Question orale n° 985 :
PAC

12e Législature

Question de : M. François Sauvadet
Côte-d'Or (4e circonscription) - Union pour la Démocratie Française

M. François Sauvadet appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité sur les conséquences pour les agriculteurs des reports de paiement de la PMTVA (prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes). Ces reports engendrent d'importantes difficultés de trésorerie, car ils doivent néanmoins assurer le paiement des fermages et les annuités d'emprunts. Par ailleurs, les contrôles de plus en plus fréquents et complexes auxquels ils sont soumis, entraînent également des retards de paiement, même si aucune anomalie n'est relevée, en raison de la longueur des délais. Il souhaiterait que soit établi un cahier des charges type pour que ces contrôles soient davantage encadrés et lui demande de prévoir la création d'une commission de recours en cas de litiges. Les règles de mise en oeuvre de la conditionnalité des aides PAC envoyées aux agriculteurs ces jours derniers sont extrêmement compliquées et difficilement gérables sur le terrain quand on sait qu'une anomalie mineure suffit pour que l'agriculteur se voit supprimer 1 % de la totalité de ses aides PAC. Il lui demande des éléments d'information sur les conditions dans lesquelles il va faire appliquer ces mesures, sur le découplage des aides et sur les moyens qu'il entend mettre en oeuvre pour éviter la surenchère avec la mise en place des droits à paiement marchand.

