permis de conduire
Question de :
M. Jean Auclair
Creuse (2e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Jean Auclair interroge M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la lutte contre la violence routière qui est l'un des grands chantiers fixés par le Président de la République. A cet égard, un large plan de lutte a été mis en place sous l'impulsion du Premier ministre et il porte ses fruits même si l'actualité confirme que les drames de la route commis par des chauffards perdurent. Dans ce cadre, penser aux victimes de la délinquance routière doit conduire notre action avec détermination. Cependant, certains contrôles ne relèvent pas de cette lutte indispensable contre la violence routière et sont considérés comme du harcèlement par bon nombre de nos concitoyens. En Creuse, où la délinquance est minime, les forces de sécurité s'en donnent à coeur joie à l'encontre de la population. En milieu rural, dont la spécificité a été reconnue très récemment dans le projet de loi sur le développement des territoires ruraux, les transports publics sont quasi inexistants et le retrait du permis de conduire est souvent synonyme de perte d'emploi. Aussi, lui demande-t-il de rétablir le permis aménagé dit « permis blanc », notamment en milieu rural, pour ceux qui ont vraiment besoin de leur voiture pour travailler ou pour se rendre à leur travail.
Réponse en séance, et publiée le 9 juin 2004
RÉTABLISSEMENT DU PERMIS BLANC
M. le président. La parole est à M. Jean Auclair, pour exposer sa question, n° 813, relative au rétablissement du permis blanc.M. Jean Auclair. Madame la secrétaire d'État aux droits des victimes, la lutte contre la violence routière est l'un des grands chantiers fixés par le Président de la République. À cet égard, un large plan de lutte a été mis en place sous l'impulsion du Gouvernement, et il porte ses fruits, même si l'actualité confirme que les drames de la route commis par des chauffards perdurent. Dans ce cadre, penser aux victimes de la délinquance routière doit conduire notre action avec détermination.
Récemment, j'ai relayé l'opinion publique car certains contrôles routiers ne relèvent pas de cette lutte indispensable contre la violence routière et sont considérés comme du harcèlement par bon nombre de nos concitoyens. Ainsi, en Creuse, où la délinquance est minime, les forces de sécurité s'en donnent à coeur joie à l'encontre des conducteurs. Si vous ne me croyez pas, le président Baroin et un huissier de l'Assemblée peuvent témoigner de ce qui se passe dans notre beau département ! (Sourires.)
En milieu rural, dont la spécificité a été reconnue très récemment dans le projet de loi sur le développement des territoires ruraux, les transports publics sont quasi inexistants et le retrait du permis de conduire est souvent synonyme de perte d'emploi. Il faut donc absolument rétablir le permis aménagé, dit " permis blanc ", notamment en milieu rural, pour ceux qui ont vraiment besoin de leur voiture pour travailler ou pour se rendre à leur travail.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État aux droits des victimes.
Mme Nicole Guedj, secrétaire d'État aux droits des victimes. Monsieur le député, avant de vous apporter la réponse que Dominique Perben me charge de vous donner, je veux vous dire à quel point j'apprécie cette nouvelle forme d'appel à témoins dans l'hémicycle. (Sourires.)
M. Jean Auclair. Merci !
Mme la secrétaire d'État aux droits des victimes. La loi du 12 juin 2003 renforçant la lutte contre la violence routière a effectivement supprimé la possibilité pour le juge d'aménager la peine de suspension du permis de conduire, en cas d'homicide et de blessures involontaires par le conducteur d'un véhicule à moteur et pour les délits les plus graves au code de la route.
À l'occasion des débats devant votre assemblée sur ce qui n'était à l'époque qu'un projet de loi, le Gouvernement avait exposé l'idée que, dans un objectif à la fois de répression et de prévention, il valait mieux suspendre le permis de conduire pendant une durée plus brève, sans possibilité d'aménagement, plutôt que de suspendre, pendant par exemple un an, le permis de conduire d'un conducteur, tout en lui permettant d'utiliser son véhicule toute la semaine, à certaines heures, en raison de son activité professionnelle.
En effet, lorsqu'il prononce la peine de suspension du permis de conduire, à titre de peine complémentaire ou de peine alternative, le juge prend en compte la gravité des faits qui sont reprochés au prévenu, mais tient compte aussi de sa dangerosité. Comment un même conducteur pourrait-il être dangereux à certaines heures et pas à d'autres ?
