énergie nucléaire
Question de :
M. Armand Jung
Bas-Rhin (1re circonscription) - Socialiste
M. Armand Jung appelle l'attention de M. le ministre délégué à l'industrie sur la centrale nucléaire de Fessenheim, la plus ancienne centrale nucléaire française qui soit encore en activité, ses deux réacteurs ayant été mis en service en 1977 et 1978. Depuis le 24 janvier 2004, douze agents de cette centrale nucléaire ont été contaminés, du fait d'erreurs de procédures ou encore d'une mauvaise exécution des travaux : ces événements doivent nous amener à nous interroger sur le bien-fondé de son exploitation dans l'avenir car c'est une centrale nucléaire dangereuse et inutile. En conséquence, il lui demande de prendre une position claire à ce sujet, au nom de la sécurité de nos concitoyens.
Réponse en séance, et publiée le 5 mai 2004
CONDITIONS DE SÉCURITÉ DE LA CENTRALE NUCLÉAIRE
DE FESSENHEIM
M. le président. La parole est à M. Armand Jung, pour exposer sa question, n° 707, relative aux conditions de sécurité de la centrale nucléaire de Fessenheim.
M. Armand Jung. Monsieur le ministre délégué aux petites et moyennes entreprises, ma question était adressée à M. le ministre délégué à l'industrie.
La centrale nucléaire de Fessenheim, implantée en Alsace, est la plus ancienne centrale française encore en activité : ses deux réacteurs ont été mis en service en 1977 et 1978. Sans vouloir dresser un bilan exhaustif des incidents qui se sont produits au fil des années, je souligne que, depuis le 24 janvier 2004, douze agents de cette centrale nucléaire ont été contaminés du fait d'erreurs de procédures et d'analyses, ou encore d'une mauvaise exécution des travaux.
Ces événements doivent nous amener à nous interroger sur le bien-fondé de son exploitation dans l'avenir, car c'est une centrale nucléaire dangereuse et inutile.
Elle est d'abord dangereuse. Ce n'est un secret pour personne : la centrale de Fessenheim souffre de deux handicaps majeurs, outre son obsolescence incontestable.
D'une part, elle est placée en dessous du niveau du grand canal d'Alsace. Une rupture de sa digue causerait une catastrophe naturelle et humaine majeure. La commission de surveillance de la centrale réclame depuis des années une étude à ce sujet mais cette proposition, qui relève du bon sens, a toujours été rejetée avec véhémence à la fois par EDF et par la DRIRE d'Alsace.
D'autre part, la centrale de Fessenheim est exposée à un risque sismique régulièrement souligné par l'Institut du globe de Strasbourg, qui étudie les mouvements sismologiques de notre planète. Il est nécessaire qu'une expertise indépendante puisse évaluer le réel degré de protection de cette installation nucléaire face à la sismicité.
Après avoir consulté des scientifiques et des spécialistes faisant autorité en la matière, ainsi que des employés du site et des élus locaux, je constate que personne n'a pu raisonnablement me garantir que la survenue d'un accident majeur était à exclure.
Cette centrale est également inutile.
La question de la rentabilité effective des anciennes centrales telles que Fessenheim se pose en effet avec acuité. Chaque réacteur de la centrale ne fournit que 1,44 % de la production d'électricité d'origine nucléaire dans notre pays : la fermeture des deux tranches de la centrale ne représenterait donc qu'une baisse de 3 % de la production française d'électricité d'origine nucléaire.
De plus, compte tenu de l'allongement de leurs périodes d'indisponibilité, il est certain que les deux réacteurs de Fessenheim sont engagés dans une spirale financière les menant à une production à perte, les coûts de maintenance et de réparation tendant à devenir prédominants.
L'accumulation de déchets radioactifs et l'augmentation des doses d'irradiation subies par les agents, en raison de la multiplication des interventions, sont des éléments qui doivent être pris en compte, au nom de la santé publique.
Les centrales vieillissantes nécessitent une vigilance accrue et un renforcement des moyens d'intervention. Or nous assistons au contraire à une dégradation de la politique de sûreté, associée à une volonté de diminution des coûts : la consommation de deniers publics et les risques encourus par la population l'emportent largement sur une fonction de production électrique amoindrie.
Dans ces conditions, je pense très sincèrement que la centrale nucléaire de Fessenheim serait plus utile à l'arrêt qu'en activité. En effet, arrêter la centrale ne signifierait pas clore le site, car ce dernier pourrait être reconverti à des fins de recherche et de formation.
