Question écrite n° 20120 :
ventes aux enchères

13e Législature

Question de : M. Jean-Claude Bouchet
Vaucluse (2e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Jean-Claude Bouchet attire l'attention de Mme la ministre de la culture et de la communication sur la nécessité de dynamiser le marché de l'art en France. Depuis plusieurs années déjà, le marché de l'art français baisse à raison de 2 % par an alors que le marché mondial profite d'un formidable développement, avec un produit de vente record pour 2007 de 9,2 milliards de dollars. En raison de réglementations archaïques, notre pays reste à l'écart de cette dynamique et se voit distancé par les pays émergents tels que la Chine. Ce pays vient d'ailleurs cette année de ravir à la France la troisième place au rang mondial : triste constat si l'on se souvient qu'il y a cinquante ans, Paris était le leader mondial. Dans son analyse annuelle du marché de l'art, rendue le 21 février 2008, le conseil des ventes juge la situation préoccupante pour les sociétés de ventes volontaires aux enchères, tout particulièrement celles situées en province. Sur le plan de la réglementation et de la fiscalité, la France ne lutte pas à armes égales avec ses grands concurrents mondiaux. Cette rigidité a pour conséquence une érosion du marché hexagonal et un affaiblissement de la compétitivité des entreprises françaises. Eu égard à tous les emplois induits par l'activité des salles de ventes, le soutien du marché de l'art est un enjeu primordial. Le conseil des ventes rappelle à Mme la ministre qu'elle a fait part, dans son discours du 24 septembre 2007, de son intention d'engager un véritable « plan de renouveau pour le marché de l'art » et ce avec l'appui du Président de la République. À sa demande, le commissaire général de la FIAC a remis récemment son rapport, dans lequel il présente une quarantaine de propositions destinées à dynamiser le marché. En conséquence il lui demande de bien vouloir lui indiquer quelle suite le Gouvernement entend donner à ce rapport et la remercie de lui préciser le calendrier de sa mise en oeuvre.

