Question orale n° 965 :
taxe sur les tabacs

12e Législature

Question de : M. Gérard Cherpion
Vosges (2e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Gérard Cherpion interroge M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la lutte contre le cancer, grand chantier du Président de la République mis en oeuvre par le Gouvernement depuis 2002, qui passe par la lutte contre le tabagisme. Celle-ci a montré des résultats convaincants, notamment chez les adolescents : chez ces derniers, une nette inversion de tendance a pu être observée, ce qui constitue un progrès notable à mettre en partie au crédit de la politique de hausse des prix du tabac. Néanmoins, certains effets non souhaités de cette politique sont constatés aujourd'hui : plusieurs de nos voisins européens pratiquant des prix moins élevés que les nôtres, les achats transfrontaliers ont pris des dimensions spectaculaires dans la plupart des départements frontaliers, avec les conséquences désastreuses qui en résultent, pour les buralistes comme pour l'administration fiscale. Ainsi, en Lorraine, chaque fin de semaine, le « covoiturage clopes » est devenu une forme de sport régional : une étude de l'office statistique luxembourgeois publiée fin octobre montrait que le nombre de cigarettes importées, au Luxembourg, avait augmenté de 25 % au premier trimestre 2004. Dans le même temps, les ventes de tabac en volume baissaient de façon significative dans les départements frontaliers - mais sans que l'on puisse y constater de baisse de la consommation équivalente. La cohérence de la politique budgétaire et de santé publique d'une part, le développement des zones rurales frontalières d'autre part, souffrent donc de ce commerce transfrontalier contre lequel il est nécessaire de lutter. A terme, seule l'harmonisation des prix au sein de l'Union européenne peut résoudre de façon durable ce problème. Le Gouvernement français a présenté à Bruxelles un mémorandum en ce sens fin 2003. Invité au Congrès annuel des débitants de tabac le 15 octobre dernier, il a pris acte des engagements de son prédécesseur en la matière : considérer le tabac comme une marchandise spécifique, dérogeant au principe de libre circulation des biens en Europe, ou aller vers une harmonisation fiscale communautaire. Il souhaite connaître sa position en la matière et lui redire combien tout effort fait dans ce domaine sera soutenu par les 102 cosignataires de la proposition de loi « visant à réduire le commerce transfrontalier du tabac ».

