politique de la santé
Question de :
M. Pascal Terrasse
Ardèche (1re circonscription) - Socialiste
M. Pascal Terrasse souhaite attirer l'attention de M. le ministre de la santé et de la protection sociale sur la situation préoccupante du réseau de soins dans les départementaux ruraux. Le département de l'Ardèche rencontre de graves difficultés sanitaires au regard de la situation de certains de ses hôpitaux locaux, mais aussi du déconventionnement de plusieurs praticiens (gynécologues, ophtalmologues-anesthésistes). Il souhaite avoir connaissance des moyens techniques et financiers dont disposent aujourd'hui les élus locaux et les professionnels de santé pour mettre en oeuvre des solutions de regroupements de l'offre de soins qui répondraient aux problématiques de l'accès aux soins en milieu rural.
Réponse en séance, et publiée le 30 juin 2004
SITUATION DU RÉSEAU DE SOINS EN ARDÈCHE
M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse, pour exposer sa question, n° 854, relative à la situation du réseau de soins en Ardèche.M. Pascal Terrasse. Monsieur le ministre délégué aux personnes âgées, ma question s'adresse à votre collègue, M. le ministre de la santé et de la protection sociale.
De plus en plus de départements ruraux rencontrent d'énormes difficultés en termes d'offre de soins, qui tiennent pour une part non négligeable à une démographie médicale déficitaire. Le faible renouvellement de la population des médecins généralistes laisse entrevoir une crise grave d'ici cinq à dix ans si rien n'est entrepris pour favoriser l'installation de jeunes praticiens et la coordination des moyens avec la médecine de ville et l'hôpital.
C'est toute une problématique de fond qui est ainsi posée, celle de l'accès aux soins de nos concitoyens déjà fortement compliqué par les difficultés que rencontrent bon nombre d'hôpitaux locaux ; tel est notamment le cas de l'hôpital de Saint-Agrève et de sa maternité, où des suppressions de lits ont été annoncées. La fermeture de cet établissement mettrait les jeunes mamans à plus de deux heures du premier hôpital, à tel point que le nouveau commissaire européen Jacques Barrot, très intéressé au sort de cette structure, est intervenu tant auprès de M. le ministre de la santé que de l'ARH, sans pour autant obtenir d'assurances sur son maintien, ce que l'on ne peut que regretter.
Du reste, l'étude fine présentée par les responsables de Saint-Agrève met en cause la réforme de la tarification, particulièrement la tarification à l'activité, dite T2A, qui sera lourde de conséquences pour de nombreux hôpitaux locaux et petites maternités d'ici à quelques années.
Le problème se pose également du déconventionnement de certains spécialistes, particulièrement, pour ce qui concerne l'Ardèche, des gynécologues, des ophtalmologues et des anesthésistes. Vingt et un de ces praticiens ont obtenu le mois dernier devant le tribunal des affaires de la sécurité sociale leur passage en secteur II.
Or je suis au regret de vous faire connaître que, malgré ces difficultés, les autorités sanitaires, notamment celles de la région Rhône-Alpes, semblent manifester peu de zèle pour aider les élus locaux et les praticiens à mettre en oeuvre des solutions susceptibles de prévenir ces crises très en amont.
Ainsi en est-il de l'initiative, à mes yeux particulièrement intéressante, prise par les médecins généralistes libéraux et l'hôpital local du Cheylard, sur le territoire correspondant aux quatre cantons ruraux de Saint-Pierreville, Antraigues, Saint-Martin-de-Valamas et le Cheylard, de créer une maison médicale qui permettrait d'assurer la permanence de soins en milieu rural. Pourtant l'URCAM de Lyon, sollicitée pour mettre en place cette structure, n'y a guère porté d'intérêt, n'y voyant qu'un simple projet de cabinet médical au profit de praticiens libéraux. Une telle attitude ne me paraît pas très sérieuse. Les conseillers qui travaillent au sein de l'URCAM feraient bien de sortir de leurs bureaux lyonnais et de se rendre sur le terrain afin de voir concrètement ce qui se passe en zone rurale.
Malgré la mobilisation des élus locaux, au premier rang desquels le conseil général, et de toutes celles et ceux qui défendent la permanence des soins, les choses n'avancent toujours pas.
Ma question est simple : de quels moyens techniques et financiers peuvent disposer les élus locaux et les professionnels de santé pour mettre véritablement en place ces réseaux de soins capables d'assurer le regroupement de l'offre de soins et la permanence des soins afin de répondre aux problématiques de l'accès aux soins en milieu rural ?
Par ailleurs, pouvez-vous nous rassurer, monsieur le ministre, sur le devenir de l'hôpital de Saint-Agrève, qui fait actuellement beaucoup parler de lui ? Des élus de toutes tendances - UMP, parti socialiste, parti communiste, etc - manifestent aujourd'hui même, à l'occasion de l'ouverture du débat sur l'assurance maladie, pour défendre cet hôpital, promis, comme celui de Saint-Affrique et tant d'autres, à la fermeture. J'aurai l'occasion de reposer une question qui portera plus précisément sur l'hôpital de Saint-Agrève. J'espère que Jacques Barrot et le député qui le remplacera en Haute-Loire seront à mes côtés.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux personnes âgées.