Par ailleurs, en pratique, le prévenu fait l'objet dans un premier temps d'une suspension administrative du permis de conduire par le préfet, et cette suspension n'est pas aménageable.
Lorsque le juge judiciaire intervient, il lui appartient d'apprécier en opportunité s'il est nécessaire de prolonger la durée de la suspension administrative du permis de conduire.
Pour les faits les plus graves, il est nécessaire que cette peine soit prononcée et qu'elle soit exécutée sans aménagement du permis de conduire.
Par contre, chaque fois qu'il apparaîtra au juge judiciaire, eu égard aux faits de l'espèce et aux éléments de personnalité du prévenu, qui peut effectivement ne disposer d'aucun autre mode de transport, que la suspension du permis de conduire n'est pas la sanction la plus appropriée, il peut prononcer d'autres peines complémentaires.
Lorsque cela est possible, il est évident qu'il vaut mieux que le juge prononce une peine complémentaire qui soit effectivement exécutée, qu'une peine de suspension du permis de conduire qui fasse l'objet d'un aménagement.
À cet égard, je vous rappelle que la loi du 12 juin 2003 a créé une nouvelle peine complémentaire spécialement adaptée à la délinquance routière, il s'agit de la peine imposant au condamné de suivre un stage de sensibilisation à la sécurité routière. Cette peine peut être ainsi préférable dans certain cas à une peine de suspension du permis de conduire, notamment lorsque le condamné est domicilié dans une zone rurale.
Dans la circulaire d'application de cette loi adressée aux juridictions le 20 juin 2003, il est demandé aux magistrats du parquet de prendre en compte ces critères d'appréciation dans leurs réquisitions afin de concilier justice et efficacité.
Je rappelle enfin qu'en matière de contravention au code de la route, le juge de police ou le juge de proximité, selon le cas, peut toujours ordonner l'aménagement de la peine de suspension du permis de conduire.
M. le président. La parole est à M. Jean Auclair.
M. Jean Auclair. Madame la secrétaire d'État, je ne voudrais pas que la réponse que vous venez de me faire reste sans suite.
Soyons bien clairs, je ne défends pas les chauffards, mais tous les chauffeurs ne sont pas des délinquants. Or, en Creuse, pour un oui ou pour un non, on prend un PV. Les PV s'accumulent et, rapidement, les chauffeurs n'ont plus de points et plus de permis de conduire. Le harcèlement, je le répète, conduit à faire prévaloir la répression sur la prévention.
Au niveau de la sécurité, beaucoup a été fait, c'est vrai, et le nombre d'accidents a diminué, parce qu'on a responsabilisé les chauffeurs. Maintenant, il faut absolument rétablir le permis aménagé, sous le contrôle du juge. C'est le juge qui, en fonction de la gravité des délits, jugera s'il faut aménager le permis.
Vous parlez d'autres peines, et c'est peut-être intéressant, mais mettez-vous à la place de ces gens qui ne sont pas criminels et qui, à force d'être harcelés, deviennent des victimes. Vous qui êtes la secrétaire d'État aux droits des victimes, j'espère que vous allez résoudre ce problème.
On a l'impression qu'il y a une France à deux vitesses, la technostructure et ceux qui, au lieu d'être protégés, deviennent des victimes de la dictature bureaucratique. Les termes ne sont pas trop forts ! C'est exactement ce qui se passe, et tout le monde en a ras le bol ! Tout le monde est pour la sécurité mais on voudrait souffler un petit peu. En Creuse, comme dans d'autres départementaux ruraux, quand on n'a plus de permis de conduire et qu'on ne peut plus prendre sa voiture, on ne peut plus aller travailler ! Tout cela a d'ailleurs des effets pervers, et tout le monde le sait très bien. Aujourd'hui, les gens qui veulent aller travailler roulent sans permis de conduire ! Voilà où on en arrive ! La loi a conduit à des absurdités et à des exagérations. Je vous demande donc de prendre en compte la problématique de tous ces gens qui ne sont pas des délinquants.
Auteur : M. Jean Auclair
Type de question : Question orale
Rubrique : Sécurité routière
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 8 juin 2004