2040 mètres d'altitude, constitue un ensemble d'isolats où la notion de moyenne n'a pas grande signification, tant l'écart-type est important.
Les risques majeurs sont également le lot quotidien des habitants, et les déplacements, notamment par car scolaire, ne sont pas facilités par des axes routiers où détecteurs d'avalanches, détecteurs de laves torrentielles et filets pare-blocs sont légion.
Telle est la vie de beaucoup de territoires ruraux de montagne où les regroupements scolaires, vus de Paris et sur une carte trop plate, oublient qu'il y a, derrière, un relief certes magnifique mais aussi hostile.
Ces cartes et ces moyennes oublient aussi que ces territoires sont aussi des territoires de labeur, dont 70 % des emplois sont saisonniers, les deux tiers de ces salariés ô combien précaires venant de l'extérieur et ayant des besoins d'accueil pour leurs enfants y compris dans les écoles du département.
C'est pourquoi la nouvelle carte scolaire a jeté la stupeur dans le département des Hautes-Alpes. La nécessité de créer deux fois plus de postes qu'il n'y a de dotations en enseignants dans le premier degré a conduit M. l'inspecteur d'académie à proposer la fermeture quasi systématique de classes dans les bourgs-centres dès lors que leur effectif descend en dessous de vingt élèves par classe. Il ne peut mathématiquement en être autrement, car l'isolement de certains secteurs conduit à y maintenir la présence de l'école, quel que soit l'effectif, pour éviter une heure à une heure trente de car, par des routes de montagne soumises à des aléas météorologiques permanents, deux fois par jour.
Ces élèves devront déjà, pour aller au collège, se lever tous les jours à quatre heures du matin. Leur éviter de le faire dès l'école maternelle me semble plus que souhaitable. C'est pourquoi ce sont aujourd'hui les bourgs-centres qui paient le prix d'une solidarité qu'on leur impose, au nom de la non prise en compte par l'Etat de la spécificité de la montagne, pourtant clairement établie par la loi montagne de 1985.
Pourtant, le débat relatif au développement des territoires ruraux qui s'est déroulé il y a quelques jours a permis, dès la première lecture, et sur tous les bancs de notre assemblée, de rappeler l'obligation d'accueil scolaire des enfants de saisonniers, que ce soit dans la commune où ils logent ou dans celle où ils travaillent, et d'introduire une discrimination positive en faveur des communes classées en zone de revitalisation rurale, en baissant de 20 % les seuils de fermeture des classes dans ces zones
De plus, aux difficultés scolaires s'ajoutent, dans les vallées victimes de la désindustrialisation, des difficultés sociales qui ont justifié leur classement en zone d'éducation prioritaire. Ces communes, au parc locatif social important, continuent à accueillir des primo-arrivants sans moyens adaptés. Tel est le cas de la commune dont je suis le maire : L'Argentière-la-Bessée, classée à la fois en ZRR et en ZEP. Sa taille - 2 500 habitants - permettra difficilement l'accueil de primo-arrivants, trois encore la semaine dernière, dès lors que le nombre d'enseignants diminuera.
Et ce d'autant que la structure spécialisée dans l'aide pour la scolarisation des nouveaux arrivants et des enfants du voyage, le CASNAV, située en Avignon, a du mal à trouver le chemin des Alpes et se refuse à monter dans une ZEP située trop loin de sa base logistique.
Enfin, l'inquiétude est très vive face à l'annonce de la suppression de quinze postes d'enseignants du second degré dans un département qui compte treize collèges, la plupart de petite dimension, justement pour tenir compte d'une géographie où on ne peut tout de même pas demander à tous les élèves de se lever à trois heures du matin pour être scolarisés.
A moins, monsieur le ministre, que vous ne souhaitiez être l'inventeur du collège à classe unique !
Mes questions seront donc les suivantes. Allez-vous entendre la voix des parlementaires qui ont amendé le texte sur le développement des territoires ruraux, en prenant en compte dans l'élaboration de la carte scolaire les effectifs des enfants de saisonniers, en introduisant une discrimination positive en faveur des communes classées en ZRR, en abaissant de 20 % les seuils de fermeture des classes ?
Allez-vous tenir compte de la spécificité de la montagne, où la notion de moyenne d'enfants par classe n'a aucune pertinence du fait de la géographie - comme je viens de le démontrer -, en réattribuant des postes d'enseignants dans le premier et le deuxième degrés dans le département des Hautes-Alpes, pour y éviter à la fois la fermeture d'écoles en dessous de vingt élèves par classe dans les bourgs-centres et la fermeture de collèges trop petits pour supporter la moindre suppression de postes ?