Réponse publiée le 26 août 2008

Si la France demeure un grand marché de l'art, notamment grâce à la richesse de son patrimoine et de sa création, et au dynamisme de ses maisons de vente, galeristes et antiquaires, sa position au niveau mondial s'est incontestablement dégradée au cours des dernières décennies. Certes, la France occupe encore la troisième place mondiale pour les ventes d'oeuvres d'artistes vivants, mais elle se situe désormais très loin derrière les États-Unis et la Grande-Bretagne, avec environ 6 % des ventes mondiales contre respectivement 50 % et 25 %. Sur le long terme, le recul du marché et des acteurs français est indéniable : le chiffre d'affaires de Drouot en 1950 équivalait à la somme de celui de Christie's et Sotheby's, alors que ces deux sociétés contrôlent aujourd'hui, à elles seules, plus de 70 % du marché mondial de l'art. Cette régression relative était particulièrement nette en 2006, puisque les ventes en France ont progressé de 13 % alors que le marché mondial, pour sa part, connaissait une croissance de 36 %. La place de numéro trois de la France lui est désormais disputée par la Chine. Par ailleurs, si le marché français reste encore soutenu par l'existence d'un patrimoine national considérable, qui en constitue la matière première, force est de constater que ce « réservoir » se vide inexorablement : une oeuvre est importée pour deux oeuvres exportées. Ce constat révèle différents handicaps. Certains sont identifiés de longue date et sont étrangers au marché de l'art : pression fiscale globale trop élevée, existence d'une place financière de moindre envergure que celle des autres grandes scènes du marché de l'art que sont Londres, New York, ou Hong Kong. Mais sont également en cause de nombreuses pesanteurs fiscales ou réglementaires propres au marché de l'art et le fait que les rapports entre les institutions publiques et le secteur privé - qu'il s'agisse des professionnels du marché ou du rayonnement international. En outre, le rôle des collectionneurs privés est essentiel dans l'accroissement des collections publiques, mais également dans le financement de la création. Et leur poids économique est très supérieur à celui des institutions publiques. Concrètement, ce premier axe se décline en deux séries de mesures. Il s'agit, en premier lieu, d'encourager les Français à devenir collectionneurs. En effet, la décision d'acheter une oeuvre d'art est souvent regardée comme un acte aventureux. Cela résulte d'un ensemble complexe de facteurs, parmi lesquels l'idée qu'acheter des oeuvres d'art est réservé à une élite intellectuelle, dotée en outre de moyens financiers très supérieurs aux siens. La peur de manifester son ignorance devant des acteurs jugés intimidants se mêle pourtant au désir de mieux connaître l'art. Or, le mouvement des collectionneurs plus modestes mais bien informés se développe, notamment au Royaume-Uni et aux Pays-Bas. Il doit être, de toute évidence, soutenu et encouragé par les pouvoirs publics. Aussi, afin d'inciter les particuliers à l'achat d'oeuvres d'artistes vivants auprès des professionnels du marché de l'art - mesure qui aurait également pour effet d'encourager la création - sera mis en place un dispositif de prêt sans intérêt, financé par une banque partenaire qui sera le mécène et le relais de l'opération auprès des particuliers. Ce dispositif s'inspire du programme anglais Own Art, lancé en 2004, qui a rencontré un grand succès, notamment auprès des classes moyennes, puisque 30 % des particuliers qui ont recouru au dispositif disposaient de revenus inférieurs à la moyenne et que 30 % achetaient une oeuvre d'art pour la première fois. Une seconde série de mesures vise à élargir l'intervention des petites entreprises sur le marché de l'art. En effet, depuis la loi du 23 juillet 1987, les entreprises peuvent déduire de leur résultat imposable le coût d'acquisition d'oeuvres d'artistes vivants, mais à condition que ces oeuvres soient exposées dans des lieux accessibles au public et aux salariés qui ne soient pas leurs bureaux. Par ailleurs, le dispositif exclut les entreprises individuelles et les professions libérales. Enfin, il est peu attractif pour les petites entreprises, car le montant de la déduction est plafonné de façon uniforme à 0,5 % du chiffre d'affaires. Ces différentes conditions ou restrictions sont d'autant plus dommageables que plus de la moitié des opérations de mécénat engagées en France le sont par des PME. Elles seront donc supprimées ou assouplies : d'une part, le dispositif sera ouvert aux entreprises individuelles et aux professions libérales ; d'autre part, le plafond de la déduction sera relevé à 1 % du chiffre d'affaires pour les PME ; enfin, les entreprises seront laissées libres de diffuser ou de valoriser les oeuvres acquises par tous moyens appropriés. Au-delà, une réflexion interministérielle globale sur le mécénat d'entreprise sera engagée. Le second axe du plan de renouveau du marché de l'art français consiste à améliorer la compétitivité du marché de l'art français et de ses acteurs. En premier lieu, la réglementation applicable aux maisons de ventes sera allégée et modernisée. À cet égard la directive « Services », qui vise à libéraliser notamment l'exercice de ce type d'activité dans l'Union européenne, pose le cadre général dans lequel la réforme des ventes volontaires devra nécessairement s'inscrire. D'abord le régime d'agrément préalable des maisons de ventes, qui constitue une caractéristique française, laissera la place à une simple déclaration, sans réduire pour autant la protection des consommateurs. Surtout, à l'instar de leurs homologues européennes, les maisons françaises disposeront enfin de la possibilité d'offrir un minimum garanti aux vendeurs, de