DOM : Martinique
Question de :
M. Louis-Joseph Manscour
Martinique (1re circonscription) - Socialiste
M. Louis-Joseph Manscour appelle l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur les graves difficultés qui s'annoncent pour la rentrée 2004 dans l'académie de la Martinique. Ces difficultés résultent, en grande partie, de la très mauvaise gestion des personnels enseignants et des conséquences prévisionnelles désastreuses du transfert des personnels techniques, ouvriers et de service (TOS) dans notre région. La décision de suppression de plus de 60 postes d'enseignement pour la rentrée 2004, que la baisse tendancielle de la démographie scolaire ne saurait légitimer, suscite, à juste titre, l'inquiétude des enseignants et des parents d'élèves. De plus, cette suppression de postes s'accompagne de grandes difficultés pour près de 600 enseignants martiniquais qui sont encore confinés dans les statuts précaires de vacataire et de maître auxiliaire alors que de nombreux départs en retraite sont prévus. Cette absence, évidente et dommageable, de gestion prévisionnelle des personnels d'enseignement s'accompagne des conséquences désastreuses du transfert des personnels TOS aux collectivités régionale et départementale. Ce transfert, qui se fait en dehors de toute concertation et qui n'offre aucune garantie statutaire aux personnels, va démanteler les équipes pédagogiques en place et provoquer, sans aucun doute, une grave crise financière pour les collectivités territoriales au nom d'un équilibre budgétaire que le Gouvernement semble avoir de plus en plus de difficultés à trouver. Il lui demande donc de bien vouloir l'informer des éventuelles initiatives que son ministère compte prendre en direction des enseignants et des parents d'élèves de la Martinique, dont les inquiétudes légitimes, face à la remise en cause du service public d'éducation, laissent présager une rentrée 2004 mouvementée.
Réponse en séance, et publiée le 19 mai 2004
DÉGRADATION DES CONDITIONS
DE L'ENSEIGNEMENT EN MARTINIQUE
M. Louis-Joseph Manscour. Monsieur le président, monsieur le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, mes chers collègues, je veux attirer l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur les graves difficultés qui s'annoncent pour la rentrée 2004 dans l'académie de la Martinique et qui ont pour cause principale la très mauvaise gestion, par le Gouvernement, des personnels d'enseignement et des personnels techniques, ouvriers et de service de l'éducation nationale.
La suppression programmée, pour septembre prochain, de soixante postes suscite une vive inquiétude chez les enseignants, les parents d'élèves et les organisations syndicales. Les services du ministre de l'éducation nationale justifient cette suppression de postes par la baisse tendancielle de la démographie scolaire ; mais ils s'appuient sur des données pour le moins surannées puisque datant de 1998.
A cette suppression de postes, injustifiée, s'ajoute la situation de près de 600 enseignants martiniquais qui restent confinés dans les statuts précaires de vacataires et de maîtres auxiliaires au moment où les nombreux départs à la retraite devraient inciter à une gestion rationnelle et prévisionnelle des remplacements et des affectations. Mais cette gestion semble faire défaut dans notre région où, par exemple, de jeunes diplômés formés à l'IUFM de la Martinique se retrouvent nommés à plus de 8 000 kilomètres alors que des postes sont vacants à quelques kilomètres de leur domicile.
Monsieur le ministre, le volet de transfert des TOS est tout aussi préoccupant. Comme vous le savez, ces personnels sont considérés, à juste titre, comme partie intégrante des équipes éducatives. Ils sont très inquiets et la réforme gouvernementale sur les responsabilités locales est loin de les rassurer.
Vous voulez donc nous conduire subrepticement vers une véritable externalisation des charges, voire une privatisation sans ignorer, bien évidemment, la pression qui s'exercera sur les élus de proximité. Ce projet de transfert des personnels TOS est donc un véritable cadeau empoisonné que Gouvernement veut offrir aux collectivités. En définitive, votre réforme se résume en une stratégie très simple : transférer aux collectivités décentralisées, sous couvert de responsabilités locales, les difficultés budgétaires de l'Etat.
Force est donc de constater que les objectifs de restrictions budgétaires de M. Sarkozy s'imposent aussi au ministre de l'éducation nationale. Et ce au détriment de l'école de la République qui ne doit pas faire l'objet d'une quelconque marchandisation. L'école de la République ne saurait être sacrifiée sur l'autel du libéralisme. Il est des domaines où l'on ne compte pas, car l'éducation de nos enfants n'a pas de prix.
Alors, face à cette situation inquiétante que connaît l'enseignement public à la Martinique mais aussi dans le reste des Antilles, je vous demande de bien vouloir nous informer des éventuelles initiatives que le ministère de l'éducation nationale compte prendre en direction de la communauté éducative dont l'inquiétude légitime, face à la remise en cause du service public d'éducation, laisse présager une rentrée 2004 incertaine, pour ne pas dire mouvementée.