M. Hubert Falco, ministre délégué aux personnes âgées. Monsieur le député, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser M. Philippe Douste-Blazy, qui ne peut malheureusement pas être présent à l'Assemblée nationale ce matin et qui m'a demandé de vous transmettre sa réponse.
Ainsi que vous l'avez souligné à juste titre, notre pays, particulièrement nos zones rurales, commencent à souffrir des effets d'un ralentissement de la démographie médicale. Pour lutter contre les impacts négatifs de ce dépeuplement médical et inverser une tendance dangereuse, le Gouvernement ne ménage pas ses efforts. Notre stratégie consiste à développer un ensemble d'outils permettant d'inciter les praticiens à s'installer dans les zones à dominante rurale.
En premier lieu, le Gouvernement a prévu de mettre en place une aide à l'installation de 10 000 euros par an pendant cinq ans. Cette aide vient s'ajouter à celle de l'assurance maladie : 13 000 euros environ versés en une seule fois.
Le projet de loi sur le développement des territoires ruraux permettra aux collectivités locales de compléter ce dispositif par des aides directes et indirectes ; vous n'ignorez pas à quel point il est important de mettre en place dans nos départements une politique d'aménagement du territoire équilibrée et en cohérence entre tous les partenaires, État, collectivité départementale, collectivités locales. La politique des territoires dépasse largement, on le sait, les clivages politiques. Les collectivités locales pourront également prendre en charge, partiellement ou en totalité, les frais d'études d'un étudiant en médecine en contrepartie d'un engagement à exercer pendant cinq ans dans une zone faiblement médicalisée.
L'ensemble de ces dispositions sera complété par le projet de loi sur l'assurance maladie qui prévoit la possibilité de moduler le paiement des charges sociales en fonction des zones d'installation. Inscrite dans la convention nationale, cette possibilité sera ensuite déclinée dans le cadre de la région.
Enfin, dans le même esprit, le travail régional sur la permanence des soins devrait éviter d'imposer une surcharge de travail incompatible avec une vie sociale épanouissante.
Je vais conclure, monsieur le député, en répétant combien, au-delà des différents moyens que je viens de décrire, il est essentiel que s'instaure un total partenariat entre les services de l'État et ceux des collectivités, faute de quoi, je le sais pour avoir dirigé un conseil général pendant près de dix ans, il est très difficile de mettre en place une politique d'aménagement du territoire capable de donner au monde rural les moyens de répondre aux attentes de ses habitants. La gestion des populations urbaines ne doit pas faire oublier la gestion des territoires.
Il est donc indispensable que, de leur côté, les collectivités locales s'engagent, comme le font du reste la plupart des départements, dans des actions de communication capables de modifier l'image quelque peu déformée que nos concitoyens ont, en général - ce n'est heureusement pas toujours le cas -, des zones rurales. Non seulement celles-ci sont plus attractives qu'on ne le croit, mais elles peuvent réellement permettre à des praticiens de s'épanouir pleinement dans leur métier. Médecin en zone rurale reste une vocation ; à nous de faire ensemble en sorte que cette vocation se développe et que ces territoires ne se retrouvent pas privés de l'essentiel, c'est-à-dire des services publics.
M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse.
M. Pascal Terrasse. Je remercie M. Falco, qui connaît bien le sujet, de m'avoir communiqué les éléments fournis par le ministre de la santé, mais ceux-ci ne répondent en rien à la question que j'ai posée.
M. Falco a raison de dire que les élus locaux et l'assurance maladie doivent travailler ensemble, mais, en l'occurrence, tel est déjà le cas en Ardèche, où tout le monde - conseil général, médecins, hôpital - s'est mis autour de la table. Le blocage vient de la technostructure administrative de l'assurance maladie.
Entre les informations qui viennent de m'être données et la réalité du terrain, il y a un gouffre !
Certes, les arguments de M. Falco sont intéressants, mais il n'en demeure pas moins que, s'agissant de l'aide à l'installation, il y a un problème. Les médecins ne réclament pas d'argent pour s'installer en milieu rural et croire que c'est l'argent qui favorisera leur installation n'est pas très sérieux, pas plus que de croire que les collectivités locales se substitueront à l'assurance maladie.
M. Falco a eu raison d'insister : les jeunes médecins qui sont soumis à de lourdes contraintes horaires la nuit et le week-end ont besoin d'une vraie vie sociale, épanouissante. C'est pourquoi les maisons médicales, qui permettent une permanence des soins, sont une solution de bon sens. Je ne comprends pas pourquoi la technostructure de la santé y est imperméable. Pour ma part, je le déplore. En tout état de cause, soyez assuré que j'informerai les médecins et les élus locaux du fait que le ministre de la santé ne prend pas en compte la réalité.
Auteur : M. Pascal Terrasse
Type de question : Question orale
Rubrique : Santé
Ministère interrogé : santé
Ministère répondant : santé
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 29 juin 2004