Question orale n° 609 :
agriculteurs

12e Législature

Question de : M. François Sauvadet
Côte-d'Or (4e circonscription) - Union pour la Démocratie Française

M. François Sauvadet souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales sur la situation des agriculteurs. Les nombreuses manifestations d'agriculteurs dans plusieurs régions de France montrent que cette profession attend que les engagements du Gouvernement soient tenus, notamment en ce qui concerne la mobilisation du Fonds national de garantie des calamités agricoles. Ils demandent également que les conditions d'application de la réforme de la PAC soient clairement indiquées. Le sentiment que leurs difficultés n'ont pas été prises en compte est particulièrement marqué, surtout dans les zones intermédiaires qui furent parmi les plus touchées par la canicule de l'été 2003 et qui attendent aujourd'hui que la solidarité nationale s'exprime concrètement. Il lui demande donc quelles sont les mesures que le Gouvernement entend prendre pour répondre à ces problèmes aussi bien locaux que nationaux.

Réponse en séance, et publiée le 4 février 2004

SITUATION DES AGRICULTEURS

M. le président. La parole est à M. François Sauvadet, pour exposer sa question, n° 609.
M. François Sauvadet. Monsieur le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, les agriculteurs de Bourgogne étaient dans la rue, il y a quelques jours, pour faire part de leur inquiétude face à l'application concrète de la réforme de la politique agricole commune, notamment en ce qui concerne la gestion des droits de produire, qui vont devenir marchands. Ils ne connaissent pas encore les conditions d'application de la réforme en France.
Mais ils sont également descendus dans la rue parce qu'ils ne comprennent pas pourquoi les moyens qui visaient à les accompagner après la canicule ne sont toujours pas débloqués, comme ils l'espéraient. Or, vous le savez pour être venu sur le terrain, y compris en Côte-d'Or, la canicule a eu des conséquences d'autant plus lourdes qu'elles s'ajoutaient aux effets désastreux du gel et des inondations.
J'évoquerai en premier lieu la gestion du Fonds national de garantie des calamités agricoles. L'an dernier, lors de l'examen du budget de votre ministère, vous aviez opéré un redéploiement du Fonds des calamités - qui est abondé par les agriculteurs - à hauteur de 160 à 165 millions d'euros. À l'époque, vous nous aviez assuré que les pouvoirs publics feraient face en cas de crise et de calamités. Aujourd'hui, les agriculteurs n'ont pas le sentiment que c'est le cas. Dans le monde de l'élevage, les enveloppes ont été mobilisées pour des opérations collectives d'aide au transport. Le renchérissement du coût du fourrage s'est souvent accompagné d'un renchérissement du coût du transport en raison d'une pénurie des moyens de transport, si bien qu'un grand nombre d'éleveurs n'ont pas bénéficié directement de l'aide annoncée de 45 euros par tonne. Ils demandent le paiement effectif de cette aide, ainsi qu'une revalorisation du taux d'indemnisation de 28 % à 35 % en faveur de ceux qui sont sinistrés pour la deuxième année consécutive.
J'ai également rencontré les producteurs laitiers qui, vous le savez, souffrent cruellement de la baisse actuelle du prix du lait. La profession demande que les fonds d'allégement des charges soient abondés afin que les exploitations les plus touchées puissent être accompagnées.
Quant aux céréales, vos services ont indiqué que le renchérissement du coût des céréales sur un marché en pénurie devait être pris en compte. Or, comme plus de la moitié des agriculteurs livrent leurs céréales immédiatement après la récolte, ces derniers, notamment ceux des zones intermédiaires, n'ont pas pu bénéficier d'un marché qui était plus porteur.
Enfin, pour le calcul des cotisations sociales, il conviendrait de prendre en compte, pour ceux qui, connaissant des difficultés, le souhaiteraient, la situation de l'année 2003 pour 2004.
L'agriculture, aujourd'hui, je ne vous le cache pas, souffre énormément. Ses difficultés posent une question lancinante, qui concerne l'avenir même du monde rural : celle de l'installation des jeunes, qui ne voient plus d'avenir ou presque dans le métier d'agriculteur. Monsieur le ministre, ne restez pas sourd à l'appel des agriculteurs, mais répondez à leur attente.
