SNCF
Question de :
Mme Odile Saugues
Puy-de-Dôme (1re circonscription) - Socialiste
Mme Odile Saugues attire l'attention de M. le secrétaire d'État aux transports et à la mer sur les conséquences dans la région Auvergne du plan de réorganisation du transport fret. En effet, le plan de réorganisation de l'activité fret mis en oeuvre depuis novembre 2003, qui concerne douze sites au niveau national, dont trois en Auvergne, n'a d'autre but que de rééquilibrer les comptes de la SNCF, qui accusent un déficit de 450 millions d'euros pour l'année 2003. Ce plan, qui ne prend en compte que l'aspect comptable, n'offre aucune perspective de développement du fret puisque toute l'activité est recentrée sur les créneaux rémunérateurs. Les conséquences de cette politique sont nombreuses : la disparition des gares considérées comme peu rentables, la fermeture depuis le 15 juin dernier des gares fret à très faible trafic, la suppression des trains fret, et bien évidemment la réduction de nombreux postes. Tel est notamment le sort réservé à la gare de triage des Gavranches, au nord de l'agglomération clermontoise, et aux principales gares de fret de Montluçon ou encore de Moulins-sur-Allier. Enfin, autre conséquence, et non des moindres, la perte importante de parts de marché du ferroviaire va se faire inexorablement au profit de la route et du transport routier de marchandise, qui a déjà a atteint son niveau de saturation. Cette logique commerciale gomme las enjeux fondamentaux pour notre collectivité que sont l'aménagement du territoire, le développement économique, l'emploi, le tissu industriel, mais aussi l'environnement. Dans ces conditions et face à la difficile situation du fret en Auvergne, elle lui demande quelles mesures il compte prendre pour sauver le réseau ferroviaire auvergnat.
Réponse en séance, et publiée le 30 juin 2004
PERSPECTIVES DU FRET FERROVIAIRE EN AUVERGNE
M. le président. La parole est à Mme Odile Saugues, pour exposer sa question, n° 858, relative aux perspectives du fret ferroviaire en Auvergne.Mme Odile Saugues. Ma question, monsieur le secrétaire d'État aux transports, porte sur le même sujet que celle de M. Louis Giscard d'Estaing. Je voudrais plus de précisions car vous comprenez bien que les perspectives du fret sont un grave souci pour l'Auvergne, tout particulièrement pour le Puy-de-Dôme.
En effet, le plan de réorganisation de l'activité fret, mis en oeuvre depuis le 16 mars 2003, concerne douze sites au niveau national, dont trois en Auvergne. Compte tenu de l'ouverture à la concurrence, il a pour objectif un retour à l'équilibre, sur trois ans, des comptes fret de la SNCF. Ceux-ci accusent un déficit de 450 millions d'euros pour 2003.
L'équilibre des comptes est effectivement nécessaire, mais il n'offre aucune perspective de développement du fret puisque toute l'activité est recentrée sur les créneaux rémunérateurs, comme vous l'avez vous-même affirmé lors de la séance des questions orales de la semaine dernière. Cette politique de restructuration entraîne la disparition des gares considérées comme peu rentables, notamment la fermeture, depuis le 15 juin dernier, des gares fret à très faible trafic, ainsi que la suppression des trains de fret et la réduction de nombreux postes : 2 500 ont déjà été supprimés au niveau national. La région Auvergne n'est pas épargnée.
En Auvergne-Nivernais, le fret produit 63 millions d'euros de recettes. Pourtant, le fonctionnement des principales gares de fret, Montluçon, Saint-Eloy-les-Mines et Moulins-sur-Allier, est sérieusement remis en cause, et le trafic de fret entre Saint-Flour et Saint-Eloy risque d'être reporté sur la route.
Cette réorganisation, d'ailleurs menée sans aucune concertation avec les personnels concernés, fait peser de fortes menaces sur l'emploi et prépare des suppressions de personnels, agents de gare et conducteurs, dans la zone Montluçon-Commentry-Saint-Eloy.
Enfin, la gare de triage des Gravanches, sur la commune de Gerzat, au nord de l'agglomération clermontoise, est gravement menacée. Je voudrais savoir quel avenir vous réservez à cette gare et à son personnel.
Cet important trafic va être transféré sur les routes d'Auvergne, avec de fâcheuses conséquences sur l'environnement.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État aux transports et à la mer.
M. François Goulard, secrétaire d'État aux transports et à la mer. Madame la députée, sans répéter ce que j'ai répondu à la question précédente, entendons-nous bien : quand nous parlons de concentration des efforts sur les axes les plus pertinents pour le transport de fret, il ne s'agit pas de rechercher un profit, mais de trouver la meilleure efficacité, c'est-à-dire de parvenir à transporter le maximum de marchandises par la voie ferrée. C'est seulement si nous concentrons nos moyens là où un trafic peut efficacement relever du transport ferroviaire, que nous diminuerons la part du trafic routier au profit du rail.
Quand le trafic est dispersé comme dans les cas qui nous occupent, le transport ferroviaire n'est pas efficace. On peut retourner le sujet dans tous les sens mais, malheureusement, le transport par voie ferrée a ses conditions d'emploi optimale, qui passent par la massification du transport de fret, condition de la reconquête de parts de marché par le transport ferroviaire.
