gestion
Question de :
M. François Rochebloine
Loire (3e circonscription) - Union pour la Démocratie Française
M. François Rochebloine attire l'attention de M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative sur l'alourdissement des contraintes administratives pesant sur les structures associatives de notre pays. Alors que les discours officiels tendent tous à favoriser le développement associatif et à encourager au bénévolat, il apparaît que la situation sur le terrain s'avère beaucoup plus difficile à gérer, en particulier pour les associations de taille modeste. Il s'interroge donc, à la lueur de différents exemples dont il a pu avoir connaissance, sur les raisons qui peuvent expliquer de telles distorsions entre les discours et les actes. Considérant la complexité des réglementations en cause, dont certaines mériteraient certainement d'être assouplies et simplifiées, en particulier en matière fiscale et d'autorisation de débits de boisson, il souhaiterait connaître les mesures qui pourraient être proposées à court terme dans ce domaine par le Gouvernement.
Réponse en séance, et publiée le 20 octobre 2004
SIMPLIFICATION DES FORMALITÉS ADMINISTRATIVES POUR LES ASSOCIATIONS
Mme la présidente. La parole est à M. François Rochebloine, pour exposer sa question, n° 911, relative à la simplification des formalités administratives pour les associations.M. François Rochebloine. Monsieur le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative, je veux attirer votre attention sur les nombreuses contraintes administratives pesant de plus en plus sur les structures associatives locales de notre pays. Malgré les discours d'intention, celles-ci se trouvent confrontées à de réelles difficultés, notamment lorsqu'il s'agit d'associations de petite taille dans les secteurs sportif et socioculturel.
Vous connaissez la vieille formule selon laquelle " trop d'impôt tue l'impôt ". Il en est de même pour la loi : trop de loi tue la loi ! N'avez-vous pas l'impression, en effet, après avoir observé le fonctionnement des structures associatives - comme je le fais, pour ma part, depuis plusieurs années -, que l'on semble s'ingénier à compliquer et à alourdir de plus en plus, au fil du temps, la gestion des associations, qui n'ont pas les moyens de se conformer à toutes les obligations administratives ou juridiques qui leur sont imposées.
Rassurez-vous, monsieur le ministre, mon intention n'est pas de contester le bien-fondé de l'ensemble des réglementations fiscales, sociales ou relatives aux débits de boisson, mais plutôt de souligner qu'elles doivent être appliquées avec un peu de discernement et de bon sens. Vous-même avez, à plusieurs reprises, appelé de vos voeux une simplification des règles administratives et avez fait naître un certain espoir, avec des objectifs ambitieux pour une nouvelle dynamique associative. Toutefois il faut savoir que, sur le terrain, le sentiment dominant me semble plus imprégné de scepticisme ou de fatalisme.
J'ai pris bonne note des différentes mesures annoncées en faveur de la vie associative, en particulier la création d'un Conseil national de la vie associative, le CNVA, dont on espère qu'il parviendra à faire remonter au niveau ministériel les difficultés concrètes, ou la constitution de centres départementaux de ressources et d'information des bénévoles, les CRIB, qui devraient, en effet, constituer à terme un soutien non négligeable aux 880 000 associations recensées en France.
Nous vous donnons acte d'avoir développé une stratégie en direction du secteur associatif. Cependant, nous savons d'expérience qu'il y a fatalement entre les discours et les actes un décalage que la décentralisation n'a malheureusement pas réussi à supprimer. J'en veux pour preuve plusieurs exemples, qui m'ont été signalés ces derniers mois.
Ainsi, des agents de l'administration des douanes, au nombre de cinq, se sont présentés récemment dans les locaux d'une amicale laïque et ont procédé à un contrôle approfondi, pour ne pas dire à une véritable revue de détail. Résultat de la prise : une bouteille d'alcool anisé à demi vide, dans une poubelle ! Je tiens à préciser que l'association occupe des locaux en centre ville et qu'elle constitue un lieu de rencontre et de convivialité pour de nombreuses personnes qui ne font aucun mal.
Le deuxième exemple m'a été signalé par le maire de la commune de La Talaudière située dans ma circonscription qui, dans un récent courrier, me fait part de sa colère : « Aujourd'hui, sur ma commune, le Cercle paroissial a fait l'objet d'un contrôle inopiné du service des douanes portant sur les licences, les statuts de l'association, la liste des adhérents et les boissons en stock. Précision leur a été donnée qu'il était interdit de recevoir des non-adhérents même dans le cadre d'échanges inter-sociétés. En cas de nouveau contrôle, une amende fort élevée leur sera appliquée s'il devait constater que des non-adhérents sont parmi la " clientèle " du cercle. À titre de remarque particulière, je précise qu'aucune boisson " interdite " n'a été trouvée. Dans le même temps, l'Association du tennis club fait l'objet d'un contrôle par l'URSSAF, ce qui pourrait laisser penser qu'un acharnement anti-associations est en train de se mettre en place... ».
