SNCF
Question de :
M. Jacques Desallangre
Aisne (4e circonscription) - Député-e-s Communistes et Républicains
M. Jacques Desallangre appelle l'attention de M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer sur la situation délicate de la SNCF qui doit faire face à des péages très lourds et à la concurrence du transport routier. L'engagement de l'Etat est notoirement insuffisant et la création de RFF n'a apporté aucune solution à la dette liée aux investissements d'infrastructures. La SNCF supporte toujours le coût de l'infrastructure ferrée (1,6 milliard d'euros par an) alors que ce sont l'Etat et les collectivités territoriales qui financent son concurrent direct : la route. Le désengagement de l'Etat, alors que ce dernier s'est engagé à reprendre la dette, contraint la SNCF à geler ses recrutements et à ne pas renouveler une partie de son personnel qui part à la retraite. Comment organiser le transfert de compétence entre générations (sachant que dans les dix prochaines années près de la moitié des cheminots feront valoir leurs droits à la retraite) si la SNCF ne peut procéder aux embauches dès à présent ? Les cheminots de la branche matériel et notamment ceux de l'EIMM de Tergnier ont déjà vu France wagon (filiale à 99 % de la SNCF) faire entretenir ses wagons en Belgique et en Grande-Bretagne. Cette baisse d'activité (évaluée à environ 100 000 heures) provoquerait déjà la suppression de 200 emplois dans les établissements du matériel dont 60 envisagés à Tergnier. Il sollicite un plan ambitieux de l'Etat pour la SNCF afin qu'elle puisse relever les défis qui l'attendent et que l'emploi ne devienne pas comme dans d'autres secteurs la variable d'ajustement, ce qui serait une funeste stratégie.
Réponse en séance, et publiée le 16 octobre 2002
EMPLOI ET ACTIVITÉ À LA SNCF
M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre, pour exposer sa question, n° 9, relative à l'emploi et l'activité de la SNCF.
M. Jacques Desallangre. J'appelle l'attention de M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer sur la situation délicate de la SNCF, qui doit faire face à des péages très lourds et à la concurrence du transport routier. L'engagement de l'Etat est notoirement insuffisant, et la création de RFF n'a pas résolu le problème de la dette liée aux investissements d'infrastructures. En fait, la SNCF supporte toujours le coût de l'infrastructure ferrée - 1,6 milliard d'euros par an - alors que ce sont l'Etat et les collectivités territoriales qui, directement ou indirectement, financent son concurrent direct : la route.
Il existe une distorsion de concurrence entre le rail et la route qui hypothèque gravement l'objectif d'un doublement du fret par rail en dix ans. Cet objectif quantitatif et la mise en place de l'interopérabilité supposent de lourds investissements. Le désengagement de l'Etat, alors que ce dernier s'était engagé à reprendre la dette, contraint la SNCF à geler ses recrutements et à ne pas renouveler actuellement une partie de son personnel qui part à la retraite. Comment pourra-t-elle organiser le transfert de compétences entre générations - sachant que dans les dix prochaines années, près de la moitié des cheminots feront valoir leurs droits à la retraite - si elle ne peut procéder aux embauches dès à présent ?
Par ailleurs, les parlementaires de votre majorité ont évoqué l'éventualité d'un recours accru à la filialisation. Ces projets inquiètent vivement les cheminots de la branche matériel - ceux par exemple de l'établissement industriel de maintenance du matériel de Tergnier - quand France Wagons, filiale à 99 % de la SNCF, fait entretenir ses wagons en Belgique ou en Grande-Bretagne. La baisse d'activité qui en résulte est évaluée à environ 100 000 heures. Elle provoquerait déjà la suppression de 200 emplois dans les établissements du matériel, dont 60 à Tergnier.
Ouverture du service public à la concurrence, péages exorbitants, non-résolution du problème de la dette, projet de filialisation, suppressions d'emplois, tout cela sème le désarroi chez les cheminots. Alors que l'Etat s'apprête à sauver la trésorerie de France Télécom - 15 milliards d'euros - après l'ouverture du marché et ses opérations hasardeuses, vous réduisez, monsieur le secrétaire d'Etat, la contribution de l'Etat aux charges d'infrastructures ferroviaires - moins 25 millions d'euros. Nous souhaitons au contraire un plan ambitieux de l'Etat pour la SNCF, afin qu'elle puisse relever les défis qui l'attendent et que l'emploi ne devienne pas, comme dans d'autres secteurs, hélas, la variable d'ajustement.
Monsieur le secrétaire d'Etat, pouvez-vous nous fournir quelques informations sur les mesures que l'Etat entend prendre pour aider la SNCF à être un opérateur européen de premier plan ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Monsieur le député, vous présentez une vision un peu triste de la SNCF, qui ne correspond pas à la réalité de la politique des transports équilibrée que le Gouvernement souhaite mettre en oeuvre : chaque mode, le mode routier comme le mode ferroviaire, doit jouer son rôle, de façon harmonieuse.
