Question orale n° 828 :
élèves

12e Législature

Question de : M. Pierre Bourguignon
Seine-Maritime (3e circonscription) - Socialiste

M. Pierre Bourguignon attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur les difficultés de scolarisation des enfants de deux à trois ans rencontrées par les familles. Cette scolarisation est de plus en plus difficile à mettre en oeuvre face à des effectifs par classe de plus en plus importants consécutifs à des fermetures de classes. Ainsi en est-il dans sa circonscription de Seine-Maritime et notamment à Sotteville-lès-Rouen. Cette situation provoque une angoisse supplémentaire pour les parents qui, à trois mois de la rentrée scolaire, doivent trouver un mode de garde pour leurs enfants. Elle conduit les communes à accepter ces enfants dans des structures municipales, si place il y a, et d'en assumer le coût. Pourtant, l'école maternelle a des objectifs spécifiques et une pédagogie qui lui est propre. En fait l'État se désengage de sa mission d'éducation des tout-petits sur les communes qui correspond à un transfert de charges déguisé. C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir lui apporter des précisions sur les intentions du Gouvernement quant à l'accueil des tout jeunes enfants en classe maternelle et de lui indiquer sa position afin de répondre aux préoccupations des parents et des élus des communes concernés.

Réponse en séance, et publiée le 23 juin 2004

SCOLARISATION DES ENFANTS
DE MOINS DE TROIS ANS

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Bourguignon, pour exposer sa question, n° 828.
M. Pierre Bourguignon. La scolarisation des enfants de moins de trois ans profite en particulier, bon nombre d'entre nous le savent, aux enfants des milieux les moins favorisés. C'est là que l'effet d'une scolarisation précoce, je parle bien d'une scolarisation, pas d'une garde, semble le plus évident.
Malheureusement, force est de constater que cette scolarisation est de plus en plus difficile à mettre en oeuvre. En effet les effectifs par classe sont de plus en plus importants, notamment à la suite de fermetures de classes.
Ainsi en est-il en Seine-Maritime et plus particulièrement à Sotteville-lès-Rouen, commune où l'on ne ménage pourtant pas ses efforts pour l'éducation des enfants.
Du fait de la fermeture d'une classe maternelle, qui fait suite à d'autres fermetures, soixante-quatre enfants sont actuellement inscrits sur la liste d'attente, dont cinquante ont moins de trois ans, et nos classes de maternelle, dont le nombre passera de trente-quatre à trente-trois à la rentrée, compteront 29,43 élèves en moyenne, hors ZEP.
Cette situation provoque une inquiétude supplémentaire pour les parents qui, à trois mois de la rentrée scolaire, doivent trouver un mode de garde pour leurs enfants. Elle conduit la commune à essayer d'accepter ces enfants dans des structures municipales, si des places sont encore disponibles, à charge pour elle d'en assumer le coût.
Cette solution, qui reste provisoire pour les parents, n'est pas respectueuse de l'équilibre et de l'épanouissement de leurs enfants.
L'école maternelle a des objectifs spécifiques, en particulier des apprentissages dans les domaines du langage, de la motricité, de l'éveil au monde environnant, à travers une pédagogie qui lui est propre, différente des autres structures d'accueil de la petite enfance. Un récent rapport de l'éducation nationale relève qu'après quatre ans de maternelle, les enfants sont plus à l'aise pour acquérir de nouveaux savoirs et plus autonomes.
Le choix d'ouvrir l'école aux petits a un coût mais il traduit une ambition pour la jeunesse et le pays, c'est un choix politique. Quelles sont les intentions du Gouvernement quant à l'accueil des jeunes enfants en classes de maternelle, accueil qui, je le répète, participe à l'égalité des chances pour nos enfants ? Par ailleurs, peut-on m'expliquer pourquoi Sotteville-lès-Rouen est particulièrement maltraitée ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué à la recherche.
M. François d'Aubert, ministre délégué à la recherche. Monsieur le député, François Fillon, qui est retenu au ministère de l'éducation nationale, m'a chargé de vous apporter les éléments de réponse suivants.