Je demande donc au Gouvernement de prendre une position claire à ce sujet, au nom de la sécurité de nos concitoyens.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation.
M. Christian Jacob, ministre délégué aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Monsieur le député, je renouvelle les excuses que mon collègue Patrick Devedjian m'a demandé de vous transmettre. Il m'a chargé de vous faire la réponse suivante.
Vous avez attiré son attention sur la centrale de Fessenheim, qui a connu, au cours de ces derniers mois, des incidents de contaminations d'une douzaine d'agents y travaillant, dus à des erreurs de manipulation ou de procédure.
Monsieur le député, on ne peut à la fois vouloir une transparence totale dans le domaine nucléaire et mettre artificiellement en avant des chiffres faussement alarmistes.
La déclaration de tous ces incidents relève d'une démarche de totale transparence dans le domaine nucléaire, transparence à laquelle le Gouvernement souscrit sans réserve. A contrario, cette transparence ne doit pas conduire à susciter des peurs non réellement fondées. En effet, les incidents constatés à Fessenheim ne concernent que de faibles expositions : 0,5 millisievert alors que le seuil limite d'exposition est de 35 millisieverts. Vous voyez qu'il reste une marge importante.
L'Autorité de sûreté nucléaire a classé ces incidents au niveau 1 de l'échelle de gravité, qui en comporte sept. Rappelons pour mémoire qu'il y a chaque année en France plus d'une centaine d'incidents de niveau 1.
D'une façon générale, le ministre délégué à l'industrie souhaite la plus grande rigueur et la plus grande vigilance quant à la sûreté de nos installations. C'est la mission qu'il a confiée à l'Autorité de sûreté nucléaire : elle doit s'exercer à Fessenheim comme dans toutes les centrales françaises.
En ce qui concerne l'état des installations de Fessenheim, il faut souligner que celles-ci ont fait l'objet en 1999 et 2000 de visites décennales dans le cadre du réexamen de sûreté des réacteurs de 900 mégawatts. Ces visites décennales constituent une sorte de grand carénage au cours duquel d'importants travaux de modification et de maintenance ont permis d'améliorer le niveau de sûreté des réacteurs. L'une des conclusions du réexamen de sûreté des réacteurs de 900 mégawatts pour leurs deuxièmes visites décennales était d'ailleurs que ce réexamen avait permis d'amener Fessenheim au même niveau de sûreté que les autres réacteurs de 900 mégawatts.
Vous évoquez par ailleurs dans votre question l'ancienneté des réacteurs de Fessenheim, mis en service respectivement en 1977 et 1978. C'est précisément en raison de l'âge vieillissant du parc nucléaire français que le Gouvernement a opté pour le démonstrateur EPR afin de préparer la possibilité d'un renouvellement de ce parc à l'horizon 2020, lorsque les centrales seront en fin de vie.
Dans cette attente, la centrale de Fessenheim, comme toutes les autres centrales françaises, devra bien évidemment maintenir un très haut niveau de sûreté et se conformer à toutes les normes et contrôles prévus à cet effet pour garantir et préserver la sécurité tant des agents d'EDF que de nos concitoyens, mais également pour produire l'énergie dont nous avons besoin.
A cet égard, il faut rappeler que le gouvernement précédent, pour sa part, n'avait pris aucune décision pour le renouvellement du parc électronucléaire et n'avait présenté aucune politique énergétique claire. Au-delà des critiques, c'est notre futur énergétique qu'il convient de construire. Et c'est ce à quoi le Gouvernement s'attelle, monsieur le député.
M. le président. La parole est à M. Armand Jung.
M. Armand Jung. Monsieur le ministre, alors que l'Assemblée nationale vient de débattre des problèmes liés à l'énergie, alors que le Gouvernement s'apprête à déposer un projet de loi sur ce thème, alors que le Président de la République vient de réaffirmer son attachement à la Charte pour l'environnement hissant le principe de précaution à un rang constitutionnel, je ne peux qu'être extrêmement déçu de votre réponse, que je trouve pour le moins incomplète.
D'après toutes les personnes que j'ai interrogées et écoutées, le problème n'est plus de savoir si un incident majeur est susceptible de se produire à Fessenheim : il est de savoir quand il se produira. Par conséquent, personne ne pourra dire qu'il ne savait pas !
Auteur : M. Armand Jung
Type de question : Question orale
Rubrique : Énergie et carburants
Ministère interrogé : industrie
Ministère répondant : industrie
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 mai 2004