Question écrite n° 3142 :
magistrats

13e Législature

Question de : M. Marc Le Fur
Côtes-d'Armor (3e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Marc Le Fur attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la formation des magistrats. Les dysfonctionnements de la justice dans l'affaire dire « d'Outreau » ont mis en évidence les difficultés auxquelles sont confrontés les jeunes magistrats lors de leur première affectation à la sortie de l'Ecole nationale de la magistrature. Parfois confrontés à des dossiers complexes, ces jeunes magistrats doivent faire face à d'importantes responsabilités, dont ils ne maîtrisent pas les tenants et les aboutissants. Afin d'éviter cette solitude des jeunes magistrats, le début de leur carrière doit être aménagé. La création d'un statut pour les jeunes diplômés de l'Ecole nationale de la magistrature, reposant sur la mise en oeuvre d'un encadrement spécifique des chefs de juridiction, permettrait de répondre à cet objectif. Il lui demande quelles réformes concrètes de la carrière des jeunes magistrats le Gouvernement entend mettre en oeuvre.

Réponse publiée le 25 mars 2008

La garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que la situation particulière des magistrats débutants retient toute son attention. Il convient tout d'abord de rappeler qu'avant leur prise de fonction les magistrats suivent une formation de qualité organisée par l'École nationale de la magistrature, qui tient compte des difficultés auxquelles pourraient être confrontés les jeunes magistrats lors de leur première affectation. Actuellement, les auditeurs de justice (magistrats en formation) alternent durant trente et un mois les périodes d'études et de stage visant à leur permettre d'acquérir les compétences propres à toutes les fonctions qu'ils sont susceptibles d'exercer lors de leur premier poste. À l'issue de l'examen et du choix des premiers postes, les auditeurs de justice suivent une formation spécifique à la fonction choisie. Lorsqu'il s'agit d'une fonction de cabinet ou de juge unique, les auditeurs de justice peuvent ainsi, durant cette période, se préparer aux difficultés particulières liées à ces fonctions. De façon générale, les magistrats en juridiction estiment que les auditeurs de justice sont bien formés par l'École nationale de la magistrature. Cependant, certaines faiblesses ont été récemment mises en évidence, la pédagogie actuelle apparaissant trop centrée sur l'acquisition des qualités techniques et juridiques du magistrat, au détriment de la dimension humaine de ce métier. Aussi, suite à la demande de la garde des sceaux, ministre de la justice, formulée par une lettre de mission en date du 28 septembre 2007, le directeur de l'École nationale de la magistrature a mené, en concertation notamment avec des magistrats exerçant en juridiction, des personnels des services judiciaires et des partenaires de la justice et de la société civile, une réflexion tendant à faire évoluer le recrutement et la formation des magistrats. Les propositions concrètes formulées par le directeur de l'École constituent la base de la réforme de l'École nationale de la magistrature qui a été lancée par la garde des sceaux, ministre de la justice, le 22 février 2008. Ainsi, notamment, les modalités de recrutement des magistrats seront rénovées pour aboutir à une meilleure appréciation des qualités humaines et à une plus grande diversité des candidats. La formation initiale sera centrée dans un premier temps sur l'acquisition des compétences fondamentales à l'exercice du métier de magistrat. Ce n'est que dans un second temps que les auditeurs de justice bénéficieront d'une formation technique plus poussée à l'exercice de la fonction qu'ils auront choisie. Afin d'éviter un trop grand isolement, les magistrats seront mieux accompagnés tout au long de leur carrière, à la faveur du renforcement de la formation continue et de la mise en place, au sein de la direction des services judiciaires, d'une véritable gestion des ressources humaines. La garde des sceaux, ministre de la justice, est cependant consciente qu'une amélioration de la formation ne suffit pas à résoudre l'ensemble des difficultés auxquelles les magistrats débutants sont susceptibles d'être confrontés. Les magistrats sont évalués tous les deux ans. Les nouveaux magistrats, installés en septembre, font cependant l'objet d'une évaluation dès la fin de l'année suivante, ce qui permet le cas échéant de corriger des imperfections constatées. Mais la solitude de certains magistrats demeure problématique, surtout lorsqu'elle concerne un jeune magistrat qui se trouve chargé, dès son premier poste, d'une affaire présentant une particulière complexité. Cette difficulté a été mise en évidence dans le rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale chargé de rechercher les causes des dysfonctionnements de la justice dans l'affaire dite « d'Outreau ». C'est pour remédier à ces difficultés que la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale a institué dans certains tribunaux des pôles de l'instruction qui seront seuls compétents pour les affaires criminelles et, en cas de cosaisine des juges d'instruction, cette co-saisine pouvant désormais être imposée par la chambre de l'instruction ou son président. L'entrée en vigueur de ces dispositions a été fixée au plus tard au 1er mars 2008. Cette loi a en outre instauré la collégialité de l'instruction en prévoyant qu'à compter du 1er janvier 2010 les actes les plus importants de l'information seront décidés par un collège de trois juges. Au-delà de ces dispositions qui concernent exclusivement la fonction de juge d'instruction, la loi organique n° 2007-287 du 5 mars 2007 relative au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats comporte plusieurs dispositions qui visent à une vigilance accrue dans le cadre de la nomination de magistrats à des fonctions exercées à juge unique. Ainsi, il est désormais prévu que le jury de classement assortit la déclaration d'aptitude de l'auditeur de justice d'une recommandation et le cas échéant de réserves sur les fonctions pouvant être exercées par cet auditeur, lors de sa nomination à son premier poste. Il ne peut plus choisir un poste pour lequel il a fait l'objet de réserves, lesquelles sont désormais versées à son dossier de magistrat. Ainsi, le jury a la possibilité d'identifier les auditeurs ayant encore besoin d'un encadrement et de les écarter des fonctions les plus isolées. Par ailleurs, la loi organique du 5 mars 2007 a créé la nouvelle sanction disciplinaire d'interdiction d'être nommé ou désigné dans des fonctions de juge unique pendant une durée maximum de cinq ans. Ces réformes récentes demeurent encore insuffisantes pour éviter l'isolement de certains magistrats débutants. C'est la raison pour laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice, a décidé de mettre en place un système de tutorat permettant d'accompagner les magistrats dans le cadre de leur première affectation. Un magistrat d'expérience sera chargé de cet encadrement. Une étude approfondie sera menée dans le cadre de la réforme de l'École nationale de la magistrature, afin de déterminer les modalités précises de ce nouveau dispositif.

Données clés

Auteur : M. Marc Le Fur

Type de question : Question écrite

Rubrique : Justice

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 14 août 2007
Réponse publiée le 25 mars 2008

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