Faire ses premiers pas à l'école est un événement chargé en émotion tant pour les enfants que pour les parents. Reste à savoir à quel âge. Mais la vraie question n'est-elle pas plutôt de savoir ce que l'on attend de l'école maternelle ?
L'école maternelle, il faut le rappeler, n'a pas vocation a se substituer à un mode de garde d'enfants. Elle est en effet, vous l'avez rappelé fort justement, une étape à part entière du parcours éducatif. Une étape d'autant plus importante qu'elle fournit aux enfants les bases de l'éveil puis des apprentissages fondamentaux dont dépendra bien souvent la suite de la scolarité.
Si nul ne peut préjuger l'âge idéal pour la rejoindre, nous pouvons nous accorder sur le principe que l'enfant doit être prêt à passer cette étape. Quelle doit être la durée de cette étape ? Là aussi, je crois qu'il faut être pragmatique. Vous dites quatre ans, mais d'autres considèrent que trois ans sont suffisants. Cela dépend de l'âge précis auquel on entre à l'école maternelle et des aptitudes des enfants. Pour certains enfants précoces, une scolarisation à moins de trois ans peut être profitable, mais ce n'est sans doute pas le cas pour tous.
Le taux de scolarisation entre deux et trois ans est d'ailleurs très variable selon les départements. Si, globalement, 30 % des enfants qui ont entre deux et trois ans sont scolarisés pour l'ensemble de la France, ce pourcentage n'est pas le même dans toutes les communes.
À Sotteville-lès-Rouen, la situation pour la prochaine rentrée offre les garanties que je viens de rappeler. Je ne crois pas que cette commune ait une quelconque raison de se croire victime d'une sorte de maltraitance administrative. Tous les enfants de deux ans de la zone d'éducation prioritaire pourront être scolarisés si les parents le souhaitent, tandis qu'une vingtaine de places restent encore disponibles pour d'autres enfants. En fonction des besoins constatés, l'État met à la disposition des communes les moyens dont elles ont besoin pour gérer les effectifs de ces très jeunes élèves. À Sotteville-lès-Rouen comme ailleurs, l'offre évolue en fonction des effectifs.
Le Gouvernement a fait le choix de ne pas décider à la place des parents ce qui est bon pour les enfants. C'est pourquoi, conscients du déficit de l'offre de garde pour les jeunes enfants, nous avons mis en oeuvre un plan crèches destiné à financer 20 000 nouvelles places dans les structures collectives. Par ailleurs, le Sénat a adopté en première lecture un projet de loi qui revalorise le statut des assistantes maternelles.
C'est donc sans dogmatisme mais avec beaucoup de pragmatisme que l'État gère les deux-trois ans, tout en gardant comme référence une scolarisation à trois ans.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Bourguignon.
M. Pierre Bourguignon. Je vous remercie, monsieur le ministre, de m'avoir transmis le message de votre collègue.
Même si, comme vous, je pense qu'il ne peut y avoir de règle systématique, je voudrais revenir sur le cas de Sotteville-lès-Rouen.
L'avenir de nos enfants est pour nous une priorité. À tel point que nous avons prévu de consacrer 2 200 000 euros au projet éducatif local, auquel l'État participerait pour 11 700 euros. Cet effort commun doit permettre l'emploi d'un agent spécialisé des écoles maternelles par classe et d'un ASEM par enfant handicapé en intégration scolaire, ainsi que l'organisation d'un accueil périscolaire associatif midi et soir et un travail sur l'aménagement du temps de l'enfant. Nous avions même commencé à réfléchir sur un partenariat à propos d'un projet de classes passerelles. C'est dire l'effort de la commune !
Malheureusement, tout cela est bloqué pour une simple question d'âge. À cause d'une fermeture de classe, nous nous retrouvons avec soixante-quatre enfants en liste d'attente pour vingt places disponibles. Jusqu'à présent, nous travaillions en partenariat avec l'éducation nationale. Aujourd'hui, l'éducation nationale organise, si j'ose dire, son absence. Je souhaite, monsieur le ministre, que vous vous fassiez mon porte-parole auprès de votre collègue.

Données clés

Auteur : M. Pierre Bourguignon

Type de question : Question orale

Rubrique : Enseignement maternel et primaire

Ministère interrogé : éducation nationale

Ministère répondant : éducation nationale

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 22 juin 2004

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