Question orale n° 691 :
hépatite C

12e Législature

Question de : M. Jean-Pierre Dupont
Corrèze (3e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Jean-Pierre Dupont attire l'attention de M. le ministre de la santé et de la protection sociale sur le problème de la prise en charge par l'Établissement français du sang (EFS) des contentieux transfusionnels du département de la Corrèze avant 1989. Du 13 décembre 1951, date de sa création, au 1er juillet 1989, le centre départemental de transfusion sanguine de Tulle a été géré par le département de la Corrèze. Au 1er juillet 1989, la gestion du centre de transfusion sanguine a été transférée au centre hospitalier de Tulle puis, à partir du 26 mai 1995, à l'Établissement de transfusion sanguine « Limousin », groupement d'intérêt public (GIP) chapeauté par l'Agence française du sang. En sa qualité de gestionnaire du centre de transfusion sanguine entre 1951 et 1989, le département est aujourd'hui mis en cause dans plusieurs affaires liées à des contaminations par le virus de l'hépatite C et est donc susceptible d'être condamné. Dans un souci de solidarité nationale, et afin de permettre l'indemnisation des malades, le législateur a veillé à transférer l'ensemble des activités exercées par les établissements de transfusion sanguine à l'Établissement français du sang. Ainsi, la loi du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme prévoit, à compter du 31 décembre 1999, un transfert des activités exercées par les établissements de transfusion sanguine à l'Établissement français du sang ainsi qu'un transfert des droits et obligations, créances et dettes liées à ces activités. Les modaltiés de ce transfert devaient être fixées par une convention entre l'Établissement français du sang et chaque personne morale concernée. Mais, à la date de création de l'Établissement français du sang en juillet 1998, le département n'exerçait plus d'activité transfusionnelle et n'a donc jamais conclu de convention. Les dispositions de la loi du 1er juillet 1998 ont ensuite été étendues, par la loi de finances rectificative pour 2000, aux « personnes morales de droit privé » dans le but de faciliter l'indemnisation des malades, mais pas aux départements. L'exclusion du département d'un tel mécanisme semble être un oubli probablement dû au fait que peu de départements ont géré un centre de transfusion sanguine. Aussi, il lui demande quelles mesures il entend prendre pour faire pleinement entrer les départements dans le champ d'application manifestement voulu par le législateur et ainsi remédier à une situation anormale et préjudiciable pour les collectivités concernées comme pour les malades.

Réponse en séance, et publiée le 28 avril 2004

prise en charge
des contentieux transfusionnels des départements
par l'établissement français du sang