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.
M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Monsieur le député, face à la sécheresse de très grande ampleur que les agriculteurs ont subie l'été dernier, le Gouvernement a très tôt réagi par une présence immédiate et constante sur le terrain, qui ne s'est démentie ni ces dernières semaines ni même ces derniers jours. Il a également décidé d'engager des moyens exceptionnels, notamment en faveur des éleveurs, pour lesquels ce sinistre a eu des conséquences néfastes très précoces au travers de l'insuffisance, dès le mois de mai, des ressources pastorales et fourragères.
Le principal dispositif d'intervention en faveur des agriculteurs sinistrés, le Fonds national de garantie des calamités agricoles, a été mobilisé selon des modalités simplifiées et accélérées, requises par l'urgence.
Ainsi, dès le 29 août 2003, la commission nationale des calamités a pu donner un avis favorable au paiement d'un acompte sur indemnisation de 70 % pour les éleveurs de quarante-neuf départements et les arrêtés interministériels, assortis de la mise en place des crédits nécessaires dans les départements, ont été signés onze jours plus tard.
Le même dispositif accéléré et de mise à disposition d'acomptes pour les éleveurs sinistrés a été appliqué pour trente-trois autres départements nouvellement reconnus sinistrés pour leurs pertes fourragères, à l'issue des réunions de la commission nationale des calamités agricoles du 30 septembre et du 18 novembre 2003.
Parallèlement, deux premiers abondements budgétaires du Fonds des calamités ont été réalisés, pour un total de 200 millions d'euros, afin de financer les acomptes sur indemnisation des pertes de fourrages attribués à ces quatre-vingt-deux départements.
La réunion de la commission nationale des calamités agricoles du 27 janvier dernier a permis de rajouter un département sur la liste. La commission des calamités s'est en outre prononcée favorablement pour le paiement du solde sur les indemnisations des pertes de fourrages des quatre-vingt-trois départements reconnus sinistrés.
Le même jour, la commission a émis un avis favorable aux demandes d'indemnisation de diverses cultures non fourragères dans les quatre-vingt-trois départements précités, intégrant notamment, comme il était demandé, au calcul des dommages les frais de nouveau semis des cultures ayant eu en outre à souffrir du gel. Une première tranche de crédits d'indemnisation pour ces cultures, ainsi que le solde des indemnisations pour pertes de fourrages, seront mis en place courant février.
Pour ce faire, un nouvel abondement budgétaire de 150 millions d'euros a été versé au Fonds des calamités, portant à ce jour à 350 millions d'euros la dotation exceptionnelle de l'État. Compte tenu des disponibilités initiales du Fonds, mobilisées suite aux différentes réunions de la commission nationale des calamités agricoles, les crédits d'indemnisation mis en place atteignent à ce jour 500 millions d'euros et le Fonds sera, bien évidemment, abondé en fonction des nécessités d'indemnisation dans le courant de l'année 2004.
Alors même que, compte tenu du caractère cumulatif et de l'étendue d'un tel sinistre, le traitement des grandes sécheresses pose des difficultés particulières d'évaluation des dommages et d'instruction des dossiers, la mobilisation des services déconcentrés et le concours efficace et responsable des organisations professionnelles agricole, associées aux missions départementales d'enquête, auxquelles je souhaite rendre hommage, ont permis d'intervenir à la fois massivement et rapidement, conformément aux engagements pris par le Gouvernement.
Vous l'avez souligné, monsieur Sauvadet, la sécheresse de 2003 a principalement sévi dans les départements situés sur la diagonale Est-Ouest de notre pays, affectant particulièrement les régions d'élevage allaitant, l'élevage laitier montagnard et les zones intermédiaires de grandes cultures. Les contraintes particulières de l'agriculture de ces régions justifiaient que nous intervenions rapidement et à hauteur des difficultés exceptionnelles rencontrées par les exploitants.