Réponse en séance, et publiée le 22 décembre 2004

CONDITIONS D'OCTROI
DES AIDES AUX AGRICULTEURS

M. le président. La parole est à M. François Sauvadet, pour exposer sa question, n° 985, relative aux conditions d'octroi des aides aux agriculteurs.
M. François Sauvadet. Je souhaite interroger M. le ministre de l'agriculture sur plusieurs points qui préoccupent gravement les agriculteurs.
En premier lieu, la décision de reporter le paiement d'une partie de la PMTVA, la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes, engendre des difficultés de trésorerie pour les agriculteurs qui doivent assurer pendant les mois de retard les fermages, annuités d'emprunt et autres charges. On dit que, en Côte-d'Or, 260 éleveurs devront attendre janvier ou février pour percevoir une prime qui devait leur être versée en octobre. Je souhaiterais savoir quelles dispositions le Gouvernement entend prendre pour la leur verser dans les meilleurs délais et éviter que ne se renouvelle ce type de problème. Je rappelle que la somme en question représente 15 000 euros en moyenne par exploitant. Elle est donc très attendue.
En deuxième lieu, les agriculteurs sont soumis à des contrôles de plus en plus nombreux et complexes, à caractère parfois inquisitorial, qui entraînent des retards de paiement même quand aucune anomalie n'est relevée. Il est paradoxal que le simple fait d'engager un contrôle puisse suspendre les aides, même en l'absence de toute irrégularité. D'ailleurs, les litiges portent souvent sur des problèmes marginaux plutôt que sur des fraudes réelles. J'ajoute que les délais d'élaboration des rapports sont longs, ce qui pénalise encore les exploitants.
À cet égard, je vous soumets deux propositions. Tout d'abord, il faudrait que soit établi un cahier des charges type pour éviter que des personnes plus ou moins bien formées ne se livrent parfois à des contrôles inopportuns, sur la base de fondements discutables. On mesure l'importance de faire appel à des contrôleurs formés, plutôt qu'à des vacataires dont la formation paraît pour le moins incertaine. Ensuite, il faudrait prévoir une commission de recours en cas de litige, comme en prévoit la réglementation française dans de nombreuses professions, afin que l'agriculteur recevant son rapport assez tôt puisse formuler un recours en connaissant les faits qui lui sont reprochés.
En troisième lieu, les règles de mise en oeuvre de la conditionnalité des aides PAC devaient être envoyées aux agriculteurs ces derniers jours. Mais je m'étonne qu'aucun parlementaire n'en ait reçu la trame et je crains que, faute d'une certaine flexibilité, nous n'allions vers des difficultés croissantes pour les exploitants. Les règles en matière de conditionnalité sont nombreuses, complexes et difficilement gérables sur le terrain. Quand on sait que, là encore, une anomalie mineure suffit pour que l'agriculteur se voie supprimer 1 % de la totalité des aides PAC, même en l'absence de fraude volontaire, il y a de quoi s'interroger sur les contraintes qu'on leur impose. Par exemple, il suffit qu'une boucle d'identification manque à un bovin pour que l'éleveur soit confronté à un tel problème. C'est dire dans quelle économie les agriculteurs se retrouvent aujourd'hui. Il importe donc de simplifier ces mesures.
Je souhaiterais enfin quelques informations sur l'état d'avancement des négociations à Bruxelles et sur les conditions dans lesquelles le Gouvernement fera appliquer ces mesures sans que le principe de conditionnalité se résume à une machine à distribuer des sanctions. J'aimerais aussi que la représentation nationale soit rapidement informée sur la mise en place du découplage des aides et sur les droits à paiement qui vont devenir marchands. Je crains en effet des problèmes liés à la surenchère et à l'agrandissement des exploitations.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État.
M. Éric Woerth, secrétaire d'État à la réforme de l'État. Monsieur le député, je répondrai en lieu et place de mon collègue Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité, que vous interrogez sur plusieurs points.
Votre première question concerne le rapport de paiement de la prime à la vache allaitante. En raison d'une obligation communautaire de durée de détention de six mois des animaux au sein des exploitations, la campagne de paiement des aides PMTVA se fait sur deux exercices budgétaires. Ainsi, les dossiers déposés en 2004 sont payables pour partie en 2004 et pour partie en 2005.
Toutefois, en 2004, nous avons eu à faire face à une situation très particulière qui a conduit à reporter au début de 2005 le paiement de 23 000 dossiers de PMTVA sur un total de 110 000. Les raisons de ce report sont multiples. Tout d'abord, le nombre de dossiers déposés en début de période était plus important en 2004 que les années précédentes : on comptait 37 % des dossiers réglés lors du premier paiement en 2004, contre 19 % en 2002. Ensuite, le montant des dossiers déposés en début de période a été plus conséquent cette année qu'au cours des années précédentes : 50 % de l'enveloppe ont été utilisés lors du premier paiement en 2004, contre 25 % en 2002. Enfin, les conditions de gestion en fin d'année budgétaire ont été plus délicates que les autres années en raison des difficultés spécifiques rencontrées cette année, notamment le paiement des indemnités liées à la sécheresse de 2003.
Vous le savez, les éleveurs en difficulté avec leur organisme bancaire ont la possibilité de demander aux directions départementales de l'agriculture et de la forêt une attestation confirmant le montant de l'aide qui leur sera versée au début de 2005. Par ailleurs, je vous confirme que le ministre de l'agriculture a demandé à ses services de mettre ces dossiers en paiement dès le 10 janvier prochain.