Troisième exemple, rapporté dans le courant de cette année par la presse locale du département dont je suis l'élu : plusieurs associations boulistes gestionnaires de buvettes ont fait l'objet de contrôles, ces buvettes n'étant pas inscrites au registre du commerce et ne déclarant pas de chiffre d'affaires à l'administration fiscale.
S'il est vrai que des infractions peuvent être commises ici ou là, la pertinence de telles interventions mérite cependant d'être démontrée. Alors même que, dans nos villes, nous constatons tous une persistance d'activités illicites et de trafics en tout genre, n'y a-t-il pas lieu de s'interroger sur une application aussi aveugle des réglementations ?
Veut-on tuer ces petites structures de quelques adhérents, aux budgets modestes, alors même que, comme me l'a écrit également ce maire du département de la Loire, " en parallèle à ces actions de contrôle, sur l'ensemble des communes, nous constatons un développement des consommations d'alcool et de drogue sur la voie publique par une partie de notre jeunesse " malgré les arrêtés municipaux d'interdiction de consommer, et l'inefficacité des sanctions qui y sont liées ?
Il serait, à cet égard, certainement intéressant de comptabiliser les quantités de cannettes de bière et de bouteilles de verre vides collectées chaque week-end sur la voie publique ou dans la nature par les services de propreté de nos communes : nous verrions peut-être alors que la lutte contre l'alcoolisme a encore, malheureusement, de beaux jours devant elle. Quant à la drogue, je n'ose même pas en parler.
Je conclurai sur ce point en regrettant qu'il soit toujours plus facile de contrôler une petite structure ayant pignon sur rue que de lutter contre les actes d'incivilité et l'alcoolisme sur la voie publique, dont on sait qu'ils entretiennent un climat de peur et d'inquiétude dans la population.
Vous connaissez, monsieur le ministre, mon quatrième et dernier exemple, puisque je vous ai déjà alerté à ce sujet et que vous m'avez répondu. Il se réfère au contenu d'une circulaire préfectorale de 2003 relative à la présentation des dossiers en vue de l'organisation d'épreuves sportives se déroulant en totalité ou en partie sur la voie publique. Selon ce texte, adressé aux organisateurs, " il apparaît de plus en plus fréquemment que les organisateurs de manifestation sportive ne respectent pas les délais de dépôt de demande [...]. En conséquence, je vous demande de vous conformer strictement - le terme est souligné - aux instructions réglementaires [...]. Par ailleurs, dans le cadre de la mise en place de la nouvelle gestion globalisée des préfectures mes services ne sont plus en mesure de financer les copies de documents transmis pour avis. En conséquence chaque organisateur aura l'obligation - le terme est encore souligné ! - de présenter son dossier complet en autant d'exemplaires que nécessaire... " Je vous épargne la liste de diffusion de ce dossier, qui doit, finalement, être déposé au minimum en seize exemplaires ! Et l'on vient nous parler de simplification, d'économies de papier, voire de développement durable ! Convenez qu'il y a de quoi s'interroger !
Il est évident que ces questions dépassent le cadre de vos attributions ministérielles, mais, lorsqu'il s'agit d'associations sportives, il est important que vous puissiez mesurer les difficultés éprouvées sur le terrain à une période où le bénévolat, vous le savez mieux que quiconque, connaît une crise profonde. N'en rajoutons pas !
Je rappellerai deux autres maximes tout à fait adaptées à la situation : " L'enfer est pavé de bonnes intentions " et " Le mieux est l'ennemi du bien ".
Monsieur le ministre, compte tenu de cette situation, nous espérons qu'il vous sera possible d'infléchir certaines directives données aux administrations par vos collègues du Gouvernement et qu'il sera davantage tenu compte, à l'avenir, des réalités du terrain que certains semblent malheureusement ignorer.
Mme Pascale Gruny et M. Gérard Voisin. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative.
M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Monsieur Rochebloine, je partage votre souhait de voir les associations en mesure de développer leurs activités sans être perturbées par des contraintes administratives telles que celles que vous avez évoquées.
Vous avez cité plusieurs dispositions que j'ai prises depuis mon entrée en fonctions en tant que ministre chargé de la vie associative. J'ai ainsi déjà mis en place les centres de ressources et d'information pour les bénévoles. Dans quelques semaines sera ouvert un portail Internet associatif public, conçu par mes services. Un centre de ressources national va également trouver sa place dans les centres d'éducation populaire et de sport, les CREPS.
Par ailleurs, je travaille, notamment avec les organismes paritaires collecteurs agréés, les OPCA, sur la possibilité de former les bénévoles et de permettre, le cas échéant, aux clubs et associations de tous les secteurs d'avoir accès à des produits financiers - ce qui n'est pas encore le cas.
