marchés financiers internationaux
Question de :
M. Marc Le Fur
Côtes-d'Armor (3e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Marc Le Fur attire l'attention de Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi sur le développement des fonds dits souverains et leur montée en puissance dans les entreprises stratégiques. Ces fonds d'entreprise ou d'États étrangers, bien que respectant les prescriptions du droit communautaire, présentent le risque, à moyen terme, de mettre des pans entiers de secteurs stratégiques, telle la production d'énergie, sous contrôle d'États tiers, au développement spectaculaire tels que la Chine ou la Russie. Selon le président de la Commission européenne, Manuel Baroso, « le risque est désormais que le marché intérieur se fragmente, si chaque État membre met en place sa propre politique de protection contre les entreprises originaires de pays tiers ». Dans cette perspective, la Commission vient de prendre une initiative visant à interdire la prise de contrôle des réseaux (libérés du fait de la séparation des activités de production et de transport d'électricité et de gaz) par des investisseurs de pays tiers. Il lui demande si la France entend soutenir l'action de la Commission et inciter ses partenaires européens à s'engager dans le cadre d'une démarche commune.
Réponse publiée le 13 mai 2008
Les fonds souverains (Sovereign Wealth Funds [SWF] regroupent un vaste ensemble de fonds gérés par des gouvernements, abondés, notamment, par des « trop-pleins » de recettes d'exportations (par exemple pétrolières) ou par des excédents de réserves officielles. Ces fonds peuvent poursuivre des objectifs différents, à l'image des fonds de retraite, des fonds de stabilisation ou des fonds de développement et ont une fonction différente des réserves officielles gérées par la Banque centrale. Si ces fonds ne sont pas nouveaux, l'ampleur des montants qu'ils représentent, en revanche, est inédite, du fait essentiellement de la hausse des cours du pétrole et de l'excédent courant chinois. Bien que la valeur précise des Fonds gérés par les SWF soit inconnue - les gouvernements ne communiquant que très peu ou pas (hormis la Norvège) sur ces fonds - les services du Fonds monétaire international (FMI) l'ont récemment estimée de 1 900 à 2 900 milliards de dollars. Les montants gérés par ces fonds devraient connaître une croissance importante dans les prochaines années. Les bénéfices associés à l'existence des fonds souverains peuvent être nombreux et leur croissance ne constitue pas un problème en soi. En effet, ils peuvent avoir un effet stabilisateur pour les économies qui les détiennent, mais aussi jouer un rôle bénéfique de financement de l'économie mondiale, y compris française. Ils peuvent ainsi apporter de la liquidité aux marchés qui en ont besoin, à l'image des récentes opérations menées par plusieurs fonds souverains dans des établissements bancaires touchés par la crise des « subprimes » (Citigroup, UBS, Morgan Stanley, par exemple). Toutefois, les craintes que leur développement suscite sont réelles et leur activité peut présenter un risque macro-financier non négligeable de déstabilisation des marchés financiers internationaux, en raison de l'importance des sommes dont ils disposent, de leur opacité dans leur communication et de l'interrogation qui peut exister sur leurs motivations. Dans ce contexte, les fonds souverains ont reçu depuis l'été dernier une attention internationale importante et ont' fait l'objet de débats nourris au sein des principales enceintes multilatérales. Ainsi, les ministres des finances du G7 ont reconnu leur rôle positif, les risques que leur développement présente et ont réaffirmé la nécessité d'une transparence accrue. Le G7 a demandé au FMI et à la Banque mondiale de travailler sur les aspects transparence et stabilité financière et a invité l'Organisation de coopération et de développement économique à se concentrer sur les questions relatives aux régimes d'investissement et à la sécurité nationale. La France a pris une part active dans ces discussions. S'agissant du risque de prise de contrôle dans des secteurs stratégiques, la France dispose déjà d'instruments de contrôle des investissements étrangers, soit par le décret du 30 décembre 2005 relatif aux investissements étrangers en France, qui permet un contrôle des investissements étrangers réalisés dans une liste de onzesecteurs, dont sept hors défense nationale, soit suite à la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes qui a défini un cadre permettant aux États membres de conserver des « golden share » dans certaines entreprises, notamment celles présentant des réseaux d'infrastructure stratégique, soit encore par le biais de réglementations spécifiques à certains secteurs (presse, radio télévisions en langue française). En outre, la plupart des fonds souverains ne cherchent pas à prendre le contrôle des entreprises dans lesquelles ils investissent, et ne réalisent en règle générale que des opérations de placement qui les conduisent à prendre des parts minoritaires dans le capital des entreprises. Tel a notamment été le cas des récents investissements réalisés par les fonds dans des grands groupes bancaires. Dans ce contexte, le ministre a demandé à M. Demarolle de lui remettre d'ici au 15 mai un rapport sur la question des fonds souverains, afin notamment d'établir un bilan des différentes réflexions en cours tant au niveau international qu'au niveau communautaire et une évaluation de la pertinence du cadre juridique français, notamment au regard desdispositifs retenus par nos grands partenaires. M. Demarolle devra également proposer au ministre des orientations susceptibles d'être adoptées par la France vis-à-vis des fonds souverains et d'être portées par la France dans les débats internationaux et communautaires sur le sujet, en intégrant la possibilité de faire évoluer notre cadre législatif et réglementaire, ainsi que de d'adapter de notre politique d'attractivité à l'égard des investissements internationaux. En toute hypothèse, il est exact qu'un encadrement contraignant de l'activité des fonds souverains relèverait nécessairement de la compétence communautaire et devrait également respecter les engagements pris en matière de libéralisation des services par la communauté à l'Organisation mondiale du commerce. La France, de même que la plupart des pays européens, est par ailleurs réservée quant aux modalités proposées par la Commission européenne pour encadrer les investissements des pays tiers dans les opérateurs de réseaux énergétiques. Plusieurs questions juridiques ont en effet été soulevées par de nombreux États lors du dernier Conseil des ministres de l'énergie, quant à la compatibilité de cette clause avec les accords commerciaux conclus par l'Union européenne et par chacun des États membres. La France est donc, aujourd'hui, dans l'attente de justifications plus détaillées de la part de la Commission européenne qui s'est engagée à produire une note explicative sur le sujet au cours du premier trimestre 2008.
Auteur : M. Marc Le Fur
Type de question : Question écrite
Rubrique : Marchés financiers
Ministère interrogé : Économie, finances et emploi
Ministère répondant : Économie, industrie et emploi
Dates :
Question publiée le 13 novembre 2007
Réponse publiée le 13 mai 2008