Pour développer le transport ferroviaire, nous nous préoccupons naturellement, et vous l'avez évoqué, du développement du fret. Vous savez que l'objectif de doublement annoncé par M. Jean-Claude Gayssot est bien loin d'être réalisable, puisque les chiffres du fret à la SNCF pour l'année en cours sont très en deçà des prévisions. Un doublement en dix ans relevait du voeu pieux. Dans l'état actuel des choses, nous devons sauver le fret.
Le Premier ministre a demandé à deux de vos collègues sénateurs, Hubert Haenel, le père de la régionalisation ferroviaire, et François Gerbaud, respectivement administrateurs de la SNCF et de RFF, de nous faire avant le 1er mars des propositions visant à ce que des mesures fortes puissent aider au développement du fret ferroviaire, dont ces entreprises ont tant besoin.
Cette date du 1er mars est importante : ce jour-là, conformément au texte approuvé par le gouvernement précédent, le fret ferroviaire sera libéralisé sur l'ensemble des axes européens.
Il n'emêche que la situation globale de la SNCF est difficile - et cela est vrai pour le fret comme pour l'ensemble de ses trafics - malgré les efforts financiers considérables qui ont été faits par les gouvernemnets précédents et malgré ceux qui vous seront proposés prochainement par le Gouvernement dans le projet de loi de finances.
Heureusement, il y a des points positifs, comme la régionalisation ferroviaire, que vous avez évoquée. Nous ferons un bilan au premier trimestre de l'année prochaine pour voir comment les choses se sont passées dans les vingt-deux régions et quels enseignements peuvent être tirés de telle ou telle expérience dans telle ou telle région.
Je voudrais quand même vous rappeler, monsieur le député, qu'en 2002, il y a eu 1,5 milliard d'euros pour le transport ferroviaire régional, et que, dans le cadre de la dotation annuelle en capital pour la stabilisation de la dette de RFF, l'Etat contribue par des dotations annuelles de 1,9 milliard. C'est vrai que la dette de la SNCF a été transmise à RFF, vous avez eu raison de le rappeler. Il faudra trouver, à terme, des solutions pour recapitaliser RFF et pour diminuer sa dette.
Dans le projet de loi de finances pour 2003, les crédits budgétaires destinés aux investissements ferroviaires augmentent de près de 10 %. Et si l'on tient compte des ressources hors budget que nous avons pu mobiliser, ils doublent par rapport au projet de loi de finances que vous aviez voté l'an passé. Il n'y a donc pas de désengagement de l'Etat, monsieur le député : il y a au contraire un effort important en la matière.
Mais beaucoup de choses sont dans les mains de l'entreprise. C'est à elle qu'il appartient d'évoluer, de reprendre des parts de marché dans le fret ferroviaire, de continuer à en gagner dans les lignes TGV, de conforter son travail dans le cadre de la régionalisation. Et nous avons pleinement confiance dans l'état d'esprit de la direction comme du personnel pour réaliser ces objectifs. J'en veux d'ailleurs pour preuve que les propositions que M. Gallois, président de la SNCF, a faites aux différentes organisastions syndicales pour améliorer le climat social et essayer de diminuer, à l'intérieur de l'entreprise, le recours à la grève, n'ont pas reçu des organisations syndicales un accueil négatif, comme on aurait pu le penser, mais au contraire un accueil attentif et raisonnable. Le dialogue s'est engagé.
En conclusion, le Gouvernement est très confiant dans l'avenir de la SNCF. Mais nous avons, à court terme, c'est vrai, un problème grave avec le fret.
M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre.
M. Jacques Desallangre. Monsieur le secrétaire d'Etat, pour que votre confiance continue, il me semble qu'il faudra que les mesures fortes que vous annoncez soient prises. Attendons le rapport de nos collègues, attendons le bilan, attendons ces mesures fortes, et à ce moment-là, peut-être pourrons-nous être confiants. Car on ne peut pas réclamer à l'entreprise d'être performante, d'aller chercher des clients dans le fret, quand elle n'est pas dans les mêmes conditions que la route et que le combat n'est pas loyal. Moi, je pense que 1,9 milliard, ce n'est pas un effort suffisant pour lui permettre de jouer son rôle d'opérateur européen de premier plan. Mais attendons le mois de mars et nous ferons le bilan ensemble, monsieur le secrétaire d'Etat.
Auteur : M. Jacques Desallangre
Type de question : Question orale
Rubrique : Transports ferroviaires
Ministère interrogé : transports et mer
Ministère répondant : transports et mer
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 14 octobre 2002