Je comprends très bien que les incidences régionales de cette politique vous préoccupent. Elles sont marquées en Auvergne, où des réorganisations de points de chargement et des hausses de tarifs sont intervenues ou sont prévisibles.
Plusieurs gares de fret verront leur desserte réorganisée, voire interrompue compte tenu de la faiblesse de leur activité. Dans certains cas, les trafics pourront être reportés sur d'autres gares ; le trafic ferroviaire gardera donc sa part de marché. En Auvergne, neuf gares, qui traitaient pour la plupart moins de mille wagons par an, ce qui est extrêmement faible, sont en ce cas ; Saint-Éloy-les-Mines en fait partie. Comme je l'ai dit tout à l'heure, malgré les négociations menées avec l'unique client fret de cette gare, il n'a pas été possible de trouver de solution pour que la SNCF reste présente sur ce marché.
Au niveau national, seize gares principales de fret, sur les 215 existantes, vont probablement perdre cette fonction, tout en continuant à offrir des possibilités de desserte pour le fret local. Les gares de Montluçon et de Moulins sont concernées. Par ailleurs, Gravanches devrait voir son activité de tri reportée sur les triages de Saint-Pierre-des-Corps et de Sibelin.
Je tiens à préciser que l'abandon de certaines fonctions ferroviaires sur ces sites se fait sans suppression d'emplois, par transfert du personnel sur d'autres postes régionaux, dans le cadre de formations et de mutations géographiques volontaires donnant lieu au versement d'indemnités.
Nous étudions avec la SNCF la possibilité de faire intervenir des sous-traitants, afin de limiter l'impact de ces décisions. Nous pourrions ainsi continuer à avoir du transport ferroviaire sur ces lignes. Cette réorganisation n'est pas liée à l'ouverture à la concurrence, prévue au 1er janvier 2007 pour le fret national. À l'heure actuelle, cette ouverture ne concerne que le fret transfrontalier. À l'évidence, la concurrence ne portera pas sur ces lignes et sur ces transports extrêmement déficitaires.
Mais il est absolument nécessaire, et tout n'a probablement pas été fait en ce sens, que ces décisions de réorganisation soient expliquées et discutées, notamment avec les partenaires locaux. Car nous comprenons très bien que vous soyez préoccupée de l'impact régional et local de ces décisions. Il s'agit, au bout du compte, de l'avenir du fret ferroviaire dans notre pays.
M. le président. La parole est à Mme Odile Saugues.
Mme Odile Saugues. Monsieur le secrétaire d'État, vous comprendrez bien que votre réponse ne puisse, à divers égards, me satisfaire.
Tout d'abord, vous avez parlé, s'agissant de la gare des Gravanches, située sur la première circonscription de Clermont-Ferrand, d'un report de trafic. Mais je ne sais pas dans quelle mesure et dans quelle proportion celui-ci va s'effectuer. C'est donc forcément un souci pour la population, surtout pour les cheminots concernés.
De plus, je me demande ce qu'il en est du rééquilibrage des différents modes de transport, formule bien incantatoire quand il s'agit de discuter de l'équilibre entre la route et le fret ferroviaire. Même si on est bien sûr contraint de prendre en compte les problèmes économiques, je m'inquiète tout de même quand vous me dites que le Gouvernement est obligé de se concentrer sur des axes pertinents. Je regrette que vous ne connaissiez pas l'Auvergne, mais sachez que si la gare de Saint-Eloy n'assure plus le fret, il faudra emprunter la nationale 144 pour accéder à Saint-Eloy-les-Mines et à l'usine de Rockwool. Or cette route, que M. Rouault a citée, est extraordinairement dangereuse et difficile pour les camions, surtout à la mauvaise saison. Votre choix s'avère donc dangereux pour la sécurité publique et non pertinent en termes environnementaux.
Ces pertes d'activité du ferroviaire et du fret vont forcément se répercuter sur le transport routier de marchandises, qui a déjà atteint son niveau de saturation. je répète que la logique commerciale qui prévaut en ce domaine gomme les enjeux fondamentaux d'aménagement du territoire, de développement économique et de protection de l'environnement.
Par ailleurs, je rappelle une des conséquences de cette logique qui préside à vos choix et détermine vos cibles. Le précédent gouvernement avait choisi la ligne Clermont-Neussargues-Béziers pour acheminer du fret vers le sud, en dépit des travaux importants que cela nécessitait et de la complexité du projet. Or, les élus se sont un jour aperçus que le préfet de l'époque, M. Mongin, avait tout simplement reporté les crédits prévus sur une autre ligne budgétaire correspondant à des choix tout à fait différents. C'est regrettable car, je vous le répète, en termes d'équilibre de transport, d'environnement et de sécurité, cette réorganisation ne peut nous satisfaire.
Auteur : Mme Odile Saugues
Type de question : Question orale
Rubrique : Transports ferroviaires
Ministère interrogé : transports et mer
Ministère répondant : transports et mer
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 29 juin 2004