politique pénale
Question de :
M. Jean-Yves Le Bouillonnec
Val-de-Marne (11e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
M. Jean-Yves Le Bouillonnec attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la mise en oeuvre de la loi relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. La décision du Conseil constitutionnel a rappelé dans son considérant 19 que « le maintien d'une personne condamnée, au delà du temps d'expiration de sa peine, dans un centre médico-judiciaire de sûreté (...) doit être d'une rigueur nécessaire » et que ce dispositif exceptionnel suppose que le condamné ait pu, pendant l'exécution de sa peine, « bénéficier de soins ou d'une prise en charge destinés à atténuer sa dangerosité mais que ceux-ci n'ont pu produire des résultats suffisants, en raison soit de l'état de l'intéressé soit de de son refus de se soigner ». Il en résulte que la décision de placement en rétention de sûreté susceptible d'être prononcée par la commission régionale ne peut intervenir qu'à la condition que la personne concernée ait pu bénéficier d'une mesure d'accompagnement durant l'exécution de sa peine. Dans la mesure où cette condition rejoint la question de la réalité de la prise en charge médico-psychiatrique des condamnés, pendant la durée de la peine, évoquée à l'occasion du débat parlementaire, il souhaite savoir si les moyens actuels permettent de répondre aux exigences posées par le Conseil constitutionnel. Dans la négative, il lui demande quelles mesures en terme d'organisation des services et de mobilisation des moyens financiers et humains sont susceptibles d'être mises en oeuvre sans délais pour permettre cet accompagnement médico-psychiatrique sans lequel la rétention de sûreté ne saurait être prononcée.
Réponse publiée le 4 novembre 2008
La garde des sceaux, ministre de la justice, informe l'honorable parlementaire qu'elle porte une attention particulière à la prise en charge, notamment psychiatrique, des personnes incarcérées qui souffrent de troubles de la personnalité. Dans sa décision du 21 février 2008 concernant la loi du 25 février 2008 instituant la rétention de sûreté, le Conseil constitutionnel a indiqué que cette mesure ne pourrait être prononcée qu'à la condition que la personne condamnée ait effectivement été mise en mesure de bénéficier, pendant l'exécution de sa peine, de la prise en charge et des soins adaptés au trouble de la personnalité dont elle souffre. C'est pourquoi des travaux ont été engagés pour améliorer la prise en charge en détention des auteurs d'agressions sexuelles en général et en particulier celle des personnes condamnées à plus de quinze ans de réclusion criminelle plus particulièrement visées par la loi du 25 février 2008. Cette réflexion s'est concrétisée par la mise en place par l'administration pénitentiaire, début 2008, de programmes de prévention de la récidive. Actuellement une cinquantaine de projets sont en cours d'expérimentation sur les 10 régions pénitentiaires. Ces programmes de prévention de la récidive se caractérisent par l'approche criminologique consistant en un travail axé sur le passage à l'acte délictueux et fondé sur une méthode cognitivo-comportementale et par une implication forte des personnels d'insertion et de probation. En effet ce sont les services pénitentiaires d'insertion et de probation qui sont chargés de piloter ces programmes dans un champ de compétence qui se distingue du champ d'intervention des personnels de santé basé sur le soin. Cependant, un dispositif plus spécifique, centré sur les auteurs d'agressions sexuelles, associant approche médicale et accompagnement pénitentiaire était nécessaire. A cette fin, l'administration pénitentiaire a habilité 22 établissements pénitentiaires, répartis sur l'ensemble du territoire, à l'accueil des auteurs d'infractions sexuelles et en particulier les personnes visées par la loi du 25 février 2008. Il s'agit d'établissements pénitentiaires accueillant une proportion importante d'auteurs d'infractions sexuelles. Parallèlement, une concertation avec le ministère chargé de la santé a été engagée afin d'obtenir un abondement des moyens psychiatriques et psychologiques dans ces établissements. Sur les 13 millions d'euros qui ont été délégués à ce ministère dans le cadre de la loi « prévention de la récidive », 6,5 millions concernent en effet le renforcement de la prise en charge psychiatrique dans les établissements pénitentiaires et 6,5 millions, la création ou la consolidation de centres de ressources dans toutes les régions administratives. Ce dispositif, qui devra être approfondi et affiné par types d'infractions, reposera sur une prise en charge densifiée, pluridisciplinaire et adaptée selon le profil de la personne détenue. Dans ces conditions, la décision du Conseil constitutionnel posant comme condition préalable à une éventuelle rétention de sûreté la possibilité effective d'une prise en charge du condamné pendant l'exécution de sa peine ne soulève pas de difficultés d'application. Le Gouvernement a du reste décidé de consacrer cette décision dans la loi, en inscrivant expressément cette condition dans l'article 706-53-15 du code de procédure pénale qui précise les modalités selon lesquelles la juridiction régionale de la rétention de sûreté peut prononcer une telle mesure. Cette modification figurera ainsi dans le projet de loi tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle. Ce projet de loi, élaboré à la suite du rapport sur la loi du 25 février 2008 remis au Président de la République par le premier président de la Cour de cassation, M. Vincent Lamanda, est actuellement soumis à l'examen du Conseil d'État et il devrait être déposé au Parlement dans les prochaines semaines.
Auteur : M. Jean-Yves Le Bouillonnec
Type de question : Question écrite
Rubrique : Droit pénal
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Signalement : Question signalée au Gouvernement le 28 octobre 2008
Dates :
Question publiée le 18 mars 2008
Réponse publiée le 4 novembre 2008