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Dupont, pour exposer sa question, n° 691.
M. Jean-Pierre Dupont. Madame la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, ma question concerne le problème de la prise en charge par l'Etablissement français du sang des contentieux transfusionnels du département de la Corrèze pour les faits survenus avant 1989. En effet, du 13 décembre 1951, date de la création du centre départemental de transfusion sanguine, au 1er juillet 1989, celui-ci a été géré par le département de la Corrèze. Il en était ainsi dans cinq ou six départements à cette époque - chiffre approximatif car certains ne se sont pas fait connaître. Au 1er juillet 1989, la gestion du centre de transfusion sanguine a été transférée au centre hospitalier de Tulle puis, à partir du 26 mai 1995, à l'établissement de transfusion sanguine du Limousin, groupement d'intérêt public chapeauté par l'Agence française du sang.
En sa qualité de gestionnaire du centre de transfusion sanguine entre 1951 et 1989, le département est aujourd'hui mis en cause et susceptible d'être condamné dans plusieurs affaires liées à des contaminations par le virus de l'hépatite C.
Dans un souci de solidarité nationale, et afin de permettre l'indemnisation des malades, le législateur avait pourtant veillé à transférer l'ensemble des activités exercées par les établissements de transfusion sanguine à l'Etablissement français du sang. Ainsi, la loi du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme a-t-elle prévu, à compter du 31 décembre 1999, le transfert des activités exercées par les établissements de transfusion sanguine à l'Etablissement français du sang ainsi que le transfert des droits, obligations, créances et dettes qui y sont liés. Les modalités de ce transfert devaient être fixées par une convention entre l'Etablissement français du sang et chaque personne morale concernée. Mais, à la date de la création de l'EFS, en juillet 1998, le département de la Corrèze n'exerçait plus d'activité transfusionnelle depuis 1989 et n'a donc jamais été appelé à conclure une telle convention.
Les dispositions de la loi du 1er juillet 1998 ont ensuite été étendues, par la loi de finances rectificative pour 2000, aux personnes morales de droit privé, dans le but de faciliter l'indemnisation des malades, mais elles ne l'ont pas été aux départements. L'exclusion des départements d'un tel mécanisme semble un oubli, probablement dû au fait que peu d'entre eux ont géré un centre de transfusion sanguine.
Mais cette question ne relève plus seulement de l'analyse juridique, car maintenant les contentieux arrivent. Je vous demande donc, madame la secrétaire d'Etat, quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour faire pleinement entrer les départements dans le champ d'application manifestement voulu par le législateur et remédier ainsi à une situation anormale et préjudiciable, tant pour les collectivités concernées que pour les malades, dont l'indemnisation est plus compliquée qu'ailleurs.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées.
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Monsieur le député, vous avez appelé mon attention sur les difficultés relatives à la prise en charge par l'Etablissement français du sang des contentieux transfusionnels qui mettent en cause le département de la Corrèze. Vous souhaitez connaître les mesures que le Gouvernement entend prendre pour étendre aux collectivités locales le champ d'application du dispositif législatif de transfert des contentieux transfusionnels à l'EFS. Vos observations appellent les précisions suivantes.
Le centre départemental de transfusion sanguine de la Corrèze a été condamné en réparation à plusieurs reprises, dans différents contentieux post-transfusionnels à la suite de contaminations à l'hépatite C. Les justiciables contaminés ne sont pas toujours parvenus à obtenir l'exécution de la décision rendue par le tribunal. Or l'Etablissement français du sang ne dispose d'aucun titre juridique pour se substituer en termes d'obligations au conseil général de la Corrèze, gestionnaire du centre départemental de transfusion sanguine à l'époque des faits, c'est-à-dire entre 1951 et 1989.
De surcroît, la législation en vigueur va dans le sens d'une mise en cause de la responsabilité du conseil général de la Corrèze.
En premier lieu, l'article 18 B de la loi n° 98-595 du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme prévoit un transfert à l'EFS des activités transfusionnelles exercées jusqu'alors par les établissements de transfusion sanguine. Comme vous l'avez rappelé, la loi précise que, le cas échéant, des conventions sont conclues entre les personnes morales concernées et l'EFS afin de fixer les modalités concrètes du transfert des obligations, droits, créances et dettes liés à ces activités et portés par ces personnes morales. Les personnes morales visées par la loi sont les établissements de transfusion sanguine - GIP et associations - qui exerçaient encore des activités transfusionnelles en 1998, date de création de l'EFS, et dont les dites activités lui sont transférées de plein droit.
Or le conseil général de la Corrèze n'était plus à cette date gestionnaire du centre départemental de transfusion sanguine. Il n'est donc pas concerné par la loi et n'a pas pu, a fortiori, transférer ses obligations à l'EFS sur ce fondement. En effet, les activités du CDTS de la Corrèze avaient été transférées dès 1989 au centre hospitalier de Tulle, lequel est une personne morale de droit public. Aucune convention relative au transfert du contentieux transfusionnel n'a été établie entre le conseil général de la Corrèze et le centre hospitalier de Tulle, lequel n'a donc pas repris à son compte les obligations du département.
Par la suite, vous l'avez également rappelé, le centre hospitalier de Tulle a intégré le groupement d'intérêt public dénommé « établissement de transfusion sanguine du Limousin », créé le 22 mai 1995 en application de la loi n° 93-5 du 4 mars 1993. Puis, en application de la loi du 1er juillet 1998, une convention de transfert des droits et obligations ainsi que des créances et des dettes a été conclue le 13 décembre 1999 entre l'EFS et tous les membres du GIP, dont le département de la Corrèze ne faisait pas partie.
En second lieu, l'article 60 de la loi de finances rectificative n° 2000-1353 du 30 décembre 2000 prévoit un transfert de responsabilité du contentieux transfusionnel à l'Etablissement français du sang, au bénéfice des personnes morales dissoutes ou en cours de liquidation judiciaire au moment de la création de l'EFS. La reprise du contentieux transfusionnel par celui-ci a pour but l'indemnisation des victimes d'une contamination à l'hépatite C par transfusion sanguine, en les prémunissant du risque d'insolvabilité des personnes qui géraient antérieurement des centres de transfusion sanguine. Cet article vise uniquement les personnes morales de droit privé, à l'exclusion des personnes morales de droit public qui assumaient antérieurement la gestion des centres de transfusion sanguine. En effet, les personnes morales de droit public sont pérennes et solvables, et peuvent donc continuer à assumer les obligations nées de leurs anciennes activités.
Par conséquent, le département de la Corrèze, personne morale de droit public, continue à assumer la responsabilité du contentieux transfusionnel qui est né antérieurement au transfert desdites activités au centre hospitalier de Tulle.
En outre, il convient de préciser que les autres personnes morales de droit public, telles que le département des Hauts-de-Seine ou certains établissements publics placés dans une situation analogue à celle du conseil général de la Corrèze, n'ont jamais revendiqué la prise en charge de leur contentieux par l'EFS, faute de base juridique les autorisant à conclure une convention de cession de biens et de reprise des droits, des obligations, des créances et des dettes avec ce dernier.
Les projets du Gouvernement afférents au contentieux transfusionnel sont d'un tout autre ordre. Un projet de loi habilitant le Gouvernement à procéder par ordonnances à la simplification du droit est en cours d'élaboration et devrait permettre d'unifier le régime relatif au contentieux post-transfusionnel portant sur des contaminations antérieures à la création de l'Etablissement français du sang avec celui portant sur des contaminations postérieures, afin que les contentieux à naître relèvent de la compétence exclusive des juridictions administratives à partir de la date de publication de la loi.
Mais, pour le moment, le Gouvernement n'envisage pas le transfert à l'EFS des contentieux post-transfusionnels mettant en cause des collectivités locales. Je ne suis donc pas en mesure, monsieur le député, de vous apporter une réponse plus positive que celle-ci sur cette question difficile.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Dupont.
M. Jean-Pierre Dupont. Je regrette, madame la secrétaire d'Etat, que les dispositions législatives qui vont être proposées par le Gouvernement ne permettent pas le transfert des contentieux antérieurs à une certaine date.
Je relève au demeurant que certains départements n'ont pas les mêmes moyens que d'autres. En Corrèze, par exemple, nous sommes confrontés à bon nombre de contentieux et nous devrons en assumer les conséquences financières alors que nous n'avons pas exercé une compétence qui nous était propre. Il se trouve simplement que nous avions pris la décision de prendre sous notre coupe les associations de donneurs ainsi que le traitement du sang. Aujourd'hui, je ne dirai pas que nous payons le prix du sang, mais nous payons cher cette décision.
Mme la présidente.

Données clés

Auteur : M. Jean-Pierre Dupont

Type de question : Question orale

Rubrique : Santé

Ministère interrogé : santé

Ministère répondant : santé

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 27 avril 2004

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