SNCF
Question de :
Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont
Haute-Vienne (3e circonscription) - Socialiste
Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer sur les évolutions envisagées en matière de fret ferroviaire en Limousin. La SNCF engage actuellement une transformation profonde de son activité fret prévoyant l'abandon de 20 % des transports de marchandises faute de rentabilité. Elle souhaite en conséquence l'interroger sur la nécessité de prendre en compte les incidences néfastes de cette restructuration tant en termes de politique nationale d'aménagement du territoire que pour l'emploi et l'économie d'une région comme le Limousin.
Réponse en séance, et publiée le 23 juin 2004
PERSPECTIVES DU FRET FERROVIAIRE EN LIMOUSIN
M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, pour exposer sa question, n° 832.Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Monsieur le secrétaire d'État aux transports et à la mer, je souhaite une nouvelle fois appeler votre attention sur les orientations envisagées en matière de fret ferroviaire. La réponse que vous venez de faire à l'un de mes collègues sur le même sujet n'est pas de nature à totalement me rassurer.
Force est de constater que le plan fret engendre un repli important du fret ferroviaire et qu'il suscite, à juste titre, de vives réactions de la part des personnels ainsi que des professionnels, en particulier de la forêt.
Certes, cette décision ne constitue pas une surprise tant elle s'inscrit dans la ligne de la politique qu'entend conduire le Gouvernement et qui affiche des objectifs comme l'abandon du projet consistant à tripler le fret ferroviaire à l'horizon 2020 et celui des programmes alternatifs au tout-routier, tels que le fer ou le cabotage, qu'avait initiés le précédent gouvernement.
Cette politique nous engage dans une voie qui me paraît extrêmement dangereuse, dans la mesure où elle privilégie l'explosion du transfert routier au détriment du ferroutage. Or le ferroutage est une alternative satisfaisante, pour des raisons de qualité environnementale et de sécurité. D'ailleurs, c'est une option défendue par la majorité des responsables politiques.
De plus, cette politique porte une nouvelle fois atteinte au service public des transports ferroviaires en accordant la priorité à la seule rentabilité économique.
Je voudrais enfin, monsieur le secrétaire d'État, vous alerter sur les conséquences désastreuses de ce plan fret pour une région comme le Limousin, où la SNCF achemine 200 000 tonnes de bois par an. Ce plan va réduire de façon non négligeable l'activité de l'entreprise publique puisqu'en trois ans seront supprimés les postes d'une centaine de conducteurs, d'une douzaine d'agents dans les triages ainsi que des dizaines d'emplois à la direction régionale, tout en nuisant concomitamment à l'image de la région SNCF de Limoges, qui sera la première à ne plus avoir de représentation commerciale et qui verra la fermeture de plusieurs gares au transport de marchandises.
Ce plan fret, en remettant en question le transport du bois, va par ailleurs pénaliser fortement une partie de l'activité régionale. La filière bois a pourtant un poids économique non négligeable, avec 11 500 emplois et 1,2 milliard d'euros de chiffre d'affaires. Il serait ainsi envisagé de ne maintenir qu'un tiers des gares bois, en sollicitant à nouveau l'intervention des collectivités territoriales pour participer à leur aménagement. Je vous rappelle que celles-ci ont déjà déployé des efforts financiers extrêmement importants pour réparer les dégâts causés par la tempête de 1999, sans parler du coût que représente pour elles l'entretien des réseaux routiers, communaux et départementaux, mis à mal par un trafic de poids lourds de plus en plus dense. J'ajoute que c'est l'activité TER qui devra supporter la totalité du coût des charges d'infrastructure, actuellement partagées avec le fret.
Monsieur le secrétaire d'État, je vous demande de bien vouloir prendre en compte les incidences néfastes de cette restructuration, tant en termes d'aménagement du territoire et d'impact sur les budgets locaux, l'emploi et l'économie des régions, qu'en termes d'environnement. Je vous remercie de votre réponse.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État aux transports et à la mer.
M. François Goulard, secrétaire d'État aux transports et à la mer. Madame la députée, si nous convergeons sur les objectifs, nous divergeons sur les solutions à mettre en oeuvre. Je ne vais pas vous répéter la réponse que j'ai faite précédemment à votre collègue député de l'Indre, mais il est incontestable que, s'agissant du fret ferroviaire, nous courions à la catastrophe faute d'avoir réorganisé à temps cette activité.