Allez-vous remettre à la disposition de l'académie de la Martinique les postes supprimés ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
M. Renaud Dutreil, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Monsieur le député, François Fillon, retenu au ministère de l'éducation nationale, m'a demandé de vous transmettre les éléments de réponse suivants.
Malgré un contexte budgétaire difficile, la loi de finances pour 2004 confirme néanmoins la priorité donnée à l'éducation. Ainsi, la progression réelle du budget de l'enseignement scolaire est de 2,8 % par rapport à 2003.
En ce qui concerne plus particulièrement les effectifs d'enseignants, il est normal que ceux-ci soient redéployés à l'aune des évolutions démographiques qui affectent la rentrée 2004. Ainsi, pour le premier degré, on prévoit 53 400 élèves supplémentaires et, pour le second degré, une baisse de 34 000 élèves.
Les mouvements d'emplois à la rentrée 2004 s'équilibreront donc entre d'une part, la création de 1 460 emplois dans le premier degré et de 150 emplois de personnels d'éducation, de direction et d'inspection et, d'autre part, la suppression de 1 610 emplois d'enseignant du second degré.
Il convient néanmoins de préciser que cette dernière mesure intervient au terme d'une période où des emplois étaient créés malgré les baisses d'effectifs scolarisés.
C'est dans ce cadre que l'académie de la Martinique s'est vu appliquer une mesure d'ajustement. Dans le premier degré une réduction de 26 emplois permettra néanmoins, compte tenu de l'évolution prévue des effectifs d'élèves, de maintenir des conditions d'enseignement et un taux d'encadrement tout à fait favorables.
Il est à noter que le taux d'encadrement dans l'académie devrait rester le plus élevé de France avec 6,06 emplois pour 100 élèves à la rentrée 2004, la moyenne nationale devant s'établir, quant à elle, à 5,33.
Pour ce qui concerne le second degré, où la baisse démographique attendue, pour la rentrée 2004, est de 281 élèves, dix-neuf équivalents temps plein ont été retirés à l'académie. Cette mesure ne devrait guère affecter le taux d'encadrement puisque le nombre d'élèves par division était de 23,11 à la rentrée 2003, taux nettement plus favorable que la moyenne nationale, qui est de 24,01.
S'agissant de l'encadrement, l'académie de la Martinique bénéficie de l'attribution, à la rentrée 2004, de deux emplois de conseiller principal d'éducation et de cinquante-quatre assistants d'éducation, outre le remplacement des maîtres d'internat-surveillants d'externat quittant leurs fonctions.
Monsieur le député, s'agissant des TOS, vous pratiquez l'amalgame et la caricature ! On ne peut pas confondre décentralisation et privatisation. Que vous appeliez privatisation ce qui est une décentralisation me laisse perplexe. Décentraliser, c'est transférer des compétences à des collectivités territoriales chargées d'assurer elles aussi le service public.
A vous entendre, on a l'impression que la fonction publique territoriale n'a rien à voir avec la fonction publique, alors que ceux qui y travaillent méritent qu'on leur rende hommage, que l'on reconnaisse leur valeur...
M. Michel Hunault. Très bien !
M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. ...et non qu'on les caricature, comme vous le faites !
N'insultons pas ces centaines de milliers de fonctionnaires de la fonction publique territoriale qui méritent votre respect.
M. Thierry Mariani et M. Michel Hunault. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Louis-Joseph Manscour.
M. Louis-Joseph Manscour. Monsieur le ministre, je n'insulte pas les agents des collectivités territoriales. Je suis maire depuis dix-huit ans et j'ai beaucoup de respect pour eux. Mais vous savez bien que les conditions dans lesquelles se fera le transfert risquent de leur causer un préjudice, car nos collectivités d'outre-mer connaissent des difficultés autrement plus graves que celles de métropole.
Si l'on considère les seuls chiffres, il est vrai que la population scolaire diminue. Mais il faut tenir compte du fait que le taux d'échec scolaire est, dans les DOM, deux fois supérieur à celui de métropole et que les zones d'éducation prioritaire sont très nombreuses. Etant moi-même enseignant, je peux vous dire les difficultés que nous rencontrons. Les calculs mécaniques, c'est bien joli, mais il faut tenir compte de la situation particulière des DOM, liée notamment à l'insularité et aux difficultés qu'éprouvent les enseignants à exercer convenablement leur métier.
Auteur : M. Louis-Joseph Manscour
Type de question : Question orale
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : éducation nationale
Ministère répondant : éducation nationale
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 18 mai 2004