Confirmez-vous enfin la solidarité nationale en faveur des zones d'éducation prioritaire, en particulier celles situées dans les zones de revitalisation rurale, en prenant en compte dans l'élaboration de la carte scolaire les enfants de deux ans, mais aussi en évitant toute reprise d'emplois ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.
M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Monsieur Giraud, je vous remercie de votre question qui va me permettre d'apporter quelques précisions de nature à vous rassurer.
Nous sommes dans une période - c'est classique au moment de l'élaboration de la carte scolaire - où toutes les rumeurs, toutes les hypothèses circulent. Fort heureusement, le pire n'est pas toujours sûr.
Je voudrais vous rassurer sur le principe. Quand on travaille sur la carte scolaire, au sein de mon ministère, avant les académies, nous ne réfléchissons jamais en seuls termes arithmétiques, car ce serait grotesque.
Plusieurs facteurs sont pris en compte : l'aménagement du territoire, la sociologie de l'académie, les besoins spécifiques. Je peux vous communiquer si cela vous intéresse tous les critères retenus pour l'élaboration de la carte scolaire. Celle-ci n'est pas du tout établie dans un esprit de système géométrique ou arithmétique, brutal et obtus.
Dans le département des Hautes-Alpes, 96 postes ont été attribués - nous ne sommes donc pas dans le négatif, mais dans le positif - au recteur d'Aix-Marseille pour la rentrée scolaire 2004 dans le premier degré. Pour tenir compte d'une augmentation des élèves dans le premier degré, cinq postes ont été réservés dans les Hautes-Alpes, ce qui devrait permettre d'assurer très convenablement et sans le moindre souci la rentrée 2004. C'est assez confortable. Il ne devrait pas y avoir le moindre problème.
En ce qui concerne les collèges, une baisse de 141 élèves est prévue. Si nous avions appliqué des critères mécaniques pour les collèges en tenant compte de cette baisse, nous aurions supprimé dix postes, pour équilibrer la baisse démographique et maintenir les taux d'encadrement.
Nous avons conclu, précisément en fonction des paramètres que vous évoquiez - géographiques et sociologiques en particulier - à une diminution de moyens de cinq postes seulement au lieu de dix pour les collèges, alors que 141 élèves disparaissent.
La carte scolaire a donc été envisagée, là aussi, avec bon sens.
Je vous rappelle que je suis comptable au niveau de l'Etat de la péréquation entre les régions. Je dois assurer une égalité de situation entre elles. Les régions qui ont été sur- dotées et celles qui ont été sous-dotées pendant des années doivent se retrouver, à un moment ou un autre, en situation d'équilibre. Lorsqu'il y a des baisses démographiques, on est donc obligé de prendre aux uns pour donner aux autres, à ceux qui connaissent une augmentation démographique.
La politique de scolarisation des enfants dès l'âge de deux ans restera non seulement prioritaire dans les ZEP - donc il n'y a rien de changé - mais aussi dans les zones rurales, comme j'ai eu l'occasion de le rappeler à l'un de vos collègues du Sénat.
Quant à la scolarisation des enfants dès l'âge de deux ans, aucune modification n'est prévue. Elle se situe cette année autour de 32 %. C'est la plus élevée du monde, sans équivalent dans les pays voisins. Cette politique sera maintenue, prioritairement dans les ZEP et dans les zones rurales.
M. le président. La parole est à M. Joël Giraud.
M. Joël Giraud. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour votre réponse.
Je prends note avec intérêt que la prospective pour les collèges ne fait pas disparaître, comme avions pu le craindre, dix postes voire plus, mais cinq postes seulement.
Je continue cependant à être inquiet pour le premier degré. En effet, la diminution de cinq postes prévue - moins cinq postes par rapport à plus dix postes - nous place dans une situation où, pour maintenir les écoles dans certains isolats de montagne, toutes les classes de moins de vingt élèves dans des communes comme Briançon et L'Argentière, classée en ZEP, ou Guillestre, vont disparaître, car nous ne pouvons effectivement pas fermer des écoles trop éloignées.
Pourriez-vous, monsieur le ministre, réétudier une attribution de postes tenant mieux compte de cette spécificité " montagne " pour le premier degré dans le département des Hautes-Alpes ?
Auteur : M. Joël Giraud
Type de question : Question orale
Rubrique : Enseignement
Ministère interrogé : jeunesse et éducation nationale
Ministère répondant : jeunesse et éducation nationale
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 3 février 2004