Question orale n° 608 :
maladies rares

12e Législature

Question de : M. François Rochebloine
Loire (3e circonscription) - Union pour la Démocratie Française

M. François Rochebloine attire l'attention de M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées sur la situation des victimes de la maladie génétique dite du syndrome de Rett. Considérant le caractère spécifique de l'état de polyhandicap qui résulte de cette maladie relativement rare, dont sont frappés, chaque année environ une vingtaine d'enfants sur le territoire national, il lui semblerait nécessaire d'apporter des réponses adaptées aux préoccupations légitimes exprimées par leurs parents. En particulier, il lui demande de bien vouloir apporter un éclairage sur l'état des réflexions conduites par le Gouvernement sur ce dossier et lui rappelle, en outre, que de nombreuses associations se plaignent du manque de structures d'accueil. Celles-ci leur permettraient en effet de bénéficier de mesures de prise en charge thérapeutique et éducative correspondant à leur état, dans un cadre épanouissant et suffisamment protégé. Dans le même temps, il relève également que les adultes atteints de ce syndrome se trouvent dans la plus grande dépendance et doivent subir les conséquences d'une non-reconnaissance de la spécificité de l'état de polyhandicap. En conséquence il lui demande de bien vouloir lui indiquer les intentions du Gouvernement à ce sujet.