Pour ce qui est, enfin, de la responsabilité civile des dirigeants associatifs bénévoles - ce point, évoqué en filigrane dans votre intervention, est le plus important - je travaille avec l'ensemble du secteur de l'assurance en vue de trouver des solutions peu coûteuses pour les associations et adaptées à l'engagement associatif que nous défendons tous.
Le gouvernement auquel j'appartiens est très attaché au secteur associatif et je le suis tout particulièrement depuis que je suis en charge de la vie associative. En ce domaine des efforts substantiels de simplification ont déjà été accomplis depuis deux ans.
Ainsi, en matière fiscale, la loi sur le mécénat a modifié, pour les particuliers comme pour les entreprises, les règles relatives aux réductions d'impôts accordées en considération des versements effectués au profit des associations et des fondations.
Dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2003, le Parlement a rétabli les dispositions prévues en faveur des dons aux organismes sans but lucratif qui fournissent gratuitement des repas à des personnes en difficulté, contribuent à les loger ou leur dispensent, à titre principal, des soins gratuits. Ce secteur d'activités associatives était, vous le savez, très demandeur de dispositions de cette nature.
Vous avez évoqué des contrôles de l'URSSAF. En matière de formalités sociales, les associations ayant recours aux services de neuf salariés au plus peuvent désormais bénéficier d'un logiciel d'assistance dénommé " Impact Emploi Associations ". La loi n° 2003-442 du 19 mai 2003 a créé un chèque emploi associatif facilitant l'emploi de salariés par les associations.
Pour ce qui est des formalités administratives, dont vous avez cité plusieurs exemples, la circulaire du Premier ministre du 24 décembre 2002 prévoit l'établissement d'un dossier commun de demande de subvention identique pour l'ensemble des administrations de l'État et l'harmonisation des règles relatives au financement des associations, ainsi que la mise en place de télé-procédures qui devraient régler définitivement le problème du nombre d'exemplaires des dossiers destinés aux administrations.
Ces télé-procédures sont destinées à faciliter l'accomplissement des formalités de dépôt des demandes de subventions par les associations.
À court terme, l'article 8 du deuxième projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit, actuellement en débat au Parlement, comporte plusieurs mesures de nature à répondre à ce que vous avez appelé l'interrogation, voire le scepticisme, des associations.
Premièrement, l'application de cet article permettra de faciliter l'octroi de libéralités aux associations, aux fondations et aux congrégations en instaurant un simple régime déclaratif, lequel pourrait être géré au moyen d'une télé-procédure, l'administration conservant un pouvoir d'opposition dans un délai de quatre mois.
Deuxièmement, il s'agira d'alléger les modalités de déclaration auprès des préfectures. Nous savons que c'est un sujet important pour les associations.
Troisièmement, cela permettra d'harmoniser les obligations comptables qui s'imposent aux organismes ayant une activité économique ou recevant des subventions ou des dons.
J'en viens enfin au dernier point que vous avez évoqué : la procédure d'autorisation des débits de boisson au profit des associations.
En la matière, ces dernières peuvent avoir une activité de vente permanente de boisson non alcoolisée, sous réserve que cette activité soit prévue par leurs statuts. La vente de boissons alcoolisées reste soumise à des restrictions strictes, notamment pour des raisons de santé publique ou de droit de la concurrence. La loi de finances pour 2001 a assoupli ce régime en autorisant le maire à accorder des dérogations temporaires, dans la limite d'un maximum de dix - les fameuses dix dérogations annuelles - en faveur des groupements sportifs.
M. François Rochebloine. J'y ai participé activement !
M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Je le sais ! (Sourires.)
S'agissant de cas très particuliers qui, certainement, tiennent au fonctionnement local de vos associations, je me propose de saisir mon collègue Dominique Bussereau, secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire, pour étude et examen de ces cas d'espèce. Je peux vous assurer que je suivrai avec beaucoup d'attention le traitement de ces dossiers.
Mme la présidente. La parole est à M. François Rochebloine.
M. François Rochebloine. Monsieur le ministre, je vous remercie des précisions que vous avez bien voulu m'apporter. Cependant, je tiens tout de même à appeler votre attention sur la différenciation des associations. Vous avez parlé de celles de neuf salariés et plus, mais ce ne sont pas elles qui sont concernées : ce sont les petites, je dirais même les très petites associations.
Je souhaite que l'administration fasse davantage preuve de bon sens et de proximité et qu'elle arrête d'enquiquiner, si vous me permettez d'employer cette expression, les bénévoles, lesquels oeuvrent tout au long de l'année et n'ont pas peur de dépenser leur argent personnel pour cela.
Auteur : M. François Rochebloine
Type de question : Question orale
Rubrique : Associations
Ministère interrogé : jeunesse et sports
Ministère répondant : jeunesse et sports
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 octobre 2004