médicaments
Question de :
M. Jean-Louis Gagnaire
Loire (2e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
M. Jean-Louis Gagnaire interroge Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative sur l'éventuelle ouverture de la vente des médicaments à prescription facultative à la grande distribution. Une enseigne de grande distribution mène actuellement une campagne médiatique sur le sujet en utilisant le langage de la publicité, ce qui ne participe bien évidemment pas à un débat serein et éclairé. Cette campagne avait d'ailleurs fait l'objet d'un avis négatif du bureau de vérification de la publicité. L'ouverture de la vente des médicaments à prescription facultative à la grande distribution ne conduira pas nécessairement à une baisse des prix. De nombreuses expériences étrangères le montrent. Les distributeurs français n'ont absolument pas l'envergure commerciale nécessaire pour peser sur les politiques tarifaires des laboratoires pharmaceutiques. Ils ne sont pas en capacité à faire baisser durablement les prix des médicaments. Au-delà de la question du prix, une distribution des médicaments dans la grande distribution changerait profondément la nature de la relation entre les personnes et le médicament. Le pharmacien distribue un médicament pour répondre au besoin d'une personne, le supermarché recherche la vente de masse. Ces systèmes commerciaux sont profondément différents et la nature même du rapport de la société au médicament serait profondément bouleversée. La présence de médicaments dans les grandes surfaces entretiendrait une confusion très regrettable entre médicament et marchandise. Nous pouvons redouter un développement considérable de l'automédication et de ses effets secondaires. Les Etats-Unis, qui ont adopté la vente en grandes surfaces, déplorent de très nombreuses intoxications involontaires ainsi que la contrefaçon de médicaments. Les responsables politiques ont le devoir de ne pas oublier que le médicament représente un danger potentiel. On pourrait également redouter le développement de la surconsommation médicamenteuse déjà considérable dans notre pays. Les autorités publiques ont la responsabilité de lutter contre l'automédication et la surconsommation de médicaments. Seuls les pharmaciens, après de longues années d'études, sont en mesure d'évaluer ce danger et d'informer les consommateurs. Les pharmacies ne sont pas des commerces comme les autres. Elles interviennent dans le champ de la santé. Elles sont à ce titre sous le contrôle du ministère de la santé et assurent un service de garde 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 sur l'ensemble du territoire. Il lui demande donc quelles sont les intentions du gouvernement en matière de distribution des médicaments.
Réponse publiée le 15 juillet 2008
Le monopole de la distribution des médicaments doit être préservé en ce qu'il constitue un maillon indispensable de la politique intégrée du médicament. C'est une question de santé publique. Le médicament doit rester, pour la protection de la santé de la population, identifié comme un produit spécifique, dont le potentiel bénéfique est toujours, qu'il soit soumis à prescription ou non, remboursable ou non, assorti de risques. L'accompagnement et les conseils d'un professionnel de santé indépendant, dont la responsabilité personnelle est pleinement engagée, sont indispensables. Ils doivent être garantis pour tous les patients qui en ont besoin, dans un commerce dédié et professionnalisé, dont l'organisation permet d'avoir une visibilité sur le parcours de soin du patient. C'est également une question de société, au regard des services rendus aujourd'hui par ce réseau à la population française, dont l'équilibre repose aujourd'hui sur trois piliers : la propriété de son capital, qui impose à son titulaire d'assumer la responsabilité pleine et entière de l'ensemble de l'activité de son officine ; le maillage du réseau des officines sur le territoire, garantissant son adaptation aux besoins de la population, y compris dans les zones peu attractives ; le monopole, contrepartie d'une compétence assurée par une formation initiale et continue de haut niveau sur des produits dont la sensibilité tient tant à leur impact sur la santé publique qu'à la nécessité d'en maîtriser les coûts pour la collectivité. Le pharmacien d'officine, en France, est un professionnel de santé de proximité, facilement accessible sans rendez-vous, sur une large amplitude horaire, avec un service de garde adapté. La disponibilité de professionnels de santé à même de conseiller les patients et de les orienter le cas échéant doit être préservée, en particulier dans le contexte actuel de difficultés croissantes en matière de démographie médicale. Par ailleurs, le maintien d'une chaîne allant de la fabrication à la distribution dans un strict cadre pharmaceutique permet de garantir une traçabilité, rempart efficace contre la pénétration de médicaments contrefaits. Toutefois, les mises en cause actuelles montrent que la valeur ajoutée du réseau pharmaceutique n'exonère pas les officines de s'intégrer dans l'objectif national d'amélioration du pouvoir d'achat des citoyens. Face à ces enjeux, la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative a proposé aux pharmaciens un plan d'action cohérent, visant à optimiser le service pharmaceutique en le rendant plus concurrentiel. Il s'agit : d'inciter, tout en garantissant un maillage officinal adapté aux besoins de la population, à une diminution du nombre de pharmacies. Cette mesure, inscrite dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, permet à chaque officine de disposer d'un volant d'activité suffisant pour offrir un service pharmaceutique répondant aux exigences actuelles de qualité (stock suffisant, présence pharmaceutique, formation, disponibilité de conseils, etc.) et à diminuer les coûts de la distribution pharmaceutique assumés par l'assurance maladie ; de mettre à la disposition de la clientèle les médicaments non soumis à prescription devant le comptoir des pharmacies, appelé « libre service sécurisé », pour offrir un choix éclairé et accompagné de conseils individualisés, pouvant prendre en compte le parcours de soins du patient, lorsqu'il souhaite se soigner sans consulter un médecin. Cela incitera à offrir des prix publics concurrentiels et à améliorer le pouvoir d'achat. Le décret autorisant cette mise à disposition vient d'être publié au Journal officiel du 1er juillet 2008 ; de donner un statut réglementaire de type « centrale d'achat, coopérative ou groupement de pharmaciens » pour l'achat groupé, la distribution des médicaments non remboursables et la parapharmacie ; de mettre en valeur le réseau des pharmacies d'officine dans la mise en oeuvre des actions et des plans de santé publique : plans nationaux (cancer, Alzheimer, canicule, grippe aviaire, etc.), veille, alertes sanitaires, éducation thérapeutique, prévention, etc. ; d'optimiser des coûts de distribution des médicaments pour l'assurance maladie : rendez-vous réguliers avec les pharmaciens pour étudier, sur la base d'indicateurs chiffrés, les moyens d'optimisation des coûts. L'organisation de la distribution pharmaceutique dans notre pays, si elle doit régulièrement s'adapter à ses évolutions, rend des services précieux à la population française. Le réseau officinal est organisé, maîtrisé et contrôlé pour en garantir la qualité et le rôle dans la protection de la santé de nos concitoyens. Cette qualité dépend d'un équilibre reposant sur trois piliers : le maillage territorial, indivisibilité de la propriété, monopole de distribution des médicaments. La fragilisation de l'un d'entre eux, et principalement du monopole, fait risquer l'écroulement d'un édifice tenant une place importante dans notre société, sans réelle contrepartie, notamment en termes de croissance.
Auteur : M. Jean-Louis Gagnaire
Type de question : Question écrite
Rubrique : Pharmacie et médicaments
Ministère interrogé : Santé, jeunesse, sports et vie associative
Ministère répondant : Santé, jeunesse, sports et vie associative
Dates :
Question publiée le 1er juillet 2008
Réponse publiée le 15 juillet 2008