Question orale n° 898 :
catastrophes naturelles

12e Législature

Question de : M. Patrice Martin-Lalande
Loir-et-Cher (2e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Patrice Martin-Lalande appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur la sécheresse de juillet-août 2003 qui a été une catastrophe naturelle sans précédent. De très nombreuses communes, touchées par ce que les textes officiels dénomment « des mouvements de terrains différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols », ont demandé à être reconnues « en état de catastrophe naturelle ». En Loir-et-Cher, 142 communes sur 291 ont fait cette demande. Lors de sa réunion du 24 juin dernier, la commission interministérielle compétente pour reconnaître l'état de catastrophe naturelle a émis un avis défavorable à la demande d'un grand nombre de communes dont les 142 de Loir-et-Cher. Les critères fixés quant aux causes justifiant ce classement - présence d'argile, déficit hydrique - aboutissent à exclure de toute indemnisation des familles dont le logement est condamné à la destruction, En effet, les profondes fissures, les déstructurations des murs porteurs, les enlisements dans le sol, les effondrements d'encadrement des portes et fenêtres et d'autres désordres constatés rendent inéluctable la disparition de ces constructions. Les familles propriétaires sont doublement victimes puisque, d'une part, elles sont déjà menacées dans leur vie quotidienne par l'insécurité de leur maison et, d'autre part, elles seront à coup sûr spoliées de leur patrimoine immobilier devenu inutilisable et invendable La justice et la solidarité imposent que l'Etat ne prenne pas comme critères de recevabilité les « causes » de la catastrophe mais les « résultats » - c'est-à-dire les dégâts les plus lourds et souvent la ruine immobilière des familles - de cette catastrophe sans précédent. L'ampleur des dégâts impose donc qu'un dispositif exceptionnel de financement soit décidé par l'État. Il demande au Premier ministre et aux ministres concernés que la Caisse centrale de réassurance (CCR) bénéficie, au-delà des fonds actuellement disponibles, d'une avance exceptionnelle de l'État pour indemniser les victimes de la sécheresse de 2003. Cette avance de l'État serait remboursée par le produit des primes pour catastrophe naturelle perçu au titre des années à venir où, par hypothèse, les catastrophes naturelles n'auront pas le caractère sans précédent de 2003.