réaliser des ventes de gré à gré, ou encore de vendre des oeuvres dont elles seraient propriétaires. Il s'agit de facultés essentielles vis-à-vis de leurs clients, qui sont ouvertes aux maisons de vente dans tous les principaux pays concurrents de la France. Enfin l'extension récente de la taxe dite « sur les arts de la table » sera abrogée. En effet, les contraintes déclaratives imposées aux acteurs du marché de l'art pour un prélèvement qui représente 0,2 % du chiffre d'affaires concerné sont disproportionnées et contre-productives. En second lieu, il conviendra de tirer un meilleur parti du cadre juridique européen. D'abord, les effets du droit de suite, perçu dans notre pays à l'occasion de la vente de toute oeuvre réalisée par un artiste vivant ou décédé depuis moins de 70 ans, ont été manifestement mal évalués en 2006, lors de la transposition dans notre droit de la directive du 27 septembre 2001 qui pose son principe. Ce droit est inconnu de places comme New York, Hong Kong ou Genève. Surtout, au sein même de l'Union européenne, le Royaume-Uni a fait le choix, ouvert par la directive, de n'appliquer le droit de suite que sur les ventes d'artistes vivants. Une distorsion non négligeable s'est ainsi instituée entre la place de Paris et sa rivale la plus immédiate, celle de Londres. Réduire l'écart entre les marchés français et britannique doit donc être une priorité. En particulier, l'application du droit de suite doit se faire selon les mêmes modalités dans les deux pays. Or, la France dispose, en 2008, d'une opportunité pour ouvrir le débat au niveau communautaire, puisque la directive de 2001 pose le principe d'une évaluation de son dispositif par la Commission européenne, sous la forme d'un rapport remis au Parlement européen le 1er janvier 2009. Ensuite, la TVA à l'importation, appliquée à l'entrée de l'Union européenne et qui détourne les ventes vers des places comme New York ou Genève, est également un facteur de difficulté majeur pour les professionnels français. En effet, elle frappe au taux normal de 19,6 % - et non au taux réduit de 5,5 %, qui s'applique en règle générale - des biens pour lesquels la place de Paris dispose ou disposait d'une spécialité reconnue : la joaillerie, les manuscrits ou les meubles de moins de cent ans d'âge - donc, les meubles « Arts déco » et « Art nouveau ». À titre de comparaison, la TVA à l'importation applicable en Suisse, y compris aux bijoux et aux meubles de moins de cent ans, est de 8 %. Une réflexion est engagée au niveau communautaire, à l'instigation notamment de la France, sur le champ d'application de la TVA à taux réduit. Cette réflexion portera notamment sur le taux applicable aux biens échangés sur le marché de l'art. En outre, pour soutenir les commerces d'art en matière de développement international, le crédit d'impôt dit de « prospection commerciale » sera aménagé pour tenir compte de leurs spécificités. Par exemple, les dépenses exposées pour l'édition de catalogues destinés à présenter les oeuvres de leurs stocks, ou pour la participation à des foires et salons à l'étranger, pourraient être éligibles. Enfin, de nombreuses mesures simples et concrètes sont possibles afin de mieux connaître et de sécuriser les professionnels du marché de l'art. Les outils statistiques sur le marché de l'art seront développés. Certains documents administratifs exigés des professionnels seront modernisés - et notamment dématérialisés. L'accès aux bases de données utilisées par les services de l'État dans leur lutte contre le trafic illicite de biens culturels sera ouvert aux professionnels - particulièrement aux antiquaires. Une initiative a d'ores et déjà été engagée auprès des autres États membres de l'Union européenne pour encourager le rapprochement des réglementations qui ont pour objectif de faire échec à ce trafic, notamment en matière de recel. Le conseil informel des ministres de la culture de l'Union européenne, qui s'est tenu à Versailles les 21 et 22 juillet 2008, a permis de constater une véritable unanimité sur ce point. Ce plan, qui s'adresse aussi bien aux collectionneurs - particuliers et petites entreprises en particulier - qu'aux professionnels du marché de l'art - antiquaires, galeristes et maisons de vente -, présente donc un caractère global. À ce titre, il est inédit et crée enfin les conditions d'un fonctionnement dynamique du marché de l'art français, dans des conditions de concurrence comparables à celles de nos voisins, de façon à tirer pleinement parti de ce support de croissance et de ses retombées tant économiques que culturelles. Son volet fiscal, notamment, devrait faire l'objet d'une proposition au Parlement dans le cadre du projet de loi de finances pour 2009. En permettant une meilleure « fluidité » du marché, depuis le simple amateur d'art aux moyens modestes jusqu'au collectionneur averti, depuis la grande entreprise qui fait du mécénat un axe de son développement et de sa communication jusqu'à l'entreprise individuelle qui souhaite soutenir un créateur, ce plan permet à notre pays de renforcer un secteur dont tous les acteurs attendent ces mesures et de lui redonner la place que son histoire, sa richesse et sa créativité justifient. Il offre aux artistes un support performant pour diffuser leurs oeuvres et vivre de leur travail ; il dynamise ainsi la scène française en complément des actions publiques du ministère de la culture et de la communication.

Données clés

Auteur : M. Jean-Claude Bouchet

Type de question : Question écrite

Rubrique : Ventes et échanges

Ministère interrogé : Culture et communication

Ministère répondant : Culture et communication

Dates :
Question publiée le 1er avril 2008
Réponse publiée le 26 août 2008

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