Réponse en séance, et publiée le 8 décembre 2004

RÉDUCTION DU COMMERCE
TRANSFRONTALIER DU TABAC

M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion, pour exposer sa question, n° 965.
M. Gérard Cherpion. La lutte contre le cancer, grand chantier du Président de la République mis en oeuvre par le Gouvernement depuis 2002, passe par la lutte contre le tabagisme. Celle-ci a montré des résultats convaincants, notamment chez les adolescents. En effet, une nette inversion de tendance a pu être observée chez ces derniers, ce qui constitue un progrès notable à mettre en grande partie au crédit de la politique de hausse des prix du tabac.
Néanmoins, certains effets non souhaités de cette politique sont constatés aujourd'hui. Ainsi, plusieurs de nos voisins européens pratiquant des prix moins élevés que les nôtres, les achats transfrontaliers ont pris des dimensions spectaculaires dans la plupart des départements frontaliers, avec les conséquences désastreuses qui en résultent, pour les buralistes comme pour l'administration fiscale. En Lorraine, par exemple, chaque fin de semaine, le " covoiturage dopes " est devenu une forme de sport régional. Une étude de l'office statistique luxembourgeois publiée fin octobre a d'ailleurs montré que le nombre de cigarettes importées du Luxembourg avait augmenté de 25 % au premier trimestre 2004.
Dans le même temps, les ventes de tabac en volume baissaient de façon significative dans les départements frontaliers, mais sans qu'on puisse y constater de baisse équivalente de la consommation.
La cohérence de la politique budgétaire et de santé publique, d'une part, le développement des zones rurales frontalières, d'autre part, souffrent donc de ce commerce transfrontalier contre lequel il est nécessaire de lutter. À terme, seule l'harmonisation des prix au sein de l'Union européenne peut résoudre de façon durable ce problème. Le gouvernement français a présenté à Bruxelles un mémorandum en ce sens fin 2003.
Invité au congrès annuel des débitants de tabac le 15 octobre dernier, j'ai pris acte des engagements de votre prédécesseur en la matière : considérer le tabac comme une marchandise spécifique, dérogeant au principe de libre circulation des biens en Europe, et aller vers une harmonisation fiscale communautaire. Je souhaite aujourd'hui connaître votre position en la matière et vous redire combien tout effort consenti dans ce domaine sera soutenu par les 104 cosignataires de la proposition de loi visant à réduire le commerce transfrontalier du tabac.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.
M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, vous avez raison - et je vous sais bon connaisseur de ce sujet compliqué -, le développement des ventes transfrontalières de tabac est un phénomène très préoccupant dont nous avons pris la mesure il y a quelque temps déjà. Il fragilise en effet fortement les buralistes frontaliers et affaiblit la politique de santé publique conduite par le Gouvernement dont je voudrais réaffirmer devant vous l'importance. Ce sujet exige donc une forte mobilisation.
Je veux profiter de cette intervention pour saluer le travail que vous-même et vos collègues, je pense notamment à Yves Bur et Lionnel Luca, avez accompli lorsque nous avons, à l'initiative du Premier ministre, négocié les termes du fameux contrat d'avenir avec la profession des buralistes.
Quant aux les achats transfrontaliers de tabac, notre marge de manoeuvre nationale est faible par rapport à Bruxelles. Il faut donc tenir compte de cet élément lorsque nous prenons des initiatives nationales.
Le projet de loi de finances pour 2005 comporte une disposition, adoptée par les deux assemblées, limitant à 200 le nombre de cigarettes pouvant être importées des dix nouveaux États-membres. C'est un premier pas que nous autorise le droit communautaire, même s'il ne règle pas spécifiquement le problème des ventes transfrontalières.
C'est pourquoi le Gouvernement a pris des mesures plus spécifiques. Le contrat d'avenir, signé il y a un an, comprend ainsi des mesures financières significatives, particulièrement pour les buralistes frontaliers, notamment ceux dont le chiffre d'affaires a fortement baissé.
Par ailleurs, le Gouvernement souhaite développer de nouvelles activités dans les bureaux de tabac, qui doivent demeurer des lieux de convivialité et dont le maillage de proximité est un important facteur de maintien des liens sociaux.
Mais, c'est vrai, le problème structurel demeure, et il ne peut être réglé qu'avec l'aide de Bruxelles, qu'il s'agisse de s'engager dans un processus d'harmonisation fiscale des tabacs ou de réglementation de la circulation du tabac à l'intérieur de la Communauté.
Je pense qu'il est légitime de poser la question, comme vous le faites, monsieur le député, de la spécificité du tabac au regard du principe de libre circulation des marchandises. Dans cet esprit, la France participe au groupe de travail européen chargé d'aménager la directive sur les droits d'accises.
À la fin du mois d'août dernier, le ministre des finances a écrit au Président de la Commission européenne pour demander que le seuil de 800 cigarettes, seulement indicatif d'un usage commercial actuellement, devienne impératif. Cela permettrait que la taxe française soit appliquée automatiquement à toute personne introduisant plus de 800 cigarettes sur notre territoire.
Je demanderai donc à nos représentants au sein des instances de Bruxelles de défendre cette mesure.
En tout état de cause, je veux réaffirmer ici la détermination du Gouvernement. Nous ferons valoir au niveau communautaire l'impératif de santé publique sur lequel nous savons que nous pouvons rallier les États dont un nombre croissant partagent notre préoccupation.
M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion.
M. Gérard Cherpion. Merci, monsieur le ministre, pour cette réponse qui montre la détermination du Gouvernement. Je souhaite que ce groupe de travail puisse statuer très rapidement et que les mesures soient mises en oeuvre très vite. Il y va de l'intérêt de l'État français sur le plan fiscal, de la santé publique et de l'aménagement du territoire.

Données clés

Auteur : M. Gérard Cherpion

Type de question : Question orale

Rubrique : Impôts et taxes

Ministère interrogé : économie

Ministère répondant : économie

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 7 décembre 2004

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