J'en viens à votre seconde question. Vous dénoncez le nombre croissant des contrôles auxquels sont soumis les agriculteurs. Ces contrôles constituent une nécessité incontournable, tant en matière d'aides PAC que de sécurité alimentaire. Cependant, conscient que ceux-ci peuvent être mal vécus - nous le voyons fréquemment sur le terrain -, le ministre de l'agriculture a demandé à ses services de réfléchir à la manière de les rationaliser et de les rendre plus lisibles. C'est d'ailleurs un sujet auquel je suis également sensible, en tant que secrétaire d'État à la réforme de l'État, et sur lequel différents ministres auront à travailler. C'est dans cette perspective que le ministre de l'agriculture a chargé des hauts fonctionnaires de réfléchir à l'élaboration d'une charte nationale des contrôles.
M. François Sauvadet. Très bien !
M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. En troisième lieu, monsieur le député, vous exprimez des inquiétudes au sujet de la mise en place de la PAC. La France a choisi d'appliquer le découplage en 2006, y compris dans le secteur du lait. L'année 2005 sera donc consacrée à la préparation du paiement de l'aide découplée et constituera une année de simulation permettant tant de finaliser les règles de gestion des droits que de familiariser les agriculteurs avec cette nouvelle manière de percevoir leurs aides directes.
En février 2005, les exploitants recevront une information sur leurs droits provisoires, dits droits historiques, ainsi qu'un formulaire de recensement des événements tant structurels que juridiques survenus dans leur exploitation depuis le 1er janvier 2000 et susceptibles d'avoir un impact sur le montant de leurs droits définitifs. L'année 2005 étant consacrée à l'actualisation des droits sur la base de ces informations, les droits définitifs seront officiellement notifiés aux exploitants agricoles au début de 2006.
Le règlement 1782/2003 prévoit des dispositions destinées à limiter au maximum les risques de surenchère liés au caractère " marchand " des droits. Ainsi, les exploitants agricoles ne seront pas autorisés à vendre leurs droits sans les terres correspondantes s'ils ne les ont pas activés au moins une fois, à l'exception des fermiers sortants. Par ailleurs, la France a fait des choix permettant d'instaurer le plus grand nombre de mécanismes d'encadrement du marché des droits et de préserver un lien fort entre le foncier, le droit et les droits à paiement. Ainsi, les transferts de droits sans terres seront limités au niveau départemental. La location des droits ne pourra se faire qu'accompagnée d'un bail rural. La taxation des cessions des droits sans terres, très dissuasive, s'élèvera à 50 %, celle des cessions de droits avec terres étant comprise entre 3 et 10 %. Une réserve nationale de droits sera mise en place, notamment pour poursuivre une politique d'installation et corriger certaines situations. En outre, après le CSO du 9 novembre dernier, un groupe de suivi du comité d'orientation a été mis en place. Il s'est déjà réuni une fois pour examiner tous les sujets relatifs à la gestion des droits.
À côté du découplage des aides directes, la conditionnalité des aides constitue l'autre composante essentielle de la réforme de la PAC. Elle répond à une forte demande sociale en matière de préservation de l'environnement et constitue une contrepartie légitime aux 8 milliards d'euros octroyés aux agriculteurs français au titre de la PAC. Il n'est pas exact de dire que la conditionnalité introduit de nouvelles règles. La plupart des exigences composant la conditionnalité réglementaire ne sont pas nouvelles. Certaines sont d'ailleurs en vigueur depuis plusieurs années.
Par ailleurs, les bonnes conditions agricoles et environnementales définies par la France sur la base d'orientations communautaires l'ont été en toute transparence avec les organisations professionnelles agricoles associées aux différents groupes de travail. Elles prévoient la mise en place d'un suivi. Les organisations professionnelles ont également été associées à la relecture des deux livrets à destination des exploitants agricoles, dont l'objectif est d'expliquer les nouvelles règles introduites par la conditionnalité, les exigences contrôlées sur les exploitations, les modalités d'organisation des contrôles, ainsi que les conséquences financières en cas d'anomalie constatée.
J'espère, monsieur le député, que ma réponse vous satisfera.
M. le président. Est-ce le cas, monsieur Sauvadet ?
M. François Sauvadet. Je retiens que le paiement de la PMTVA interviendra au 10 janvier. Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d'État, être notre interprète auprès du ministre de l'agriculture afin que l'on prenne des dispositions l'an prochain pour éviter un tel délai de trésorerie de trois mois ? Il est bon, néanmoins, que le délai de versement soit désormais connu.
En ce qui concerne les contrôles, j'approuve l'idée d'une charte ou d'un cahier des charges. Une harmonisation est en effet nécessaire pour éviter que les exploitants n'aient l'impression d'être livrés à des contrôleurs dont la compétence mériterait parfois d'être vérifiée. Souvent, des vacataires se retrouvent ainsi confrontés à des professionnels appelés par d'autres tâches.
Enfin, je vous ai entendu avec un grand intérêt évoquer la conditionnalité. Le meilleur moyen d'assurer aux agriculteurs que les règles seront moins contraignantes qu'ils ne le craignent est évidemment de les leur faire connaître. J'invite donc le Gouvernement à nous les adresser dès qu'elles seront établies, afin que nous puissions jouer notre rôle de régulation et nous faire les porte-parole non d'intérêts catégoriels, mais d'un désir de simplification qui est aussi le vôtre, monsieur le secrétaire d'État. Je tiens d'ailleurs à souligner que vous avez fait avancer nombre de dossiers. J'aurai l'occasion de le redire dans d'autres enceintes.

Données clés

Auteur : M. François Sauvadet

Type de question : Question orale

Rubrique : Agriculture

Ministère interrogé : agriculture, alimentation et pêche

Ministère répondant : agriculture, alimentation et pêche

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 21 décembre 2004

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