Réponse en séance, et publiée le 4 février 2004

SITUATION DES PERSONNES ATTEINTES
DU SYNDROME DE RETT

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine, pour exposer sa question, n° 608.
M. François Rochebloine. Mercredi dernier, le conseil des ministres a adopté un projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Ce texte ambitieux, si l'on en juge par ses principaux objectifs, devrait apporter des réponses attendues de longue date par les associations représentant les personnes handicapées et leurs familles.
La perspective d'un prochain débat, ici même, sur la prise en compte des handicaps, aurait pu m'inciter à renoncer à poser la question de la reconnaissance de la situation des polyhandicapés, et notamment des victimes atteintes du syndrome de Rett. En effet, nombreux furent mes collègues à interroger M. Mattei depuis un peu plus d'un an sur ce sujet, alors que le projet de loi visant à réformer la loi de 1975 était en préparation. Cependant, cette phase dite de concertation a-t-elle été mise à profit pour apporter une réponse spécifique aux demandes insistantes des associations visant à définir un statut du polyhandicap ? Apparemment non, ou plus exactement pas tout à fait. Selon les informations en ma possession, il semblerait que les différents points soulevés par les associations n'aient pas été suffisamment pris en considération.
Si le projet de loi vise à assurer aux personnes handicapées la compensation des conséquences de leur handicap, comme l'indique le communiqué du conseil des ministres du 28 janvier dernier, avec " la prise en charge par la collectivité des dépenses d'aide humaine et technique correspondant aux besoins de chaque personne handicapée ", des incertitudes demeurent, et il sera utile d'avoir une connaissance poussée du texte afin de pouvoir mesurer l'impact réel de la réforme proposée.
S'agissant des polyhandicapés, nous ne pouvons que nous réjouir de l'annonce d'un " plan d'action conduisant à apporter une réponse spécifique, sous la forme la mieux adaptée, aux besoins des personnes (...) polyhandicapées et très lourdement handicapées. " Mais peut-on en déduire qu'il y a là, enfin, la reconnaissance effective de la spécificité du polyhandicap ? Rien n'est moins sûr, si l'on se réfère aux différentes réponses du ministre de la santé, Jean-François Mattei, et aux nombreuses questions écrites des parlementaires.
J'observe ainsi que le Gouvernement ne souhaite pas enfermer les personnes polyhandicapées dans un statut particulier, comme si une telle reconnaissance pouvait être synonyme d'enfermement absolu. Je ne vous cacherai pas que ce type de réponse m'a surpris et quelque peu déçu.
Voici quelques mois, un de mes amis, grand-père d'une petite fille âgée de quatre ans et demi, atteinte du syndrome de Rett, m'a fait part des grandes difficultés auxquelles la famille doit faire face au quotidien.
La petite fille ne marche pas et ne parle pas. Le syndrome de Rett est en effet une de ces maladies rares qui font se cumuler handicap moteur et handicap mental, et qui entraînent, hélas, une restriction extrême de l'autonomie du sujet. II y a là, par voie de conséquence, une marginalisation inéluctable du malade, si rien n'est fait.
La scolarisation, limitée à moins de trois heures par semaine a pu être tentée, mais sans aucune certitude quant à sa pérennisation. Les soins eux-mêmes, indispensables, on le comprend bien, ne sont pas pris en charge avec continuité, et il est aisé d'imaginer l'inquiétude des parents, bien souvent démunis face à la maladie de leur enfant. En la circonstance, la mère de cette petite fille a dû interrompre son activité professionnelle. Elle perçoit seulement une allocation d'éducation spéciale de 337,25 euros par mois.
Au travers de cet exemple, qui ne représente, hélas, qu'un cas parmi d'autres, on voit qu'il est primordial de rechercher un dispositif réellement adapté aux besoins criants qu'expriment ces familles, regroupées au sein de réseaux associatifs. Aussi voudrais-je vous rappeler leurs préoccupations et leurs attentes. Elles espèrent toutes que la future loi prendra pleinement en compte la spécificité du polyhandicap.
L'enfant polyhandicapé doit être protégé, il doit se socialiser aussi bien dans un cadre familial efficacement soutenu que dans le cadre de " son école ", lorsque cela est possible, ce qui ne peut être qu'un facteur d'équilibre et d'épanouissement.
Je n'oublie pas non plus la situation des polyhandicapés âgés de plus de vingt ans, pour lesquels aucun dispositif spécifique n'est prévu. De nombreuses familles vivent ces situations de manière dramatique et nous ne pouvons y rester insensibles.
La tâche du ministre de la santé est difficile, tant il reste à faire pour soulager nos concitoyens confrontés aux handicaps lourds. La solidarité nationale doit prendre ici tout son sens et s'imposer. Il est urgent d'organiser une prise en charge adaptée des polyhandicapés lourds, aussi bien au plan éducatif que thérapeutique.
Je vous remercie, monsieur le ministre délégué à la famille, de me préciser les intentions du Gouvernement à ce sujet.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la famille.
M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille. Monsieur le député, vous avez appelé l'attention du ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées sur les personnes atteintes du syndrome de Rett, et plus particulièrement sur le manque de structures pouvant les accueillir.
Le Gouvernement est conscient de la situation difficile que rencontrent les personnes handicapées et leurs familles. En effet, le syndrome de Rett est un grave désordre neurologique d'origine génétique. Il provoque un handicap mental et une infirmité motrice qui peuvent être sévères, autrement dit : un polyhandicap. Ce syndrome a été décrit pour la première fois en 1966 par le professeur Andréas Rett. Les malades sont, dans leur quasi-totalité, des filles. La fréquence est mal connue ; elle est estimée à une naissance sur 10 000 à 15 000, soit 25 à 40 nouveaux cas par an en France.
Dès 2003, des moyens importants ont été engagés par l'État et l'assurance maladie pour répondre aux besoins d'équipement en établissements et services pour l'accueil des personnes les plus lourdement handicapées telles que les personnes atteintes du syndrome de Rett.
En 2003, les crédits consacrés à financer des places nouvelles pour les adultes lourdement handicapés ont été doublés ; ils correspondent ainsi à un objectif de création de 2 200 places en maison d'accueil spécialisée et en foyer d'accueil médicalisé, et à 3 000 places en centre d'aide par le travail. S'agissant des enfants, ce sont 7,31 millions d'euros qui ont été spécifiquement consacrés à la création de 261 places nouvelles pour enfants lourdement handicapés.
Cette année, le Gouvernement amplifie son effort en consacrant aux adultes handicapés une enveloppe de crédits d'assurance maladie de 102 millions d'euros, ce qui correspond à un objectif de 2 200 places nouvelles en maison d'accueil spécialisée et en foyer d'accueil médicalisé. Pour les enfants et adolescents handicapés, le montant de l'enveloppe de crédits d'assurance maladie s'élève à plus de 46 millions d'euros, dont 7 millions d'euros spécifiquement destinés aux enfants poly-handicapés.
Enfin, pour répondre de manière encore plus énergique aux besoins, le Gouvernement a élaboré un programme pluriannuel de création de places en établissement pour la période 2005 à 2007. Sur ces trois années du programme, il est prévu de créer près de 550 places nouvelles pour les enfants poly-handicapés et 7 500 places nouvelles en maisons d'accueil spécialisées et en foyers d'accueil médicalisé.
Tels sont, monsieur le député, les efforts très importants qui ont été consentis depuis deux ans. D'autres suivront dans le programme à venir.
M. le président. La parole est à M. François Rochebloine.
M. François Rochebloine. Monsieur le ministre, je sais que M. Mattei et vous-même êtes très attachés à la situation des handicapés et des poly-handicapés. Vous avez eu raison de rappeler qu'un nombre important de places a été créé, ces dernières années, mais l'effort reste insuffisant au regard des situations très difficiles qui subsistent.
J'ajoute qu'un effort particulier doit être consenti en direction des enfants victimes du syndrome de Rett. Ils sont peu nombreux : quarante à quarante-cinq par an, mais c'est encore beaucoup trop. Sachant que la commission départementale d'éducation spéciale fixe leur taux d'incapacité entre 50 % et 79 %, on mesure la difficulté et la nécessité d'apporter une aide un peu plus importante aux parents, notamment à la maman, afin qu'elle puisse élever son enfant dans les meilleures conditions possibles. Ils attendent beaucoup de la réforme de la loi de 1975. Aujourd'hui, celle-ci ne donne pas entière satisfaction aux associations, en particulier à l'UNAPEI, qui a émis des réserves. J'ose espérer que le travail du Parlement permettra de l'améliorer et de donner satisfaction à toutes celles et à tous ceux qui sont victimes d'un handicap.

Données clés

Auteur : M. François Rochebloine

Type de question : Question orale

Rubrique : Santé

Ministère interrogé : santé

Ministère répondant : santé

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 3 février 2004

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