Nous souhaitons tous, c'est vrai, que le fret se développe et prenne des parts de marché au transport routier. Mais cette activité voit ses parts de marché reculer depuis 1945, et ce recul s'est accentué au cours d'une période récente. Certains chiffres sont tout à fait éloquents : savez-vous qu'une locomotive de fret est utilisée en moyenne quatre heures et demie par jour ? Il est clair que la sous-utilisation d'un équipement aussi lourd n'est pas rentable. Elle ne permet même pas d'éviter des déficits, qui pénalisent l'ensemble de la collectivité et qui, à terme, ne seront pas supportables.
Vous avez évoqué le ferroutage. Ce moyen de transport repose sur une excellente idée, mais une mise en oeuvre maladroite peut le condamner. Or l'expérience qui a été tentée l'a été sur une distance trop courte et sans tenir compte de la répartition entre les temps de conduite et de repos des chauffeurs routiers. Ce fut un échec commercial patent.
Le ferroutage est une très bonne solution et nous allons en relancer le développement. Mais nous allons le faire sur des trajets pertinents, suffisamment longs et induisant une massification du trafic. Certains types de transport ne sont rentables qu'à partir d'une certaine distance, justifiant une rupture de charge, et d'une certaine masse, afin de justifier l'importance des moyens engagés.
Madame la députée, vous avez parlé du service public du transport de fret. Sur le plan juridique, c'est inexact : le transport de voyageurs est un service public, mais le transport de fret est une activité économique. Or celle-ci est aujourd'hui déficitaire et ne pourra pas éternellement le rester.
Si nous voulons sauver le fret et le rendre plus performant, il nous faut le réorganiser profondément et abandonner certains types de trafic, dont les recettes sont inférieures à la moitié des coûts d'exploitation, car ils sont pénalisants pour l'ensemble de l'activité. Il faut également assurer la traçabilité des wagons, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, et augmenter la vitesse moyenne du trafic. Lorsque le fret ferroviaire sera plus efficace, il aura un véritable impact sur le transport routier. En Allemagne, par exemple, si le fret ferroviaire réalise de bonnes performances, c'est qu'il est traditionnellement mieux organisé que dans notre pays.
J'en viens à l'aspect régional de votre question. Nous sommes tous conscients de l'importance de la filière bois pour votre région et du fait que la suppression d'un certain nombre de liaisons ferroviaires est pénalisante. Comme je l'indiquais il y a quelques instants, la SNCF doit étudier très attentivement, avec l'ensemble de ses usagers et de ses clients, la mise en place de la nouvelle organisation. Mais imagine-t-on que des gares comme celle d'Aix-sur-Vienne, qui accueille quarante wagons par an, ou encore celle de Bugeat, qui l'an passé n'en a accueilli aucun - je dis bien aucun - puissent continuer à fonctionner ? Cela n'est pas possible. Un regroupement est donc nécessaire, et la SNCF doit en étudier les modalités, en accord avec les collectivités locales - sur ce point, je vous rejoins totalement - et avec les professionnels concernés.
Le Gouvernement va relancer cet effort de concertation. Je veux bien admettre qu'il n'a pas été suffisant jusqu'à présent : Gilles de Robien et moi-même l'avons indiqué aux dirigeants de la SNCF. Mais au-delà, il est indispensable de poursuivre la mise en oeuvre du plan fret ferroviaire, faute de quoi cette activité, ô combien nécessaire, serait condamnée à disparaître.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont.
Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Monsieur le secrétaire d'État, vous avez conscience des incidences négatives de ce plan fret, et je m'en réjouis.
Sur le plan juridique, j'en conviens avec vous, le fret est bien une activité économique. Il reste que, répondant, en début de séance à l'un de mes collègues, vous vous êtes plu à rappeler que cette semaine était celle du développement durable. Sachant que, dans la filière bois, un train de moins sur les rails équivaut à quarante camions de plus sur les routes, il est temps que le Gouvernement prenne la mesure des dangers de ce plan, au niveau environnemental comme au niveau économique. Il doit faire preuve de la plus grande fermeté et engager sa responsabilité pour inciter la SNCF à assumer la mission fret. Si ce n'est pas une mission de service public, c'est néanmoins une mission de la SNCF. Je souhaite, monsieur le secrétaire d'État, que l'État s'engage fermement en faveur de cette mission.
Auteur : Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont
Type de question : Question orale
Rubrique : Transports ferroviaires
Ministère interrogé : équipement
Ministère répondant : équipement
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 22 juin 2004