Réponse en séance, et publiée le 6 octobre 2004

RECONNAISSANCE DE L'ÉTAT DE CATASTROPHE NATURELLE DE COMMUNES DU LOIR-ET-CHER

M. le président. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, pour exposer sa question, n° 898, relative à la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle de communes du Loir-et-Cher.
M. Patrice Martin-Lalande. Monsieur le secrétaire d'État aux transports et à la mer, la sécheresse de juillet-août 2003 a été une catastrophe naturelle sans précédent. De très nombreuses communes, touchées par ce que les textes officiels dénomment " des mouvements de terrains différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols ", ont donc demandé à être reconnues en état de catastrophe naturelle.
En Loir-et-Cher, 142 communes sur 291 ont ainsi fait cette demande. C'est d'ailleurs pourquoi j'associerai à ma question mes amis Maurice Leroy et Nicolas Perruchot.
Lors de sa réunion du 24 juin dernier, la commission interministérielle compétente pour reconnaître l'état de catastrophe naturelle a émis un avis défavorable à 1a demande d'un grand nombre de communes, dont 1es 142 de Loir-et-Cher.
Les critères fixés quant aux causes justifiant ce classement - présence d'argile et déficit hydrique - aboutissent en fait à exclure de toute indemnisation des familles dont le logement est pourtant condamné à la destruction. Les profondes fissures, les déstructurations de murs porteurs, les enlisements dans le sol, les effondrements d'encadrement des portes et fenêtres et d'autres désordres constatés rendent en effet inéluctable la disparition de ces constructions, ainsi que nous avons pu le constater avec Maurice Leroy et Nicolas Perruchot. C'est particulièrement vrai à Mont-près-Chambord. Les familles propriétaires sont donc doublement victimes puisque, d'une part, elles sont déjà menacées dans leur vie quotidienne par l'insécurité de leur maison et, d'autre part, elles seront à coup sûr spoliées de leur patrimoine immobilier devenu inutilisable et invendable.
La justice et la solidarité imposent que l'État prenne non pas comme critères de recevabilité les " causes " de la catastrophe mais les " résultats " - c'est-à-dire les dégâts les plus lourds et souvent la ruine immobilière des familles.
L'ampleur des dégâts impose donc qu'un dispositif exceptionnel de financement soit décidé par l'État.
Nous demandons au Premier ministre et aux ministres concernés que la Caisse centrale de réassurance - la CCR - bénéficie, au-delà des fonds actuellement disponibles, d'une avance exceptionnelle de l'État pour indemniser les victimes de la sécheresse de 2003, exceptionnelle elle aussi.
Cette avance de l'État serait remboursée par le produit des primes pour catastrophes naturelles perçues au titre des années à venir où, par hypothèse, les catastrophes naturelles n'auront pas le caractère sans précédent de 2003.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État aux transports et à la mer.
M. François Goulard, secrétaire d'État aux transports et à la mer. Voici, monsieur le député, la réponse que M. de Villepin m'a chargé de vous communiquer.
Vous faites état des dommages subis par des bâtiments d'habitation dans de très nombreuses communes de France du fait de la sécheresse de l'été 2003, en particulier dans votre département du Loir-et-Cher. Le Gouvernement est bien conscient des dommages subis par de nombreuses personnes et s'efforce d'apporter une réponse adaptée à cette situation.
Vous proposez, monsieur le député, que l'État consente des avances de trésorerie à la Caisse centrale de réassurance. C'est effectivement cet organisme qui réassure une part importante de la garantie " catastrophes naturelles " obligatoirement souscrite par les personnes qui ont contracté, auprès d'assureurs privés, une assurance multirisques habitation pour leur logement.
À vrai dire, monsieur le député, selon le Gouvernement, la difficulté qui se pose n'est pas réellement liée à la situation de trésorerie de la Caisse centrale de réassurance. À ce jour, la CCR n'a pas encore été appelée en garantie des sinistres puisque le premier arrêté de reconnaissance a été publié à la fin du mois d'août dernier. Elle ne connaît donc aucun problème particulier de trésorerie.
Je vous rappelle également que le risque financier, lié à cette garantie, est porté pour une part par la CCR, mais également par les assureurs privés et par l'État.
Si le Gouvernement s'attache à préserver un équilibre financier global où l'argent versé aux sinistrés ne provient que des sommes versées par les assurés, il se doit aussi de respecter la loi de 1982, qui fixe une règle pour la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. La catastrophe naturelle est reconnue comme telle si elle présente un caractère anormal en termes de données techniques mesurables.
M. Patrice Martin-Lalande. C'est dramatiquement le cas !
M. le secrétaire d'État aux transports et à la mer. Je tiens à vous rassurer, monsieur le député, sur la détermination du Gouvernement à prendre en compte la gravité des situations financières et surtout humaines, vécues par les victimes.
La doctrine de la commission interministérielle chargée de statuer sur les demandes de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle aurait conduit au rejet de l'ensemble des demandes. Aussi le Premier ministre a-t-il souhaité que les conditions habituellement requises soient adaptées aux circonstances exceptionnelles de l'été 2003.
Les experts scientifiques de Météo-France ont fixé des critères techniques objectifs. La condition d'éligibilité est double : d'une part, la teneur moyenne en eau des sols, telle qu'évaluée par Météo-France, devait être inférieure, au cours du troisième trimestre de 2003, à 20 % de son niveau habituel ; d'autre part, le nombre de décades au cours desquelles ce niveau d'humidité a été évalué à zéro devait être l'un des deux plus élevés de la période 1989-2003.
Je reconnais que ces éléments scientifiques sont complexes et difficiles à expliquer, mais je tiens à vous rappeler qu'ils ont permis la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle dans près de 1 400 communes et donc l'indemnisation de milliers de sinistrés.
Le ministre de l'intérieur a néanmoins demandé un examen approfondi des nouvelles demandes parvenues dans ses services. S'il apparaît nécessaire, au vu de cet examen, de compléter le dispositif initial, je peux vous assurer que les communes du Loir-et-Cher feront l'objet d'une attention toute particulière de la part du Gouvernement. C'est ce que le ministre de l'intérieur souhaitait vous indiquer ce matin.
M. le président. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, que je remercie d'avoir eu l'élégance de m'associer à sa question.
M. Patrice Martin-Lalande. Ainsi, monsieur le président, que Nicolas Perruchot !
Monsieur le secrétaire d'État, je note un progrès par rapport à des situations antérieures, qui n'étaient pas comparables à celle de 2003. Le Gouvernement, en effet, prend en compte la situation exceptionnelle de l'année 2003. Mais je le dis franchement, cette prise en compte est insuffisante.
Dans certaines maisons que j'ai visitées dans le Loir-et-Cher, on peut passer le bras à travers les murs, tant les fissures sont énormes. Ces maisons sont tellement dégradées qu'elle sont dangereuses pour leurs habitants. Dans quelques années, elles devront être détruites. Dire à ces habitants qu'ils n'ont pas droit à une indemnisation car ils ne satisfont pas aux critères que vous venez de rappeler n'est pas une réponse acceptable en termes de solidarité nationale.
On ne peut, face à la sécheresse de 2003, se contenter de partager l'enveloppe normale des primes récoltées. Il faut établir une base pluriannuelle, utiliser la somme des primes versées sur plusieurs années et prendre en considération la réparation du préjudice subi en 2003. Faute de quoi, nous risquerions de créer une injustice considérable en provoquant la ruine immobilière d'un certain nombre de familles, ce qui serait inacceptable. Nous ne pouvons nous contenter des seuls critères liés aux causes, mais nous devons considérer le préjudice subi, qui est considérable. Il faut donc une réponse exceptionnelle du Gouvernement. Celle que vous nous avez laissé entrevoir, monsieur le secrétaire d'État, ne saurait suffire. Il faut réunir les sommes récoltées sur plusieurs années et indemniser les victimes de l'été 2003 de manière juste et équitable.

Données clés

Auteur : M. Patrice Martin-Lalande

Type de question : Question orale

Rubrique : Sécurité publique

Ministère interrogé : intérieur

Ministère répondant : intérieur

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 5 octobre 2004

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