Vous le savez, au-delà du Fonds national de garantie des calamités agricoles, un ensemble de mesures connexes a été mis en place. Il s'agit notamment pour les éleveurs de l'aide à l'affouragement, de l'anticipation du versement des aides communautaires et de l'autorisation du pâturage des jachères, des prêts calamités aux taux exceptionnellement bonifiés de 1,5 % pour les jeunes agriculteurs et de 2,5 % dans le cas général et des prêts de consolidation, aux mêmes taux et assortis d'un différé d'annuités d'un an à taux nul pour l'exploitant. Enfin, le fonds d'allégement des charges a été abondé afin de prendre en charge une partie des intérêts des exploitants sinistrés, notamment les producteurs de grandes cultures et les éleveurs " hors sol ", qui rencontrent des difficultés spécifiques, lesquelles pouvaient s'avérer être insuffisamment prises en compte par le Fonds des calamités du fait des dispositions législatives et réglementaires, notamment les pourcentages qui encadrent sa mobilisation.
L'instruction des demandes de prêts et d'allégement d'intérêts étant concomitante à celle des dossiers d'indemnisation, achevée ou en voie de l'être dans les quatre-vingt-trois départements reconnus sinistrés, les aides afférentes seront mises en place tout prochainement par les établissements de crédit. Les engagements du Gouvernement sont donc tenus, dans des délais et pour des volumes financiers à la hauteur des enjeux, en dépit des difficultés spécifiques, administratives et budgétaires que pose un tel sinistre.
La sécheresse et la canicule de 2003 ont démontré, s'il en était encore besoin après la série d'autres catastrophes climatiques des mois précédents - inondations du sud-est de septembre 2002, gel massif d'avril 2003, nouvelles inondations de décembre 2003 dans le sud et le bassin de la Loire - la nécessité de perfectionner nos dispositifs publics de protection des agriculteurs contre les aléas climatiques.
Dans cette perspective, le Premier ministre a confié au député Christian Ménard une mission d'évaluation et de propositions dont les conclusions et les prescriptions feront l'objet d'un rapport qui me sera remis dans les tout prochains jours. Nous en tirerons tous les enseignements nécessaires pour moderniser nos instruments d'intervention.
S'agissant de la réforme de la PAC, le Gouvernement partage entièrement votre souci de voir rapidement défini le paysage dans lequel devront travailler les agriculteurs. Vous ne l'ignorez pas, cinq sujets doivent être traités. Fidèle à la méthode que j'ai retenue, j'ai procédé ces derniers mois à une très large consultation des organisations professionnelles agricoles. Nous devrons nous prononcer sur la date d'application et sur la formule de découplage partielle qui sera retenue. Je le ferai dans le courant du mois de février.
Trois groupes du Conseil supérieur de l'orientation de l'agriculture française travaillent sur trois autres dossiers. Le premier traite de la gestion des droits de paiement, question très importante pour prendre en compte la nécessité d'une politique active de l'installation des jeunes agriculteurs. Le deuxième chantier concerne l'écoconditionnalité. Le troisième traite de la répartition du produit de la modulation d'aides directes. Ces groupes, que j'ai installés au mois de décembre, à l'heure actuelle travaillent et me remettront leurs conclusions dans le courant du mois d'avril. Avant l'été, je pourrai donc annoncer les choix du Gouvernement en la matière.
S'agissant du prix du lait, que vous avez évoqué, l'accord interprofessionnel de 1997 a été dénoncé le 31 décembre de l'année dernière. Des négociations extrêmement difficiles entre les producteurs et les transformateurs se déroulent actuellement. Elles ont conduit à un échec le 22 janvier dernier. Je souhaite qu'un prix rémunérateur soit garanti aux producteurs. D'autres sujets doivent également être traités, comme l'allégement des charges des exploitations et leur mise aux normes. Un rapport me sera remis dans le courant de la semaine - le 6 février - et je convoquerai le 10 février une table ronde réunissant l'ensemble des partenaires.
Tels sont, monsieur le député, les éléments de réponse que je souhaitais apporter à votre question courte mais dense.

Données clés

Auteur : M. François Sauvadet

Type de question : Question orale

Rubrique : Agriculture

Ministère interrogé : agriculture, alimentation et pêche

Ministère répondant : agriculture, alimentation et pêche

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 3 février 2004

partager